N°7 - Mai 2022 (Copropriété)

Lettre de la troisième chambre civile

Une sélection commentée des arrêts rendus par la troisième chambre civile de la Cour de cassation (Assurance-construction / Baux commerciaux / Copropriété / Environnement / Expropriation / Hypothèque / Prescription et vices cachés / Sous-traitance).

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Lettre de la troisième chambre civile

N°7 - Mai 2022 (Copropriété)

Par l’effet rétroactif du partage, un copropriétaire en indivision est censé avoir pu agir seul en annulation d’une assemblée générale de copropriétaires

3e Civ., 9 février 2022, pourvoi n° 20-22.159, publié au Bulletin

Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt commenté, un propriétaire en indivision de lots de copropriété avait seul engagé une action en annulation d’une assemblée générale de copropriétaires.

A défaut d’avoir eu la qualité de mandataire commun de l’indivision, son action ne pouvait qu’être déclarée irrecevable.

Néanmoins, un partage l’ayant rendu unique propriétaire des lots de copropriété était intervenu en cours de procédure.

Pour la cour d’appel, son action n’en était pas moins demeurée irrecevable dès lors que ledit partage n’avait pas eu pour conséquence de régulariser une procédure qui ne pouvait l’être que dans le délai de forclusion de deux mois de l’article 42 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965.

Or, selon l’article 883 du code civil, par l’effet rétroactif du partage la période d’indivision l’ayant précédé est réputée n’avoir jamais existé.

Dès lors, le pourvoi posait, de manière inédite, la question de la portée de cet effet rétroactif sur la recevabilité d’une action irrégulièrement introduite et dont le délai de régularisation avait expiré.

La Cour de cassation avait eu l’occasion de se prononcer au regard d’un autre effet rétroactif, celui prévu par l’article 1843 du code civil selon lequel les actes des personnes ayant agi au nom d’une société en formation repris par celle-ci sont réputés avoir été dès l’origine contractés par elle.

Dans une telle hypothèse, elle avait admis que, compte tenu de l'effet rétroactif attaché à cet acte de reprise, il était peu important qu’il soit intervenu au-delà du délai de forclusion d’une action introduite par une société à l’origine sans qualité pour le faire (3e Civ., 7 avril 2016, pourvoi n° 15-10.881, Bull. 2016, III, n° 49)

Devait-il en aller autrement s’agissant de l’effet rétroactif attaché au partage ?

La Cour de cassation a considéré qu’il ne convenait pas de distinguer entre les effets rétroactifs.

En effet, s’il peut être fait exception à l’effet déclaratif du partage pour préserver les droits des tiers, la validation d’une action en annulation d’une assemblée générale engagée par l’un des copartageants n’est pas nature à léser les droits des autres copropriétaires. Elle n’est pas non plus de nature à retarder le traitement judiciaire de cette contestation dès lors que la juridiction saisie n’a pas à surseoir jusqu’à l’issue du partage.

Censurant la cour d’appel, la Cour de cassation a donc décidé que, par l'effet rétroactif du partage, le demandeur était censé être seul propriétaire des lots de copropriété depuis le décès de son auteur et avoir agi seul en annulation de l'assemblée générale sans qu'il y ait eu lieu à régularisation de l'acte introductif d'instance.

La mise en concurrence impose de soumettre au vote de l’assemblée générale les devis notifiés au plus tard en même temps que l’ordre du jour

3e Civ., 9 mars 2022, pourvoi n° 21-12.658, publié au Bulletin

Au cours d’une assemblée générale de copropriétaires au sein d’une copropriété qui n’avait pas fixé dans son règlement les conditions de mise en œuvre de la mise en concurrence pour les marchés de travaux et les contrats de fournitures, a été adoptée une résolution autorisant la réalisation de travaux de réfection et d’isolation de la façade de l’immeuble en retenant le seul devis qui avait été soumis au vote, lequel avait été choisi par le maître d’œuvre parmi plusieurs devis sélectionnés par ses soins.

Le tribunal et la cour d’appel avaient validé ce procédé contesté par un copropriétaire au nom des règles de mise en concurrence instaurées par l’article 19-2 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967, en disant qu’il ressortait du rapport du maître d’œuvre que quatre entreprises avaient été consultées, que celui-ci expliquait les raisons pour lesquelles il préconisait d’en choisir une, que ce rapport contenait des informations relatives aux différents devis, offres et contrats suffisamment claires et détaillées pour que les copropriétaires votent le projet de résolution en connaissance de cause, étant précisé que l’article 11 n’exige pas la notification de tous les documents préalables, ni du devis, ni de l’intégralité des conditions du contrat.

La Cour de cassation casse cet arrêt en affirmant que la mise en concurrence impose que l’ensemble des devis sollicités et notifiés aux copropriétaires en vue de l’assemblée générale devant décider de marchés de travaux et de contrats de fournitures, doivent être soumis à la délibération de ladite assemblée générale, le vote ne pouvant porter sur le seul devis sélectionné par un tiers, tel un maître d’œuvre.

Une telle pratique serait contraire aux objectifs poursuivis par la mise en concurrence qui sont l’amélioration des offres, la réduction des coûts, la transparence et également la maîtrise par l’assemblée générale des copropriétaires du processus de décision en cette matière ; il incombe à cette dernière de choisir les entreprises auxquelles elle entend recourir pour l’exécution de travaux ou pour des fournitures, en appréciant les éléments qui lui sont fournis directement et, le cas échéant, à l’instar du conseil syndical, en se faisant assister par un sachant.

La troisième chambre civile a montré de la souplesse dans l’appréciation du respect de la mise en concurrence : elle a admis que cette obligation de concurrence avait été respectée même si certaines entreprises n’avaient pas répondu à l’appel d’offres du moment que les copropriétaires avaient disposé des éléments nécessaires pour prendre une décision en connaissance de cause (3e Civ., 27 novembre 2013, pourvoi n° 12-26.395, Bull. 2013, III, n° 153) ; de même, elle a estimé que cette obligation était également respectée si l’assemblée générale se voyait soumettre un seul devis en sus de celui du titulaire du contrat en cours (3e Civ., 15 avril 2015, pourvoi n° 14-13.255, Bull. 2015, III, n° 39). Il en va également ainsi pour les travaux subséquents à ceux décidés après un appel à la concurrence qui échappent à cette obligation (3e Civ., 28 janvier 2021, pourvoi n° 19-22.681).

Toutefois, cette souplesse ne doit pas déboucher sur une remise en cause de l’obligation de concurrence dans sa substance : tel aurait été le cas si la Cour de cassation avait accepté que le choix des cocontractants du syndicat des copropriétaires en matière de travaux et de contrats de fournitures appartienne de fait à des tiers et non à l’assemblée générale des copropriétaires.

Incidence de l’approbation des comptes d’une copropriété en difficulté par son administrateur provisoire

3e Civ., 13 avril 2022, pourvoi n° 21-15.923, publié au Bulletin

Écartant expressément l’application du régime des procédures collectives, le législateur a instauré une procédure spécifique de traitement des difficultés rencontrées par les copropriétés conduisant à la désignation d’un administrateur provisoire auquel peut être transféré la quasi-totalité des pouvoirs de l’assemblée générale.

Il a prévu que les décisions prises par l’administrateur provisoire, y compris celles concernant l’approbation des comptes de la copropriété, soient uniquement adressées pour leur information aux copropriétaires.

La réponse au pourvoi commenté impliquait que la Cour de cassation décide, au préalable, si cette approbation des comptes pouvait être remise en cause lors d’une action en paiement d’un arriéré de charges exercée à l’encontre d’un copropriétaire.

En effet, devenue définitive, faute de l’exercice d’un recours ou en cas de rejet de celui formé contre elle, il est établi qu’une décision assemblée générale ne peut être indirectement critiquée par un moyen de défense.

En revanche, faute de recours ouvert par le législateur, un copropriétaire pouvait être tenté, comme au cas d’espèce, de remettre indirectement en cause la décision prise par l’administrateur provisoire.

Confirmant un précédent arrêt (3e Civ., 17 novembre 1999, pourvoi n° 98-12.946), qui n’avait pas été publié, la Cour de cassation a écarté que le caractère définitif des décisions de l’administrateur provisoire puisse ainsi être contourné.

Avant d’approuver les motifs de la cour d’appel, elle a toutefois précisé, dans un souci d’équilibre entre les intérêts en présence, que les copropriétaires n’étaient pas privés de tout recours dès lors qu’ils pouvaient en référer au président du tribunal judiciaire.

Ce dernier, garant de la régularité de la procédure, peut, en effet, mettre fin ou modifier la mission de l’administrateur provisoire, notamment, pour tenir compte d’irrégularités dans la tenue des comptes qui seraient ainsi portées à sa connaissance.

Par ailleurs, le caractère définitif des décisions de l’administrateur provisoire ne supprime pas l’obligation pour le syndicat des copropriétaires de rapporter la preuve de sa créance dès lors que l’approbation des comptes du syndicat ne constitue pas une approbation du compte individuel de chacun des copropriétaires. Ceux-ci pourront ainsi toujours soutenir que leur décompte est erroné pour ne pas comporter tous les versements effectués ou ne pas avoir été établi conformément à la répartition des charges prévue au règlement de la copropriété.

Enfin, l’administrateur provisoire, comme tout mandataire, est susceptible de voir sa responsabilité délictuelle engagée par les copropriétaires en cas de manquement.

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