Cher lecteur,
C’est pour moi un très grand plaisir de vous présenter la première Lettre de la troisième chambre civile.
Un réel plaisir, d’abord, parce que, naturellement, cette Lettre est une occasion de mieux faire connaître la jurisprudence de la Cour de cassation en matière immobilière.
Mieux faire connaître, cela signifie, au-delà même de la mise en ligne des arrêts rendus sur les divers sites juridiques, permettre à celles et à ceux qui sont à l’origine de ces décisions d’en préciser tout le sens, toute la substance et toute la portée, avant de les voir confronter aux réactions, tantôt du théoricien du droit, tantôt du praticien du droit, tantôt de l’observateur éclairé du droit, que, cher lecteur, vous pouvez être.
Certes, après une tradition bi-séculaire de rédaction brève et concise, en « attendus », la Cour de cassation a aujourd’hui achevé sa mutation : désormais, elle rend des arrêts en style direct et a recours de plus en plus fréquemment à une motivation dite « développée » ou « enrichie » de ses arrêts, laquelle vise à davantage expliquer ou expliciter les raisons qui ont présidé à l’adoption de la solution.
Mais il faut tout de même rappeler que la motivation enrichie ou développée n’intervient principalement que lorsque la Cour de cassation énonce une règle de droit nouvelle, remet en cause une jurisprudence établie, exerce un contrôle de proportionnalité ou encore pose une question préjudicielle.
Un réel plaisir, ensuite, parce que cette rencontre par Lettre interposée est une opportunité de faire découvrir la troisième chambre civile de la Cour de cassation, qui a pourtant plus de cinquante années d’existence.
En effet, sans même parler du grand public, je suis persuadé que bon nombre de professeurs de droit et de professionnels de l’immobilier ne savent pas précisément la réalité que recouvre la troisième chambre civile qui n’est pas la plus connue des chambres de la Cour de cassation.
Loin des affaires médiatisées qui sont traitées par d’autres chambres et qui font parfois la première page des grands quotidiens nationaux, la troisième chambre civile juge ses pourvois dans un climat paisible et serein, qui n’exclut toutefois pas des discussions passionnées lors de ses délibérés.
Unité et diversité : tels sont les maîtres mots qui me viennent à l’esprit pour caractériser la troisième chambre civile.
Unité, cela va sans dire car la troisième chambre civile connaît de tout le droit immobilier et, si, de temps à autre, il est question de transferts de contentieux d’une chambre de la Cour de cassation à une autre afin de rechercher de meilleurs équilibres, nous nous heurtons à un écueil lorsqu’il s’agit de la troisième chambre civile tant ses attributions forment un ensemble parfaitement cohérent qu’il serait inopportun de bouleverser.
Mais, sous cette apparente unité, se cache une formidable diversité puisque la troisième chambre civile connaît de très nombreuses matières que je me dois de citer de manière exhaustive : baux d’habitation, baux commerciaux, baux ruraux, expropriations, propriété immobilière comprenant revendication, servitudes, bornage, mitoyenneté..., ventes d’immeubles, copropriété, lotissement, remembrement, urbanisme, contrats d’entreprise et de travaux, responsabilité des architectes, entrepreneurs et promoteurs, hypothèques et privilèges immobiliers, publicité foncière, construction, assurance construction, société civile immobilière, promotion immobilière, crédit-bail immobilier, environnement et pollutions.
En outre, une telle diversité des matières s’accompagne - et j’aurais dû commencer par là - d’une diversité des femmes et des hommes qui composent la chambre.
Outre son président et deux greffiers, ainsi qu’une première avocate générale et cinq avocats généraux, la troisième chambre civile comprend quinze conseillers (onze hommes et quatre femmes), âgés de 55 à 67 ans, et neuf conseillers référendaires (six femmes et trois hommes, signe de la féminisation de la magistrature), âgés de 39 à 53 ans, venus d’horizons différents, et est organisée en deux sections, la section propriété-baux et la section construction-vente, qui siègent alternativement tous les quinze jours.
Dans un équilibre aujourd’hui parfait mais toujours fragile puisque soumis au gré des arrivées et des départs réguliers, chaque section, présidée par le président de la chambre, est composée de douze conseillers, dont le plus qualifié a le titre de doyen.
Chacun des conseillers et conseillers référendaires est spécialiste de deux ou trois matières et se voit attribuer chaque mois un nombre de pourvois tel que la troisième chambre civile rend environ deux mille décisions par an.
Outre le président, sept des quinze conseillers actuellement en fonctions ont été conseillers référendaires, la plupart dans cette chambre.
Enfin, depuis plusieurs années désormais, la troisième chambre civile compte, parmi ses conseillers, un conseiller en service extraordinaire, c’est-à-dire l’une de ces personnalités extérieures à la magistrature qui, en raison de leur compétence et de leur expérience, sont nommées pour dix ans à la Cour de cassation.
Les présentations étant maintenant faites, je vous propose d’entrer directement dans le vif du sujet et de vous plonger dans quelques arrêts rendus récemment par la troisième chambre civile, lesquels doivent être regardés, certes sous leur aspect doctrinal, mais également en considération de leurs conséquences pratiques.
Car tel est bien l’esprit de la Lettre des chambres de la Cour de cassation : publier des décisions qui intéressent, certes la communauté des juristes, mais aussi un public plus large, en particulier celui qui manifeste un certain intérêt pour le droit.
Je crois utile d’ajouter ici que la deuxième Lettre de la troisième chambre civile (à paraître le 1er mars) rendra compte d’arrêts, très attendus, qui seront rendus dans quelques semaines, à la suite d’un arrêt prononcé le 22 septembre 2020, en grande chambre, par la Cour de justice de l’Union européenne en matière de législation dite « Airbnb ».
Alors, cher lecteur, excellente nouvelle année et bonne lecture !