N°7 - Mai 2022 (Assurance-construction)

Lettre de la troisième chambre civile

Une sélection commentée des arrêts rendus par la troisième chambre civile de la Cour de cassation (Assurance-construction / Baux commerciaux / Copropriété / Environnement / Expropriation / Hypothèque / Prescription et vices cachés / Sous-traitance).

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Lettre de la troisième chambre civile

N°7 - Mai 2022 (Assurance-construction)

Détermination et portée des clauses d’exclusion de garantie

3e Civ., 16 mars 2022, pourvoi n° 18-23.954, publié au Bulletin

3e Civ., 20 avril 2022, pourvoi n° 21-16.297, publié au Bulletin

Sauf en matière d'assurance obligatoire, les parties définissent librement le risque garanti. En pratique, les polices d'assurance sont rédigées par les assureurs et l'assuré peut se méprendre sur l'étendue exacte des garanties qu'il souscrit. La loi prévoit certains garde-fous, pour protéger l'assuré contre les effets de clauses obscures ou subreptices. Ainsi, l'assureur peut stipuler que certains dommages seront exclus de la garantie mais il devra respecter des conditions de forme et de fond, afin que l'attention de l'assuré soit spécialement attirée sur les « trous » qui peuvent rogner la couverture offerte par le contrat. Ainsi, la loi prévoit que les exclusions de garantie doivent être formelles et limitées (article L. 113-1 du code des assurances). Elles ne peuvent être formulées de manière ambiguë ni vider le contrat de sa substance. Elles ne sont, en outre, valables que si elles sont mentionnées dans la police en caractères très apparents (articles L. 112-4 du code des assurances).

Ces exigences ne s'attachent qu'aux clauses d'exclusion et non aux clauses définissant le risque ou conditionnant la garantie. La qualification de la clause revêt, dès lors, une importance particulière en cas de litige. Les règles de preuve ne seront pas, non plus, les mêmes selon la qualification que l'on donne à la clause : s'il incombe à l'assuré de prouver que le sinistre correspond à la définition du risque et que les conditions de la garantie sont remplies, c'est à l'assureur de prouver que les circonstances qui justifient l'exclusion sont réunies.

La distinction entre les clauses définissant le risque et les clauses d'exclusion n'est pas toujours aisée. Aux termes de deux arrêts rendus à quelques semaines d'intervalle, la Cour de cassation rappelle les principes qui encadrent la stipulation des clauses d'exclusion de garantie.

Reprenant une définition classique, la Cour de cassation juge, dans son arrêt du 20 avril 2022, que la clause qui prive l'assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de la réalisation du risque constitue une clause d'exclusion de garantie.

C'est notamment le cas de la clause du contrat d'assurance de l'architecte qui, tout en définissant le risque par référence à la profession d'architecte telle qu'elle est définie par la législation et la réglementation, contient également des exclusions lorsqu'il s'agit de refuser la garantie en raison de certains manquements commis par l'architecte dans l'exercice de sa mission. En l'espèce, la cour d'appel avait retenu, comme le lui demandait l'assureur, que le commencement des travaux sans l'obtention d'une autorisation d'urbanisme constituait une infraction pénale dont l'architecte s'était rendu complice, si bien qu'il avait manqué au devoir d'intégrité imposé par l'article 12 du code de déontologie. En statuant ainsi, les juges ont violé l'article L. 113-1 du code des assurances car l'exécution des travaux en méconnaissance des règles d'urbanisme imposant l'obtention d'une autorisation de construire constituait une circonstance particulière de la réalisation du risque, de sorte que l'assureur invoquait, en fait, une exclusion de garantie.

Il doit être observé qu'il n'était pas soutenu que les dommages provenaient d'une faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré, ce qui aurait exclu la garantie au titre de l'article L. 113-1, alinéa 2, du code des assurances.

Les juges doivent rechercher, concrètement, si la clause qui leur est soumise, même si elle ne se présente pas formellement comme une clause d'exclusion, ne renferme pas de telles exclusions, qui doivent alors répondre aux exigences des articles L. 113-1 et L. 112-4 du code des assurances.

Dans son arrêt du 16 mars 2022, la Cour de cassation rappelle que le contrat d'assurance ne peut déroger aux règles qui encadrent les clauses d'exclusion de garantie au moyen d'exclusions indirectes. La clause du contrat d'assurance qui garantit « les dommages provoqués par la fuite, la rupture ou le débordement des canalisations non enterrées » exclut indirectement les dommages provoqués par la fuite des canalisations enterrées. La Cour de cassation réitère, à ce propos, une solution qu'elle avait déjà retenue par le passé pour une clause similaire (1re Civ., 10 juin 1992, pourvois n° 90-20.302 et 90-19.717 ; 3e Civ., 26 mars 2008, pourvoi n° 07-14.406).

Le juge ne peut rejeter la demande formée contre l'assureur sans rechercher, lorsque les parties l'y invitent, si l'exclusion figure dans le contrat selon les formes prévues pour de telles clauses. L'exclusion doit, ainsi, être formelle et limitée et figurer dans la police en caractères très apparents. L'exclusion indirecte qui peut résulter de la clause définissant le risque peut être valable si la police la formalise, par ailleurs, conformément aux articles L. 113-1 et L. 112-4 du code des assurances.

Par son arrêt du 16 mars 2022, la Cour de cassation rappelle un autre principe, propre aux assurances « dégât des eaux » : l'assureur est tenu à garantie, dès lors que le sinistre est survenu pendant la période de validité du contrat d'assurance. En effet, pour l'assurance « dégâts des eaux », il y a une spécificité intrinsèque qui écarte la notion de fait générateur au profit de la simple survenance de l'écoulement dommageable des eaux. La garantie ne peut être refusée au motif que l'origine des fuites, constituant la cause génératrice du dommage, est antérieure à la date de prise d'effet de l'assurance.

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