N°6 - Février 2022 (Construction)

Lettre de la troisième chambre civile

Une sélection commentée des arrêts rendus par la troisième chambre civile de la Cour de cassation (Baux commerciaux / construction / construction de maison individuelle / contrat d'architecte / contrat d'entreprise / expropriation  / vente immobilière).

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Preuve de la commande de travaux supplémentaires

3e Civ., 17 novembre 2021, pourvoi n° 20-20.409, (B)

Lorsque les parties sont convenues de travaux, il est fréquent qu'elles modifient le marché en cours de chantier, sans qu'elles jugent nécessaire de formaliser ces changements par écrit.

En l'absence de commande écrite du maître d'ouvrage, dans quelles conditions le constructeur peut-il obtenir le paiement de travaux supplémentaires?

Le contrat de louage d'ouvrage étant un contrat consensuel, la signature d'un acte n'est pas exigée pour sa validité. Ainsi, une commande orale est valable.

Un écrit peut cependant s'avérer nécessaire, non pour la validité de la convention, mais pour sa preuve. En effet, le code civil exclut dans certains cas que cette preuve puisse être rapportée autrement que par écrit. Ainsi, lorsqu'une des parties au moins n'est pas commerçante, les dispositions de l'article 1341 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, exigent un acte sous signature privé ou devant notaire lorsque le montant de l'obligation excède une certaine somme fixée par décret (1 500 euros). Depuis le 1er octobre 2016, cette règle est reprise par le nouvel article 1359 du code civil.

Il faut également observer qu'en matière de marchés à forfait, l'écrit est exigé par l'article 1793 du code civil, quel que soit le montant des travaux supplémentaires. La Cour de cassation n'a pas voulu étendre cette règle aux autres marchés, qui demeurent soumis au droit commun. Ainsi, le fait que les travaux supplémentaires aient été commandés oralement entre commerçants n'empêche pas leur prise en compte si le marché n'est pas à forfait (3e Civ., 12 juin 2014, pourvoi n° 13-19.410, Bull. 2014, III, n° 81). Le même principe vaut à l'égard des non-commerçants, lorsque le prix convenu est inférieur au seuil des 1 500 euros.

Au-delà de 1 500 euros, lorsqu'une des parties n'est pas commerçante, les dispositions de l'article 1341 ancien ou 1359 nouveau du code civil trouvent à s'appliquer, que le marché soit ou non à forfait. Peu important que la commande orale soit valable, le constructeur ne sera pas admis à la prouver par témoins, présomptions ou tout autre mode de preuve. Il ne pourra être dérogé à cette exigence d'un écrit que dans les cas prévus par la loi, notamment en présence d'un commencement de preuve par écrit (c'est-à-dire d'un écrit qui, émanant de celui qui conteste l'acte, rend vraisemblable ce qui est allégué) corroboré par d'autres moyens de preuve, en présence d'un aveu judiciaire, en cas d'impossibilité morale ou matérielle de se procurer une preuve littérale ou encore en cas de perte de l'acte par suite d'une force majeure.

Le présent arrêt vient rappeler ce principe en matière de travaux supplémentaires.

Les constructeurs doivent ainsi prendre soin de faire constater par écrit, sous la signature du maître d'ouvrage, les modifications du marché, à peine de voir rejeter leurs demandes de paiement, même lorsqu'ils prouvent que les travaux ont été exécutés. Le fait que le propriétaire de l'ouvrage ne se soit pas opposé à l'exécution des travaux n'y changera rien puisque la preuve par présomption n'est pas admise.

Les règles de preuve de l'article 1341 ancien ou 1359 nouveau du code civil n'étant pas d'ordre public, le juge pourra, toutefois, quand le maître d'ouvrage ne les invoque pas, prendre en compte d'autres modes de preuve. Dans la présente affaire, le maître d'ouvrage opposait à la demande l'absence d'un écrit.

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