N°5 - Janvier 2022 (Étranger)

Lettre de la première chambre civile

Une sélection des arrêts rendus par la première chambre civile de la Cour de cassation.

  • avocat et conseil juridique
  • état
  • étranger
  • prêt
  • professions médicales et paramédicales
  • responsabilité contractuelle

Pas de droit pour l’étranger d’être entendu de manière spécifique avant son placement en rétention

1re Civ., 15 décembre 2021, pourvoi n° 20-17.628, publié

L’étranger doit-il être entendu de manière spécifique avant son placement en rétention administrative ?

Pour répondre par la négative, la première chambre civile a raisonné de la manière suivante.

Elle a, tout d’abord, écarté l’application de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, lequel prévoit un droit de toute personne d’être entendue avant qu’une mesure individuelle qui l’affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre, ce texte, selon la Cour de justice de l'Union européenne, s'adressant, non pas aux Etats membres, mais aux institutions, organes et organismes de l’Union.

Elle a, ensuite, rappelé que, selon cette même Cour, les droits fondamentaux, parmi lesquels figurent les droits de la défense et notamment le droit d'être entendu avant l'adoption de toute mesure individuelle faisant grief, n'apparaissent pas comme des prérogatives absolues, mais peuvent comporter des restrictions, à la condition que celles-ci répondent effectivement à des objectifs d'intérêt général poursuivis par la mesure en cause et ne constituent pas, au regard du but poursuivi, une intervention démesurée et intolérable qui porterait atteinte à la substance même des droits ainsi garantis.

Elle a, également, retenu que, la directive « retour » du 16 décembre 2008 ne précisant pas les conditions dans lesquelles doit être assuré le respect du droit de l'étranger d'être entendu sur la décision le plaçant en rétention dans l'attente de l'exécution de la mesure d'éloignement, celles-ci relevaient du droit national, à la condition de respecter les principes d’équivalence et d’effectivité.

Enfin, elle a écarté l’application des dispositions de l’article L. 121-1 du code des relations entre le public et l’administration, qui soumet au respect d'une procédure contradictoire préalable les décisions individuelles restreignant l'exercice des libertés publiques ou constituant une mesure de police, au motif que le législateur avait entendu déterminer, au sein du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, l'ensemble des règles de procédure auxquelles sont soumises les décisions de placement en rétention notifiées par l'administration à l'étranger.

Au terme de ce raisonnement, la première chambre civile a jugé que le droit de l’étranger placé en rétention administrative d'être entendu était garanti, en droit interne, par la procédure contradictoire devant le juge des libertés et de la détention, saisi par l’administration dans les quarante-huit heures de la notification du placement en rétention.

Elle a considéré que cette procédure, d’une part, répondait à des objectifs d'intérêt général et ne portait pas atteinte à la substance même du droit garanti, d’autre part, qu’elle respectait les principes d’équivalence et d’effectivité, en permettant à l’étranger de faire valoir, à bref délai, devant le juge judiciaire, tous les éléments pertinents relatifs à ses garanties de représentation et à sa vie personnelle, sans nuire à l'efficacité de la mesure, destinée, dans le respect de l’obligation des États membres de lutter contre l’immigration illégale, à prévenir un risque de soustraction à la mesure d’éloignement.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.