N°7 - Juillet 2022 (Droit international privé économique)

Lettre de la première chambre civile

Une sélection des arrêts rendus par la première chambre civile de la Cour de cassation (Diffamations et injures / Divorce et séparation de corps / Droit international privé / Droit international privé économique / Etat / Protection des consommateurs / Responsabilité contractuelle / Succession).

Lettre de la première chambre civile

N°7 - Juillet 2022 (Droit international privé économique)

Précisions sur la compétence des juridictions françaises pour réparer le dommage causé par la diffusion de propos dénigrants sur internet

1re Civ., 15 juin 2022, pourvoi n° 18-24.850, publié

S’estimant victime de propos dénigrants diffusés sur internet par un tiers domicilié en Hongrie, une société tchèque a assigné leur auteur en référé pour, d’une part, le voir condamner sous astreinte à cesser tout acte de dénigrement et à publier un communiqué en français et en anglais sur chacun des forums concernés, d’autre part, être elle-même autorisée à poster un commentaire sur les forums en cause, enfin, obtenir l’indemnisation de ses préjudices économique et moral.

La cour d’appel saisie du litige a accueilli l’exception d’incompétence soulevée en défense.

Par un arrêt du 13 mai 2020, la première chambre civile de la Cour de cassation a, d’une part, approuvé cette décision en ce qu’elle tendait à dire la juridiction française incompétente pour connaître de la demande tendant à la suppression des commentaires dénigrants et à la rectification des données par la publication d’un communiqué, d’autre part, saisi la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) d'une question préjudicielle portant sur l'interprétation de l’article 7, paragraphe 2, du règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale.

Il s’agissait de savoir si les dispositions de ce texte, aux termes duquel « une personne domiciliée sur le territoire d'un État membre peut être attraite, dans un autre État membre : [...] 2) en matière délictuelle ou quasi délictuelle, devant la juridiction du lieu où le fait dommageable s'est produit ou risque de se produire », doivent être interprétées en ce sens que la personne qui, estimant qu'une atteinte a été portée à ses droits par la diffusion de propos dénigrants sur internet, agit tout à la fois aux fins de rectification des données et de suppression des contenus, ainsi qu'en réparation des préjudices moral et économique en résultant, peut réclamer, devant les juridictions de chaque Etat membre sur le territoire duquel un contenu mis en ligne est ou a été accessible, l'indemnisation du dommage causé sur le territoire de cet Etat membre, conformément à l’arrêt eDate Advertising (CJUE, 25 octobre 2011, C-509/09 et C-161/10, points 51 et 52) ou si, en application de l'arrêt Svensk Handel (CJUE, 17 octobre 2017, C-194/16, point 48), elle doit porter cette demande indemnitaire devant la juridiction compétente pour ordonner la rectification des données et la suppression des commentaires dénigrants.

Répondant à la question préjudicielle par un arrêt du 21 décembre 2021 (C-251/20), la CJUE (Grande chambre) a dit pour droit que le texte précité devait être interprété en ce sens qu'une personne qui, estimant qu'une atteinte a été portée à ses droits par la diffusion de propos dénigrants à son égard sur internet, agit simultanément aux fins, d'une part, de rectification et de suppression des contenus mis en ligne la concernant et, d'autre part, de réparation du préjudice qui aurait résulté de cette mise en ligne peut demander, devant les juridictions de chaque État membre sur le territoire duquel ces propos sont ou étaient accessibles, la réparation du préjudice qui lui aurait été causé dans l'État membre de la juridiction saisie, bien que ces juridictions ne soient pas compétentes pour connaître de la demande de rectification et de suppression.

Tirant les conséquences d’une telle décision, la première chambre civile de la Cour de cassation casse partiellement l’arrêt attaqué, au motif que la demande indemnitaire au titre des préjudices subis en France pouvait être portée devant la juridiction française dès lors qu'elle tendait à la réparation du seul préjudice causé sur le territoire de cet État membre et que le contenu attentatoire était accessible ou l'avait été sur ce territoire.

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