N°7 - Mai 2022 (Environnement)

Lettre de la troisième chambre civile

Une sélection commentée des arrêts rendus par la troisième chambre civile de la Cour de cassation (Assurance-construction / Baux commerciaux / Copropriété / Environnement / Expropriation / Hypothèque / Prescription et vices cachés / Sous-traitance).

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  • prescription

Lettre de la troisième chambre civile

N°7 - Mai 2022 (Environnement)

La procédure spéciale de sécurisation des réseaux de distribution prévue par le code de l'environnement n’est pas exclusive d’une mesure d'instruction de droit commun

3e Civ., 16 février 2022, pourvoi n° 21-11.926, publié au Bulletin

Les travaux entrepris à proximité des réseaux de transport et de distribution d’électricité, de gaz, d’eau, d’hydrocarbures, de produits chimiques ou de télécommunication présentent des risques pour l'intégrité de ces réseaux, mais, surtout, pour les personnes, au premier rang desquelles les travailleurs affectés aux travaux, et, plus largement, pour l'environnement. Ces risques ont notamment été mis en évidence à l’occasion d’accidents particulièrement graves survenus lors de la réalisation de travaux à proximité de réseaux enterrés de distribution de gaz (Villepinte en 1985, Daegu en Corée du Sud en 1995, Ghislenghien en Belgique en 2004, Bondy en 2007). La fuite d'hydrocarbure peut également polluer les sols et les eaux de manière durable.

Un régime de prévention des risques avait été mis en place par le décret n° 91-1147 du 14 octobre 1991, qui prévoyait notamment le dépôt en mairie des plans de localisation des ouvrages de réseau et, lorsque des travaux étaient envisagés à proximité, l’envoi d’une déclaration d’intention de commencement des travaux aux exploitants des ouvrages.

Ce régime a été refondu par la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010, dite « Grenelle II », qui a inséré dans le code de l’environnement, aux articles L. 554-1 et suivants, de nouvelles dispositions relatives à la sécurité des réseaux souterrains, aériens ou subaquatiques de transport ou de distribution.

La prévention des risques organisée par le code de l'environnement repose notamment sur l'identification des réseaux et des exploitants grâce à un guichet unique confié à l’Institut national de l’environnement industriel et des risques (INERIS) et sur des obligations de déclaration de travaux (DT) par le responsable du projet et de déclaration d'intention de commencement des travaux (DICT) par les entreprises chargées de les exécuter.

Dès lors que le code de l'environnement (L. 554-1 et suivants et R. 554-1 et suivants) prévoit une procédure particulière pour permettre la bonne information du maître de l’ouvrage, du constructeur et de l’exploitant du réseau, pour prévenir tout risque d’endommagement de ce réseau et pour déterminer les éventuelles responsabilités encourues, est-il possible de recourir à des procédures de droit commun, telle une mesure d'expertise préventive, classique en matière de travaux d'envergure ?

Dans l'affaire à l'origine de l'arrêt qui nous intéresse, le maître d'ouvrage avait obtenu en référé la désignation d'un expert sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, au contradictoire, notamment, de l'exploitant d'un réseau de distribution de gaz. Cet exploitant contestait sa mise en cause, en faisant valoir que la procédure spéciale prévue par le code de l'environnement excluait toute mesure d'instruction de droit commun.

La Cour de cassation rejette le pourvoi de l'exploitant : les règles du code de l'environnement relatives aux travaux effectués à proximité des ouvrages constituant les réseaux souterrains, aériens ou subaquatiques de transport ou de distribution n'excluent pas la possibilité d'engager une procédure de référé préventif.

La solution s'inscrit dans la lignée d'autres arrêts qui, refusant de conférer au référé probatoire un caractère subsidiaire, ont admis sa mise en œuvre même en présence de règles spéciales prévoyant la désignation d'un technicien ou la communication de pièces. Il avait, ainsi, été jugé que ni la procédure particulière de détermination et de fixation de l’indemnité à la charge de l’Office national de la chasse en cas de dommages causés aux récoltes par le grand gibier, ni la communication des documents comptables prévue par l'article L. 123-23 du code de commerce ni l'expertise de gestion prévue par l'article L. 225-231 du même code n'excluaient la mise en œuvre des mesures d'instructions prévues à l'article 145 du code de procédure civile.

En définitive, loin de s'exclure, les dispositifs spécifiques et les instruments de droit commun se combinent entre eux afin d'assurer une meilleure protection de l'environnement.

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