N°7 - Juillet 2022 (Protection des consommateurs)

Lettre de la première chambre civile

Une sélection des arrêts rendus par la première chambre civile de la Cour de cassation (Diffamations et injures / Divorce et séparation de corps / Droit international privé / Droit international privé économique / Etat / Protection des consommateurs / Responsabilité contractuelle / Succession).

Lettre de la première chambre civile

N°7 - Juillet 2022 (Protection des consommateurs)

Appréciation du caractère abusif d’une clause de monnaie de compte stipulée dans un contrat de prêt libellé en devise étrangère

1re Civ., 20 avril 2022, pourvoi n° 19-11.599, publié

1re Civ., 20 avril 2022, pourvoi n° 20-16.316, publié

Pour exclure le caractère abusif de clauses de monnaie de compte stipulées dans des contrats de prêt libellés en devise étrangère, deux cours d’appel ont retenu que :

            - les variations du taux de change étaient subies réciproquement par les deux parties et que les emprunteurs pouvaient demander la conversion du prêt en euros s’ils ne voulaient plus être soumis à de telles variations (1ère espèce) ;

            - le risque de variation du taux de change ne dépendait pas de la volonté des parties et que les emprunteurs avaient choisi la devise dans laquelle leur prêt avait été tiré (2de espèce).

Leurs décisions sont censurées par la première chambre civile de la Cour de cassation au visa de l’article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, étant rappelé que ce texte procède de la transposition de la directive 93/13 du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs.

L’interprétation des critères généraux de cette directive au regard des clauses de monnaie de compte stipulées dans les contrats de prêt libellés en devise étrangère a été précisée par un arrêt du 10 juin 2021 (C-776/19 à C-782/19) de la Cour de justice de l’Union européenne, qui a dit pour droit que :

            - l'article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que, dans le cadre d'un contrat de prêt libellé en devise étrangère, l'exigence de transparence des clauses de ce contrat qui prévoient que la devise étrangère est la monnaie de compte et que l'euro est la monnaie de paiement et qui ont pour effet de faire porter le risque de change sur l'emprunteur, est satisfaite lorsque le professionnel a fourni au consommateur des informations suffisantes et exactes permettant à un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d'évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, de telles clauses sur ses obligations financières pendant toute la durée de ce même contrat ;

            - l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que les clauses d’un contrat de prêt qui prévoient que la devise étrangère est la monnaie de compte et que l’euro est la monnaie de paiement et qui ont pour effet de faire porter le risque de change, sans qu’il soit plafonné, sur l’emprunteur, sont susceptibles de créer un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties découlant dudit contrat au détriment du consommateur, dès lors que le professionnel ne pouvait raisonnablement s’attendre, en respectant l’exigence de transparence à l’égard du consommateur, à ce que ce dernier accepte, à la suite d’une négociation individuelle, un risque disproportionné de change qui résulte de telles clauses.

Il en résulte que, sous peine d’être abusive, la clause de monnaie de compte d’un contrat de prêt libellé en devise étrangère doit être rédigée de telle manière qu’elle permette à l’emprunteur d’appréhender concrètement les différentes perspectives d’évolution de ses obligations financières pendant toute la durée du contrat.

C’est à l’aune de cette exigence accrue de transparence que le caractère abusif d’une clause de monnaie de compte doit désormais être apprécié.

Point de départ du délai de forclusion de l’action en paiement d’un découvert en compte tacitement accepté

1re Civ., 25 mai 2022, pourvoi n° 20-23.326, publié

Pris dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, l’article L. 311-1, 11°, du code de la consommation dispose qu’est considéré comme un dépassement un découvert tacitement accepté en vertu duquel un prêteur autorise l'emprunteur à disposer de fonds qui excèdent le solde de son compte de dépôt ou de l'autorisation de découvert convenue.

L’article L. 311-52 du même code dispose pour sa part que l’action en paiement du prêteur doit, à peine de forclusion, être formée dans les deux ans du dépassement non régularisé à l’issue d’un délai de trois mois.

Saisie d’une action en paiement d’un découvert en compte tacitement accepté, une cour d’appel devait se prononcer sur la fin de non-recevoir tirée de la forclusion biennale.

Le titulaire du compte soutenait que le délai biennal de forclusion courait dès l’expiration du délai de trois mois précédemment évoqué, sans pouvoir être interrompu par une éventuelle restauration du découvert.

La première chambre civile de la Cour de cassation approuve la cour d’appel d’avoir écarté cette thèse et jugé que la forclusion n’était pas acquise, dès lors que le découvert en compte avait été restauré et que l’action en paiement avait été engagée dans les deux ans suivant l’expiration du délai de trois mois à compter du dépassement non régularisé.

Par une telle décision, la Cour de cassation fait évoluer sa jurisprudence qui faisait auparavant courir, dans le silence des textes, le délai de forclusion à compter de la date d’exigibilité du solde débiteur du compte en cas de découvert tacitement consenti (1re Civ., 12 novembre 2015, pourvoi n° 14-25.787, Bull. n° 279), tout en confirmant l’effet interruptif attaché à une restauration du découvert, déjà affirmé en matière de découvert convenu  (1re Civ., 18 janvier 2005, pourvoi n° 02-13.733, Bull. n° 31).

La prescription biennale de l’article L. 218-2 du code de la consommation n’est pas applicable à l’action en restitution du bien loué avec option d’achat

1re Civ., 25 mai 2022, pourvoi n° 21-10.250, publié

Le preneur d’un contrat de location avec option d’achat portant sur un véhicule automobile n’ayant ni levé l’option au terme convenu ni remis le bien au crédit-bailleur, celui-ci l’a assigné en restitution.

Le preneur lui a opposé la prescription biennale de l’article L. 137-2, devenu L. 218-2, du code de la consommation, aux termes duquel l’action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans.

La première chambre civile de la Cour de cassation approuve la cour d’appel d’avoir retenu que le véhicule était resté la propriété du crédit-bailleur et que l’action en restitution de son bien n’était pas soumise à la prescription biennale invoquée en défense.

Dans ses motifs, la Cour de cassation rappelle, d’une part, qu’aux termes de l’article 2227 du code civil, le droit de propriété est imprescriptible, d’autre part, qu’en application de l’article 2266 du même code, le locataire ne peut le prescrire, dès lors qu’il n’est que détenteur précaire.

Une telle décision se situe dans la ligne d’un arrêt ayant jugé que la forclusion biennale prévue à l’article L. 311-37 du code de la consommation ne constituait pas un titre pour le locataire et n’était pas applicable à l’action en revendication de la chose louée exercée par le crédit-bailleur (1re Civ., 20 décembre 1994, pourvoi n° 93-11.624, Bull. n° 384).

Période de préfinancement et calcul du taux effectif global

1re Civ., 15 juin 2022, pourvoi n° 20-16.070, publié

En matière de prêt, la période de préfinancement sépare le déblocage des fonds du premier remboursement, celui-ci marquant le début de la phase d’amortissement du prêt en capital et intérêts.

Les intérêts échus au cours de cette période sont liés à l’octroi du prêt et entrent donc dans le calcul du taux effectif global, sous réserve qu’ils soient déterminables lors de la conclusion du contrat.

Si tel est bien le cas lorsque le capital est immédiatement libéré dans son intégralité, il en va différemment lorsque celui-ci est débloqué de manière progressive, le montant des intérêts dépendant alors du rythme de cette libération, inconnu des parties lors de la souscription du prêt.

En approuvant une cour d’appel d’avoir exclu les intérêts de la période de préfinancement du calcul du taux effectif global au motif que l’offre de prêt prévoyait un déblocage progressif des fonds, sans que soit démontré ni même allégué que ceux-ci auraient été entièrement débloqués dès le début de cette période, la Cour de cassation tient compte d’une telle incertitude et fait évoluer sa jurisprudence (1re Civ., 20 octobre 2021, pourvoi n° 20-13.742).

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