N°5 - Novembre 2021 (Bail commercial)

Lettre de la troisième chambre civile

Une sélection commentée des arrêts rendus par la troisième chambre civile de la Cour de cassation (assurance-construction, bail commercial, prescription extinctive, vente).

  • Immobilier
  • assurance construction obligatoire
  • bail commercial
  • prescription civile

Nature et étendue de la sanction d’une clause d’indexation excluant la réciprocité de la variation

3e Civ., 30 juin 2021, pourvoi n° 19-23.038, publié

Il est jugé que la clause d’indexation du loyer d’un bail commercial qui exclut la réciprocité de la variation et stipule que le loyer ne peut être révisé qu’à la hausse fausse le jeu normal de l’indexation (3e Civ., 14 janvier 2016, pourvoi n° 14-24.681, Bull. 2016, III, n° 7).

Mais quelle est la nature de la sanction applicable à l’absence de réciprocité : la nullité ou le réputé non écrit de la clause ?

L’enjeu est majeur car seule l’action en nullité est soumise à prescription.

En effet, l’article L. 145-15 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014, applicable aux baux en cours lors de l’entrée en vigueur de cette loi, répute non écrites les clauses qui ont pour effet de faire échec aux dispositions des articles L. 145-37 à L. 145-41 du code de commerce. L'action tendant à voir réputer non écrite une clause du bail commercial n'est donc pas soumise à prescription (3e Civ., 19 novembre 2020, pourvoi n° 19-20.405, publié).

L’arrêt commenté énonce que la clause qui prévoit que l'indexation ne s'effectuera que dans l'hypothèse d'une variation à la hausse de l'indice fait échec au mécanisme prévu par l’article L. 145-39 du code de commerce, aux termes duquel, par dérogation à l'article L. 145-38, si le bail est assorti d'une clause d'échelle mobile, la révision peut être demandée chaque fois que, par le jeu de cette clause, le loyer se trouve augmenté ou diminué de plus d'un quart par rapport au prix précédemment fixé contractuellement ou par décision judiciaire.

La Cour de cassation en déduit qu’une telle clause doit être réputée non écrite et que l’action tendant à cette fin n’est enfermée dans aucun délai de prescription.

Elle précise également l’étendue de la sanction : seule la stipulation prohibée, et non la clause d’indexation dans son entier, est réputée non-écrite.

Le droit de jouissance exclusive sur une partie commune d’un immeuble en copropriété attribué au propriétaire n’est pas nécessairement inclus dans l’assiette du bail commercial consenti sur ce lot

3e Civ., 23 septembre 2021, pourvoi n° 20-18.901, publié

Dans cette affaire, un local, situé dans un immeuble soumis au statut de la copropriété a été loué à une société exploitant une pharmacie. La jouissance exclusive d’une cour, partie commune, était attachée à ce lot.

La locataire a assigné son bailleur afin qu’il soit condamné à lui remettre les clefs du dispositif qui avait été installé pour l’empêcher d’accéder à la cour en automobile.

Pour critiquer l’arrêt de la cour d’appel, qui avait rejeté sa demande, la locataire a soutenu devant la Cour de cassation qu’un lot de copropriété auquel est rattaché un droit de jouissance privative sur une partie commune ne peut être loué sans ce droit.

La question était inédite.

La troisième chambre civile, a, écartant le raisonnement de l’auteur du pourvoi, énoncé le principe selon lequel un copropriétaire pouvait donner à bail les parties privatives de son lot, indépendamment du droit de jouissance privative sur les parties communes attaché à ce lot.

Rappelant le pouvoir souverain des juges du fond s’agissant de l’interprétation du contrat, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi après avoir souligné que la cour d’appel avait retenu qu’il ressortait des termes mêmes du contrat de bail commercial que les bailleurs n’avaient pas entendu conférer à leur locataire le droit de jouissance sur la cour de l’immeuble.

Régularité de la signification au locataire de l’offre de vente de l’immeuble

3e Civ, 23 septembre 2021, n° 20-17.799, publié

L’article L. 145-46-1, alinéa 1er, du code de commerce prévoit que lorsque le propriétaire d'un local à usage commercial ou artisanal envisage de vendre celui-ci, il en informe le locataire par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, ou remise en main propre contre récépissé ou émargement. Cette notification doit, à peine de nullité, indiquer le prix et les conditions de la vente envisagée. Elle vaut offre de vente au profit du locataire. Ce dernier dispose d'un délai d'un mois à compter de la réception de cette offre pour se prononcer.

Le bailleur peut-il entreprendre des démarches en vue de rechercher un acquéreur avant de notifier une offre de vente à son locataire ? Peut-il conclure une promesse unilatérale de venteau profit d’un acquéreur avant que le locataire se soit prononcé ?

La Cour de cassation juge qu’est régulière la notification de l’offre de vente au locataire dès lors qu’elle a été adressée préalablement à la vente du bien. Le bailleur peut donc, d’une part, avant cette notification, confier un mandat de vente à un agent immobilier après lui avoir demandé un avis sur la valeur de l’immeuble et de procéder à des visites du bien, d’autre part, signer une promesse unilatérale conclue sous la condition suspensive tenant au droit de préférence du preneur.

L’arrêt commenté apporte une autre précision.

Par un arrêt publié du 28 juin 2018 (pourvoi n° 17-14.605), la troisième chambre civile a jugé qu'en application de l'alinéa 1er de l'article L. 145-46-1 du code de commerce, disposition d'ordre public, le bailleur qui envisage de vendre son local commercial doit préalablement notifier au preneur une offre de vente qui ne peut inclure des honoraires de négociation.

Tout en rappelant ce principe, l’arrêt commenté souligne que, dans la présente affaire, la cour d’appel a relevé que, sur l’offre de vente notifiée au locataire, qui mentionnait le montant des honoraires de l’agence, le prix de vente en principal était clairement identifié et qu’aucune confusion n’avait été introduite dans l’esprit du locataire qui savait ne pas avoir à supporter la charge des honoraires de l’agent immobilier.

La troisième chambre civile approuve, en conséquence, la cour d’appel d’avoir jugé que, dans ces circonstances, la seule mention des frais d’agence dans la notification de l’offre de vente au locataire n’affectait pas la validité de cette offre.

L'indemnité d'éviction doit tenir compte de la valeur du droit au bail des locaux dont le locataire est évincé

3e Civ., 13 octobre 2021, pourvoi n° 20-19.340, publié

En application de l’article L. 145-14 du code de commerce, l’indemnité d’éviction due au locataire évincé doit être égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement.

En l’absence de règle impérative, les juges du fond sont souverains pour évaluer, selon le mode de calcul le plus approprié, la valeur de chacun des éléments de cette indemnité, y compris celle du droit au bail.

Elément du fonds de commerce, le droit au bail, qui correspond économiquement à la sous-évaluation du loyer par rapport au prix du marché, est, en pratique, apprécié par les juges du fond selon différentes méthodes de calcul telle celle de la capitalisation du différentiel de loyers ou celle du loyer théorique.

Dans l’affaire commentée, le locataire ayant déplacé son fonds de commerce, la cour d’appel avait fait le choix d’une autre méthode : celle du différentiel entre le montant, à la date d’effet du congé, du loyer du local dont le preneur avait été évincé et du loyer des locaux où il s’était réinstallé.

De l’absence de différentiel de loyer positif, la cour d’appel en avait déduit que la valeur du droit au bail était nulle.

Ce faisant, elle a commis, en statuant sans tenir compte de la valeur du droit au bail portant sur le local dont le preneur avait été évincé, une erreur de droit.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.