N°3 - Mai 2021 (Servitude)

Lettre de la troisième chambre civile

Lettre de la troisième chambre civile

N°3 - Mai 2021 (Servitude)

Droit de passage : celui-ci peut s’exercer même si l’indemnité de désenclavement n’a pas encore été réglée.

3e Civ., 25 mars 2021, n° 20-15.155, publié

L'exercice du droit de passage n'est pas subordonné au paiement préalable de l'indemnité de désenclavement.

 

Commentaire :

Le propriétaire dont le fonds est enclavé est fondé, en application de l’article 682 du code civil, à réclamer sur les fonds de ses voisins un passage suffisant pour assurer la desserte complète de son fonds, « à charge d’une indemnité proportionnée au dommage qu’il peut occasionner » précise le texte.

Lorsqu’une telle indemnité a été fixée, l’usage de la servitude de passage pour cause d’enclave est-il subordonné au paiement préalable de cette indemnité ?

En l’espèce, une servitude de passage avait été accordée, par un arrêt devenu irrévocable, au profit de parcelles enclavées, sur la parcelle contiguë. L’indemnité de désenclavement avait été fixée à une certaine somme. Les bénéficiaires de la servitude ayant commencé les travaux permettant l’exercice du passage avant le paiement intégral de cette indemnité, les propriétaires du fonds servant les avaient assignés en cessation des travaux.

La Cour de cassation approuve la cour d’appel d’avoir rejeté cette demande au motif que l’exercice du droit de passage n’est pas subordonné au paiement de l’indemnité de désenclavement.

La demande de reconnaissance d’une servitude de passage du fait de l’homme et la demande de reconnaissance d’une servitude légale n’ont pas le même objet.

3e Civ., 25 mars 2021, n° 19-20.603, publié

La demande de reconnaissance d’une servitude de passage du fait de l’homme et celle de reconnaissance d’une servitude légale n’ont pas le même objet, de sorte que, le principe de concentration des moyens n’étant pas applicable, la seconde demande ne se heurte pas à l'autorité de la chose jugée sur la première.

 

Commentaire :

Le propriétaire d’un fonds, dont la demande de reconnaissance d’une servitude de passage conventionnelle sur la parcelle voisine a été rejetée à l’occasion d’une première instance, est-il recevable à solliciter, lors d’une nouvelle instance, la reconnaissance d’une servitude légale de passage pour état d’enclave ? Ou cette demande se heurte-t-elle à l’autorité de la chose jugée en raison du principe de concentration des moyens ?

En application de l’article 1355 du code civil, pour qu’une nouvelle action soit déclarée irrecevable sur le fondement de l’autorité de la chose jugée, il faut une triple identité d’objet, de cause et de parties avec l’action originaire.

Depuis l’arrêt « Césareo » (Ass. plén. 7 juillet 2006, n °04-10.672, Bull. 2006, n° 8), le demandeur est tenu de présenter dès l’instance relative à la première demande l’ensemble des moyens qu’il estime de nature à fonder celle-ci. Une demande ayant le même objet mais fondée sur un moyen différent se heurte donc à l’autorité de la chose jugée. C’est ce qu’il est d’usage d‘appeler le principe de « concentration des moyens ».

La Cour de cassation avait, en application de ce principe, jugé qu’une demande en reconnaissance d’un droit de passage pour cause d’enclave avait le même objet que celle, grevant et profitant aux mêmes parcelles, fondée sur une servitude par destination du père de famille (3e Civ., 13 novembre 2013, n° 12-21.588).

Elle vient de modifier sa jurisprudence en retenant, que la demande de reconnaissance d’une servitude de passage du fait de l’homme et celle d’une servitude légale n’ont pas le même objet, l’avantage recherché étant différent, et qu’en conséquence le principe de concentration des moyens n’est pas applicable. Elle en déduit que la seconde demande, formée à l’occasion d’une nouvelle instance, ne se heurte pas à l’autorité de la chose jugée.

En effet, ces deux types de servitudes obéissent à des régimes juridiques différents et le passage recherché ne s’exercera pas nécessairement au même endroit.

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