N°6 - Avril 2022 (Editorial)

Lettre de la première chambre civile

Une sélection des arrêts rendus par la première chambre civile de la Cour de cassation (Autorité parentale / Avocat et conseil juridique / Divorce, séparation de corps / Droit international privé / Ordres professionnels et professions organisées / Professions médicales et paramédicales / Protection des consommateurs / Protection des droits de la personne / Succession / Transport de personnes).

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Lettre de la première chambre civile

N°6 - Avril 2022 (Editorial)

 

 

Editorial de Vincent Vigneau,
Conseiller doyen à la première chambre civile

 

Les deux facettes de la Cour de cassation

« Il y a, pour toute la République, une Cour de cassation »

Article L411-1 du code de l’organisation judiciaire

La Cour de cassation remplit deux rôles distincts mais d’égale importance : harmoniser l’interprétation de la règle de droit et vérifier la correcte application de la loi par les juridictions de l’ordre judiciaire. Cette double fonction, qui résulte de sa situation unique, au sommet de la hiérarchie judiciaire, la distingue des autres juridictions et explique la spécificité de son fonctionnement. 

Hormis les cas où la loi est si claire et si précise qu’il suffit de l’appliquer littéralement, le juge doit, souvent, se livrer à un travail d’analyse du sens et de la portée de la règle abstraite pour en déduire une application concrète. Or, ce travail peut donner lieu à des lectures différentes selon les magistrats. C’est la mission première de la Cour de cassation que d’harmoniser l’interprétation de la loi de façon à ce que les citoyens soient jugés de la même façon sur l’ensemble du territoire français. Ainsi, dans l'arrêt du 9 mars 2022 (pourvoi n°21-10.487) ci-dessous rapporté, la première chambre civile apporte une précision sur la notion de consommateur en énonçant qu'un demandeur d'emploi qui souscrit un contrat de formation professionnelle ne peut, au regard de la finalité professionnelle de ce contrat, bénéficier des dispositions protectrices du code de la consommation. On peut aussi citer au même titre l'arrêt du 16 mars 2022 (pourvoi n°20-12.020) qui clarifie les règles d'indemnisation des préjudices fonctionnels et à caractère personnel consécutifs à une contamination par le VIH à la suite d'une transfusion sanguine.

Les décisions de la Cour qui remplissent cette fonction sont portées à la connaissance du public par différents canaux, dont le bulletin mensuel, le rapport annuel et les lettres de chambre, tous accessibles depuis le site Internet de la Cour. Dans ces affaires, la portée de décision de la Cour dépasse l’enjeu du litige qui oppose les parties. A l'occasion d’un pourvoi, celle-ci y affirme un rôle créateur de droit, en complétant le silence, l’obscurité ou l’insuffisance de la loi. C'est le cas, par exemple, de l'arrêt du 16 février 2022 (pourvoi n° 21-10.211) cité dans cette lettre, dans lequel la première chambre civile tranche la question, non prévue par la loi, de savoir si une personne, après avoir été placée en garde à vue et bénéficié d’un classement sans suite pour infraction insuffisamment caractérisée, peut agir en justice, sur le fondement de l'article 9-1 du code civil, contre un journaliste qui le présente dans un article comme l'auteur des faits dont elle a été accusée. La Cour exprime encore son pouvoir normatif en interprétant un texte nouveau, en affirmant les principes nécessaires à la validité et la cohérence de notre système juridique ou en approuvant une évolution nécessaire du droit pour tenir compte des mutations de la société. L'arrêt du 2 mars 2022 (pourvoi n°20-20.185), rendu en plénière de chambre, qui statue sur le pouvoir d'un ordre d'avocat d'interdire à ses membres de porter, sur le costume de leur profession, toute décoration ou tout signe manifestant ostensiblement une appartenance ou une opinion religieuse, philosophique, communautaire ou politique, en est une parfaite illustration. Dans le même ordre, on peut citer l'arrêt de la première chambre du 30 mars 2022 (pourvoi n°19-17.996) dont il sera aussi question dans cette lettre, qui étend l'obligation du banquier lorsque celui-ci met sur le marché un nouvel instrument financier, en l'espèce un prêt libellé en devise étrangère et remboursable en euro et ayant pour effet de faire peser le risque de change sur l'emprunteur.

Mais la grande majorité des arrêts de la Cour correspondent à son autre mission : celle de vérifier que les décisions qui lui sont déférées ont été rendues conformément aux règles de droit, par exemple, pour citer des arrêts exposés dans cette lettre, lorsque le juge aux affaires familiales ne motive pas dans sa décision le refus de l'audition de l'enfant mineur (1re Civ., 16 février 2022, pourvoi n° 21-23.087) ou prend en compte, pour fixer le montant de la prestation compensatoire, l'avantage que constitue, pour l'époux bénéficiaire, l'attribution à titre gratuit de la jouissance du domicile conjugal pendant la durée de la procédure de divorce (1re Civ., 13 avril 2022, pourvoi n° 20-22.807). Cette dernière fonction n’a cependant pas pour effet d’instituer un troisième degré de juridiction. Juge de la façon dont les juges ont jugé, et non pas juge des affaires, la Cour de cassation ne dispose en effet pas du pouvoir de remettre en cause l'appréciation par les tribunaux et les cours d’appel des éléments de fait sur lesquels ils ont fondé leur décision. C’est d’ailleurs pour cette raison que le paragraphe de ses arrêts consacré à l'exposé du litige débute toujours par la formule « Selon l’arrêt attaqué, … » et que nous appelons parfois les tribunaux et les cours d'appel les juridictions du fond car ce sont ces juridictions qui jugent le fond des affaires. La Cour de cassation s’assure quant à elle de la correcte application par celles-ci des textes aux situations de fait qui leur sont soumises, vérifie la qualité et la rationalité de la motivation de leurs jugements et le respect par elles des procédures.

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