N°6 - Février 2022 (Baux commerciaux)

Lettre de la troisième chambre civile

Une sélection commentée des arrêts rendus par la troisième chambre civile de la Cour de cassation (Baux commerciaux / construction / construction de maison individuelle / contrat d'architecte / contrat d'entreprise / expropriation  / vente immobilière).

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Sauf stipulation particulière, le bailleur d'un local situé dans un centre commercial n’est pas tenu d’en assurer la commercialité

3e Civ., 15 décembre 2021, pourvois n° 20-14.423 et 20-16.570, (B)

Cette affaire s'inscrit dans le contexte du développement, en périphérie urbaine, de grands centre commerciaux qui, s'ils impliquent de lourds investissements, ne génèrent pas toujours les résultats escomptés par les commerçants s'y installant.

En l'occurrence, le locataire d'un local à usage de prêt-à-porter situé dans un centre commercial a assigné son bailleur, propriétaire dudit centre, en résiliation du bail et paiement de dommages et intérêts.

Le preneur reprochait au bailleur de ne pas avoir assuré une commercialité du centre permettant l'exploitation pérenne de son fonds.

Sur la base de trois articles des conditions générales et particulières du contrat, la cour d'appel a retenu l'existence de l'obligation, à laquelle le bailleur avait manqué, "de délivrer un local dans un centre commercial haut de gamme présentant une décoration soignée". En conséquence de ce manquement, elle a condamné le bailleur à indemniser le locataire d'une perte de chance de réaliser les bénéfices escomptés.

Les deux parties ont formé un pourvoi en cassation.

Le bailleur a notamment soutenu que l'obligation "de délivrer un local dans un centre commercial haut de gamme présentant une décoration soignée" ne pouvait résulter que de stipulations particulières du bail, inexistantes en l'espèce, la cour d'appel ayant dès lors dénaturé les termes du contrat et violé la loi des parties.

Le locataire a quant à lui considéré que, même en l'absence de stipulations particulières du contrat, le propriétaire bailleur d'un centre commercial était, au titre de son obligation de délivrance prévue par l'article 1719 du code civil, tenu "de mettre en œuvre les diligences raisonnables pour assurer un environnement commercial permettant au preneur d'exercer son activité dans des conditions normales".

La Cour de cassation a rejeté les contestations du locataire en énonçant que "le bailleur d'un local situé dans un centre commercial dont il est propriétaire n'est, à défaut de stipulations particulières du bail, pas tenu d'en assurer la bonne commercialité".

Cette solution s'inscrit dans la continuité d'une jurisprudence établie selon laquelle, en application de l'article 1719 du code civil, le bailleur d'un local situé dans un centre commercial n'est, en l'absence de stipulation particulière, tenu que d'assurer la délivrance, l'entretien et la jouissance paisible de la chose louée.

Sur le pourvoi du bailleur, la troisième chambre civile a relevé que, pour retenir l'existence de l'obligation "de délivrer un local dans un centre commercial haut de gamme présentant une décoration soignée", la cour d'appel s'était fondée sur des stipulations du bail n'engendrant d'obligations qu'à la charge du preneur.

Réaffirmant qu'en l'absence de stipulation particulière le bailleur n'était pas tenu d'assurer la commercialité de la chose louée, elle est dès lors entrée en voie de cassation.

Étendue du caractère non écrit d’une clause d’indexation ne variant qu’à la hausse

3e Civ., 12 janvier 2022, n° 21-11.169, (B)

Dans cette affaire, le bail commercial liant les parties comportait une clause d'échelle mobile stipulant que l'indexation annuelle de plein droit du loyer ne s'effectuerait "que dans l'hypothèse d'une variation à la hausse du dernier indice, le loyer ne pouvant en aucun cas varier à la baisse".

La cour d'appel a, d'une part, considéré que la stipulation susvisée contrevenait tant aux dispositions de l'article L. 112-1 du code monétaire et financier qu'à celles de l'article L. 145-39 du code de commerce.

Elle a, d'autre part, retenu que l'intention du bailleur avait été de faire de tous les éléments de la clause une condition essentielle et déterminante de son consentement, de sorte que ladite clause était indivisible et que le maintien de certaines de ses stipulations était impossible.

Elle a en conséquence jugé la clause d'indexation non écrite en son entier.

Le pourvoi du bailleur soutenait, au principal, que la clause en litige ne contrevenait ni aux dispositions de l'article L. 112-1 du code monétaire et financier, ni à celles de l'article L.145-39 du code de commerce. Il faisait subsidiairement valoir que la stipulation interdisant la variation du loyer à la baisse pouvait être seule réputée non écrite, sans remettre en cause le principe de l'indexation.

Reprenant la solution dégagée par son arrêt du 30 juin 2021 (3e Civ., 30 juin 2021, pourvoi n° 19-23.038, en cours de publication), la Cour de cassation retient que la clause d'indexation ne jouant qu'en cas de hausse de l'indice de référence, si elle ne créé pas la distorsion prohibée par l'article L. 112-1 du code monétaire et financier, contrevient aux dispositions de l'article L. 145-39 du code de commerce et doit être réputée non écrite en application de l'article L. 145-15 du même code.

Mais la sanction du réputé non écrit est-elle limitée à la seule stipulation écartant la réciprocité de la variation ou doit-elle entraîner l'éradication de la totalité de la clause ?

Cette question revêt un intérêt économique majeur.

Dans la première hypothèse le bailleur ne sera en effet tenu qu'à restitution des sommes perçues au titre de l'indexation irrégulière.

Dans la seconde, la restitution portera, dans la limite de la prescription de l'action en répétition de l'indu, sur la totalité des sommes versées par le preneur au titre de l'indexation. Au surplus, l'indexation étant censée n'avoir jamais existé, le loyer restera pour l'avenir figé à son montant initial.

Reprenant les termes de son arrêt du 30 juin 2021, la cour de cassation énonce que "seule la stipulation prohibée doit être réputée non écrite" et juge que, au regard de ce principe, la cour d'appel s'est déterminée par des motifs impropres à caractériser l'indivisibilité de la clause.

Sans remettre en cause l'appréciation souveraine du juge du fond, la solution retenue impose donc à ce dernier de rechercher si, de manière objective, la stipulation contraire à l'article L. 145-39 du code de commerce peut ou non être retranchée de la clause sans porter atteinte à la cohérence de celle-ci et au jeu normal de l'indexation.

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