N°8 - Octobre 2022 (Autorité parentale)

Lettre de la première chambre civile

Une sélection des arrêts rendus par la première chambre civile de la Cour de cassation (Assistance éducative / Autorité parentale / Droit international privé / Etranger / Professions médicales et paramédicales / Protection des consommateurs).

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Censure de la pratique polynésienne de « délégation adoptive » au profit des candidats métropolitains à l’adoption

1re Civ., 21 septembre 2022, pourvoi n° 21-50.042 (publié au Bulletin – arrêt pilote)

La Cour de cassation était saisie de plusieurs pourvois formés par le parquet général près la cour d'appel de Papeete dirigés contre des arrêts de cette cour confirmant des décisions de délégations d'autorité parentale consentis volontairement par des parents polynésiens au bénéfice de candidats à l’adoption métropolitains.

Ces pourvois interrogeaient la compatibilité du dispositif pratiqué en Polynésie depuis plus de trente ans conduisant des familles polynésiennes à s'entendre directement avec une famille métropolitaine sur l’adoption plénière ou simple d’un enfant, organisée via une procédure préalable de délégation d'autorité parentale, prenant effet peu de temps après la naissance, avec les dispositions impératives du droit de l’adoption qui font obligation aux parents d’un enfant de moins de deux ans de le remettre à l’aide sociale à l’enfance s’ils souhaitent le faire adopter, sans qu’ils puissent choisir l'adoptant.

La mesure de délégation d’autorité parentale volontaire, prévue par l’article 377 du code civil, ouvre en effet la possibilité à des parents de déléguer de leur propre gré plus ou moins temporairement à un tiers, membre de la famille (grand-parent, oncle ou tante de l’enfant le plus souvent) ou un proche digne de confiance (beau-parent notamment) le seul exercice de leur autorité parentale, tout en restant titulaire de celle-ci, lorsqu’ils ne peuvent satisfaire à leurs obligations.

Cette mesure, qui est un mode d’aménagement de l’exercice de l’autorité parentale, n’a pas pour objet de rendre l’enfant adoptable, contrairement aux procédures de retrait de l’autorité parentale ou de déclaration judiciaire de délaissement parental, qui s’inscrivent dans une logique de protection de l’enfance.  

Ecartant l’assimilation de cette pratique avec celle prohibée de la gestation pour autrui, la Cour de cassation censure l’usage de « la délégation adoptive » au bénéfice de métropolitains, en retenant que si l’article 377, alinéa 1er, du code civil ouvre la possibilité de désigner comme délégataire une personne physique qui ne soit pas membre de la famille, c’est à la condition que celle-ci soit un proche digne de confiance, ce que ne saurait être une personne dépourvue de lien avec les délégants et rencontrée dans le seul objectif de prendre en charge l’enfant en vue de son adoption ultérieure.

Cette censure est en revanche sans effet sur la coutume polynésienne de la Fa’a’mu, qui peut connaître une traduction juridique au travers de la délégation d’autorité parentale, dès lors que celle-ci intervient au sein d’un cercle familial élargi ou au bénéfice de personnes connues des délégants.

Toutefois, admettant une dérogation au principe d’application immédiate de la jurisprudence nouvelle aux situations des enfants pour lesquels une instance est en cours, la Cour de cassation, rejette le pourvoi, tenant ainsi compte du caractère exceptionnel de la situation.

En effet, l’application immédiate de la jurisprudence nouvelle, qui intervient dans un contexte de carence réglementaire imputable à l’Etat ayant conduit les autorités polynésiennes à prévoir des aménagements spécifiques du code de procédure civile de Polynésie pour la mise en oeuvre de la « délégation adoptive », celle-ci ayant été validée sans contestation par une jurisprudence trentenaire de la cour d’appel de Papeete, porterait une atteinte disproportionnée aux principes de sécurité juridique et de confiance légitime, mais également, au regard des liens tissés entre l’enfant et les délégataires, à l’intérêt supérieur de l’enfant, garanti par l'article 3, § 1, de la Convention internationale des droits de l'enfant, ainsi qu’au droit au respect de la vie privée et familiale des personnes concernées, garanti par l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Enfin, l’arrêt apporte une précision importante sur le régime de délégation d’autorité parentale en retenant que la désignation de plusieurs délégataires est possible, lorsqu’en conformité avec l’intérêt de l’enfant, les circonstances l’exigent. L’arrêt met ainsi un terme à des divergences de jurisprudence entre cours d’appel sur ce point.

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