N°6 - Avril 2022 (Protection des consommateurs)

Lettre de la première chambre civile

Une sélection des arrêts rendus par la première chambre civile de la Cour de cassation (Autorité parentale / Avocat et conseil juridique / Divorce, séparation de corps / Droit international privé / Ordres professionnels et professions organisées / Professions médicales et paramédicales / Protection des consommateurs / Protection des droits de la personne / Succession / Transport de personnes).

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Lettre de la première chambre civile

N°6 - Avril 2022 (Protection des consommateurs)

Précisions sur la notion de consommateur

1re Civ., 9 mars 2022, pourvoi n° 21-10.487, publié

Dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, l’article liminaire du code de la consommation, qui transpose la directive n° 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs, dispose qu’on entend par consommateur, « toute personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole ».

Aux termes du même article, le professionnel s’entend de « toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui agit à des fins entrant dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, y compris lorsqu’elle agit au nom et pour le compte d’un autre professionnel ».

A quelle catégorie appartient la personne inscrite auprès de Pôle emploi en tant que demandeur d’emploi et qui souscrit un contrat de formation professionnelle continue en naturopathie ?

Une lecture littérale de l’article liminaire du code de la consommation pourrait laisser penser que le souscripteur d’un tel contrat n’a pas la qualité de professionnel, dès lors qu’au regard de l’adjectif possessif qu’il emploie, ce texte semble subordonner une telle qualité à l’exercice d’une activité professionnelle en cours.

La jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne conduit toutefois à retenir une solution inverse. En effet, il résulte d’une telle jurisprudence que seuls les contrats conclus en dehors et indépendamment de toute activité ou finalité d'ordre professionnel, fût-elle prévue pour l’avenir, dans l'unique but de satisfaire aux propres besoins de consommation privée d'un individu, relèvent du régime de protection du consommateur en tant que partie réputée faible (CJCE, 3 juillet 1997, C-269/95, points 16 et 17 ; CJCE, 20 janvier 2005, C-464/01, point 36 ; CJUE, 25 janvier 2018, C-498/16, point 30 ; CJUE, 14 février 2019, C-630/17, point 89).

En l’occurrence, la formation litigieuse, partiellement financée par Pôle emploi et soumise aux dispositions de l’article L. 6313-1 du code du travail relatives à la formation professionnelle continue, n’avait pas pour but de satisfaire aux besoins de consommation privée de son bénéficiaire, mais de servir un dessein d’ordre professionnel

Aussi la première chambre civile de la Cour de cassation approuve-t-elle la décision  attaquée, en ce qu’elle écarte la qualité de consommateur du défendeur à l’action en paiement de la formation litigieuse et en déduit qu’il ne peut opposer au créancier la prescription biennale de l’article L. 218-2 du code de la consommation, ni non plus se prévaloir des dispositions sur les clauses abusives de l’article L. 212-1 du même code.

Prêt libellé en devise étrangère et obligation d’information de la banque

1re Civ., 30 mars 2022, pourvoi n°19-17.996, publié

Pour financer l’acquisition de biens immobiliers destinés à la location, deux emprunteurs ont souscrit trois prêts libellés en francs suisses et remboursables en euros.

En raison de l’évolution défavorable du taux de change, ils n’ont pu faire face aux remboursements des échéances. 

Reprochant à la banque d’avoir manqué à ses obligations, ils l’ont assignée en responsabilité et indemnisation, puis invoqué le caractère abusif de certaines clauses des contrats.

Une cour d’appel a déclaré irrecevables comme prescrites les demandes tendant à voir réputer non écrites les clauses litigieuses et exclu toute faute de la banque.

Cette décision est doublement censurée par la première chambre civile de la Cour de cassation.

Il est tout d’abord reproché à la cour d’appel d’avoir soumis à la prescription quinquennale la demande tendant à voir réputer non écrite une clause abusive alors que, dans un arrêt du 10 juin 2021, la Cour de justice de l’Union européenne (C-776/19 à C-782/19), saisie de questions préjudicielles relatives à l’application de clauses de contrats de prêts libellés en devise étrangère au regard de la directive 93/13/CEE (qui concerne les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs), a dit pour droit qu’une telle demande n’était pas soumise à un délai de prescription, solution qui s’est inscrite dans la ligne d’un précédent arrêt de la Cour de cassation (1re Civ., 13 mars 2019, pourvoi n° 17-23.169).

Il est ensuite reproché à la cour d’appel d’avoir écarté tout manquement de la banque à son obligation d’information, sans avoir recherché si celle-ci avait fourni aux emprunteurs des informations suffisantes et exactes leur permettant de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d'évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, des clauses relatives aux opérations de change sur leurs obligations financières pendant toute la durée du contrat, dans l'hypothèse d'une dépréciation importante de la monnaie dans laquelle ils percevaient leurs revenus par rapport à la monnaie de compte.

Fondé sur l’article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ce second motif de cassation constitue le principal apport de l’arrêt du 30 mars 2022. Il témoigne d’une évolution jurisprudentielle dans l’appréciation de l’obligation d’information de la banque qui consent un prêt libellé en devise étrangère. Une telle obligation s’en trouve renforcée, en ce qu’elle ne consiste pas seulement à décrire le mécanisme d'un prêt qui expose l'emprunteur au risque important de l'évolution des taux de change, mais aussi à lui expliquer son fonctionnement concret, de telle sorte qu'il puisse réellement en mesurer les conséquences pendant toute la durée du contrat.

Cette exigence de transparence accrue n’est pas sans rappeler celle retenue par la Cour de justice dans son arrêt précité du 10 juin 2021, dont il résulte que, sous peine d’être abusives, les clauses d’un contrat de prêt libellé en devise étrangère doivent être intelligibles non seulement sur un plan formel et grammatical, mais aussi sur un plan matériel, afin que l’emprunteur puisse apprécier les différentes perspectives d’évolution de ses obligations financières.

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