N°4 - Juillet 2021 (Promesse de vente)

Lettre de la troisième chambre civile

Lettre de la troisième chambre civile

N°4 - Juillet 2021 (Promesse de vente)

Revirement de la jurisprudence concernant la portée juridique de l'engagement du promettant signataire d'une promesse unilatérale de vente

3e Civ., 23 juin 2021, pourvoi n° 20-17.554, publié

Le promettant signataire d’une promesse unilatérale de vente s’oblige définitivement à vendre dès la conclusion de l’avant-contrat, sans possibilité de rétractation, sauf stipulation contraire.

Ayant relevé que le promettant a donné son consentement à la vente sans restriction et que la levée de l’option par les bénéficiaires est intervenue dans les délais convenus, une cour d’appel retient à bon droit que la rétractation du promettant ne constitue pas une circonstance propre à empêcher la formation de la vente et que celle-ci est parfaite.

 

Commentaire :

Parfois, après avoir signé une promesse unilatérale de vendre un bien immobilier, le promettant (le vendeur) se rétracte avant que le bénéficiaire (l'acquéreur) n'ait levé l'option.

Dans une telle situation, le bénéficiaire peut-il exiger la vente forcée de l'immeuble ou seulement prétendre à des dommages-intérêts ?

La réponse à cette question dépend de la portée de l'engagement du promettant au moment de la conclusion de la promesse unilatérale de vente.

Jusqu'à l'arrêt commenté, la troisième chambre civile décidait que, tant que le bénéficiaire n'avait pas levé l'option et déclaré acquérir, l'obligation du promettant ne constituait qu'une obligation de faire (maintenir son offre pendant la durée contractuelle). Elle en déduisait que, les volontés réciproques de vendre et d'acquérir ne s'étant pas rencontrées, le manquement du promettant à son obligation avant la levée de l'option ne pouvait être sanctionné que par l'octroi de dommages-intérêts, à l'exclusion de la réalisation forcée de la vente.

Par l'arrêt commenté, la troisième chambre civile opère un revirement de jurisprudence concernant la portée juridique de l'engagement du promettant. Elle juge désormais que celui-ci s'engage définitivement à vendre dès la conclusion de la promesse unilatérale de vente et n'a plus la possibilité de se rétracter, sauf stipulation contraire.

Elle précise que la promesse unilatérale de vente est un avant-contrat qui contient le consentement du vendeur et les éléments essentiels du contrat définitif qui serviront à l'exercice de la faculté d'option du bénéficiaire. Les conditions de validité de la vente, notamment s'agissant de la capacité du promettant à contracter et du pouvoir de disposer de son bien, s’apprécient à la date de la promesse unilatérale de vente.

Cette nouvelle appréciation de l'engagement du promettant a des conséquences sur la portée de la levée de l'option quant à la formation du contrat : dès lors que le promettant consent à la vente dès la conclusion de la promesse, cette vente est parfaite lorsque le bénéficiaire lève l'option dans les délais convenus.

Dans cette nouvelle configuration juridique, comment se résout le manquement du promettant à son obligation ?

La troisième chambre civile rappelle qu'en application de l'article 1142 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, la jurisprudence retient la faculté pour toute partie contractante, quelle que soit la nature de son obligation, de poursuivre l'exécution forcée de la convention lorsque celle-ci est possible.

Elle juge que le bénéficiaire, qui a levé l'option dans les délais, est donc fondé à poursuivre l'exécution forcée de la vente de l'immeuble lorsque celle-ci est possible.

Pas d’application d’une clause pénale sans mise en demeure de réitérer la vente

3e Civ., 24 juin 2021, pourvoi n°20-17.529

Commentaire :

Dans l’affaire considérée, une promesse de vente immobilière prévoyait, d’une part, que la vente interviendrait à une date précise, constitutive du point de départ de la période à partir de laquelle l’une des parties pourra obliger l’autre à s’exécuter, d’autre part, qu’en cas de non-réalisation de la vente, la partie défaillante devrait payer à l’autre une pénalité.

Faute de réitération de la vente à la date fixée, l’acquéreur a assigné le vendeur en application de la clause pénale.

La seule survenance de la date prévue pour la signature de l’acte ou la simple demande de paiement de la pénalité suffisaient-elles à déclencher l’application de la clause pénale ?

La Cour de cassation répond par la négative, car, selon l’article 1230 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, pour prétendre à l’application de la clause pénale, l’acquéreur devait avoir, préalablement, mis en demeure le vendeur d’exécuter son obligation de réitérer la vente (par exemple, en lui enjoignant de se présenter à telle date devant le notaire pour signer l’acte de vente).

La cour d’appel, interprétant souverainement les lettres échangées entre les parties, sans les dénaturer, retient que l’acquéreur n’a pas mis en demeure le vendeur de réitérer la vente.

Elle souligne également que le silence du vendeur est insuffisant pour caractériser son refus de se soumettre à ses obligations.

Elle en déduit à bon droit que la demande de paiement en vertu de la clause pénale doit être rejetée.

La Cour de cassation rappelle à cette occasion qu’il peut être dérogé à la formalité de la mise en demeure si :

- l’inexécution est acquise et a causé un préjudice à l’acquéreur ;

- si les parties étaient convenues, même tacitement, qu’une mise en demeure n’était pas nécessaire.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.