N°5 - Novembre 2021 (Focus)

Lettre de la troisième chambre civile

Une sélection commentée des arrêts rendus par la troisième chambre civile de la Cour de cassation (assurance-construction, bail commercial, prescription extinctive, vente).

  • Immobilier
  • assurance construction obligatoire
  • bail commercial
  • prescription civile

Forum des juges de l’Union européenne pour l’environnement

La 18ème conférence annuelle du Forum des juges de l’Union européenne pour l’environnement (EUFJE - www.eufje.org) s’est tenue les 17 et 18 septembre 2021.

Elle avait pour thème la mise en œuvre, par les juges nationaux, des réponses données par la Cour de justice de l’Union européenne aux questions préjudicielles à elle posées.

A cet effet, un questionnaire destiné à identifier les pratiques et les difficultés rencontrées, par les juges nationaux, avait été diffusé. Le rapport de synthèse des réponses apportées a montré la diversité des problématiques environnementales ayant nécessité des précisions de la Cour de justice, et a fait ressortir, outre des interrogations communes, les particularités nationales et l’importance du contexte environnemental économique et social propre à chaque Etat. La législation sur les déchets (Finlande, France), la qualité de l’air (Royaume-Uni), la protection de la faune et des habitats (Slovénie), la responsabilité environnementale (Hongrie), l’eau (Grèce) ont donné lieu à des questions préjudicielles. Plusieurs Etats se sont heurtés à des difficultés communes pour l’application de directives ayant recours à l’évaluation environnementale et à la délivrance de permis, ou utilisant les notions de programme et de plan (Espagne, Belgique, Pays-Bas).

La Cour de justice, représentée par le juge Jan Passer, a précisé ses attentes en matière de question préjudicielle. Elle souhaite tout particulièrement, d’une part, que la juridiction qui la saisit soit plus impliquée dans la réponse, l’agent du gouvernement représentant l’autorité nationale n’étant pas toujours en mesure de fournir tous les renseignements utiles, notamment techniques, d’autre part, que la décision posant la question lui donne des éléments spécifiques de contexte et de droit national. Le juge de l’Union a la volonté de ne pas donner une réponse abstraite que le juge national se bornerait à appliquer, mais de fixer des critères et des orientations pour le guider dans son adaptation à la situation nationale.

À l’issue de ces deux journées, il est apparu que la Cour de justice est parfois amenée à reformuler, regrouper, voire interpréter, les questions qui lui sont posées. A cet égard, des juges nationaux ont émis le souhait que la Cour soit plus explicite, ce qui contribuerait à une meilleure compréhension des décisions et faciliterait la bonne application des réponses énoncées.

Il a également été souligné que le renvoi préjudiciel peut aboutir à des durées de procédure excessives, incompatibles avec la protection de l’environnement et le respect de la convention d’Aarhus. Si la cause initiale est souvent l’inertie dans la mise en conformité avec le droit de l’Union, la décision finale intervient parfois trop tard, comme dans le cas de la régulation de la population d’ours slovènes, alors que ceux-ci avaient déjà été abattus.

Il n’en demeure pas moins que les décisions de la Cour de justice sur renvoi préjudiciel permettent aux juges nationaux d’appliquer directement sa jurisprudence en intégrant les contingences propres à leur pays, ce qui témoigne d’une coopération efficace, fondamentale, dès lors que les droits environnementaux sont définis principalement au niveau de l’Union, ce qui conduit à une protection plus effective.

L’un des cas étudiés (Slovénie) comportait un volet sur l’accès des associations de protection de l’environnement à la justice sous l’angle de l’absence d’effet direct, en droit communautaire, de l’article 9, § 3, de la convention d’Aarhus.

Cette limitation du droit à agir des associations a également été évoquée par Mattias Guyomar, juge à la Cour européenne des droits de l’Homme, dans une intervention récente devant la Cour de cassation (à lire en cliquant ici). Pour tenir compte de la réalité sociale et du rôle important des ONG dans le domaine de l’environnement, une application plus souple de l’article 6, §1, de la Convention EDH semble se dégager de la jurisprudence de la Cour européenne : en fonction de la définition de leur objet social dans les statuts, ces associations pourraient être reconnues titulaires en propre d’un droit civil rendant leur action recevable devant elle.

Ces journées d’échanges ont à nouveau démontré que le dialogue des juges au niveau européen, dans lequel la Cour de cassation est pleinement impliquée, se révèle fructueux et plus que jamais nécessaire pour appliquer et faire évoluer de manière aussi harmonieuse qu’efficace un droit qui doit, en s’inscrivant dans un objectif de développement durable, répondre à un défi majeur pour nos sociétés.

Françoise Farrenq-Nési,

Conseillère à la troisième chambre civile

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