N°12 - Novembre 2023 (Régimes matrimoniaux)

Lettre de la première chambre civile

Une sélection des arrêts rendus par la première chambre civile de la Cour de cassation (Santé publique / Régimes matrimoniaux / Protection des consommateurs / Propriété littéraire et artistique / Professions médicales et paramédicales / Etranger / Officiers publics ou ministériels).

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Lettre de la première chambre civile

N°12 - Novembre 2023 (Régimes matrimoniaux)

Les droits résultants de l’attribution, pendant le mariage, à un époux, commun en biens, d’une option de souscription ou d’achat d’actions (aussi appelés « stock-options »), qui forment des propres par nature, n’entrent pas en communauté

1re Civ., 25 octobre 2023, pourvoi n° 21-23.139, publié

(réponse au premier moyen)

Les « stock-options », ou options de souscription ou achat d’actions, sont un mode original d’acquisition d’actions réglementé par les dispositions des articles L. 225-177 et suivants du code de commerce. L’option accordée est un droit individuel incessible (cf. art. L. 225-183, alinéa 2, du code précité) permettant à son titulaire, salarié ou mandataire social d’une société par actions, de souscrire ou d’acheter des actions de celle-ci dans un délai déterminé à un prix arrêté par avance. Si la valeur des titres augmente, le bénéficiaire de l’option aura intérêt à la lever pour réaliser une plus-value. Dans le cas contraire, il laissera s’écouler le délai de l’option sans la lever.

Une décision de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a reconnu dans l'option d'achat d'actions le mécanisme d’une promesse unilatérale de vente (2e Civ., 20 septembre 2005, pourvoi n° 03-30.709, Bull. 2005, II, n° 223). Or, dans une telle promesse, la levée de l’option n’a, en principe, pas de caractère rétroactif, de telle sorte que le bien acquis n’est pas commun lorsque la levée de l’option – et, partant, le transfert de propriété – intervient après la dissolution de la communauté (1re Civ., 1er décembre 2010, pourvoi n° 09-65.673, Bull. 2010, I, n° 252). S’inscrivant dans le sillage de cet arrêt, la première chambre civile a décidé, au visa des articles 1401, 1404 et 1589 du code civil et L. 225-183, alinéa 2, du code de commerce, que si les droits résultant de l'attribution, pendant le mariage, à un époux commun en biens, d'une option de souscription ou d'achat d'actions forment des propres par nature, les actions acquises par l'exercice de ces droits entrent dans la communauté lorsque l'option est levée durant le mariage (1re Civ., 9 juillet 2014, pourvoi n° 13-15.948, Bull. 2014, I, n° 134).

Dans la situation de l’espèce, un époux commun en biens reçoit, en cours d’union, des « stock-options » de la société dans laquelle il travaille et n’exerce l’option que pour une portion minime des actions concernées avant que n’intervienne l’ordonnance de non-conciliation, à la date de laquelle la communauté se trouve dissoute. Dans le cadre des opérations de liquidation des intérêts patrimoniaux des époux ordonnées par le jugement ayant prononcé leur divorce, l’épouse sollicite l’intégration dans l’actif commun des actions acquises autant que des options non levées, l’époux reconnaissant le caractère commun des premières mais affirmant le caractère propre des secondes.

La cour d’appel ayant approuvé les premiers juges qui, faisant application de la décision du 9 juillet 2014, ont dit que seules les soixante-huit actions levées au jour de l'ordonnance de non-conciliation pouvaient être intégrées à l'actif de communauté, l’ex-épouse se pourvoit en cassation, demandant à la Cour de revenir pour partie sur sa décision précitée en intégrant la valeur des options non levées à l’actif commun en ce qu’il s’agirait d’une forme de rémunération devant suivre, sur le terrain de la qualification, le sort réservé aux gains et salaires.

Telle n’est pas la voie choisie par la première chambre civile qui, après avoir rappelé, dans la continuité de l’arrêt de 2014, qu’il résulte des articles 1401, 1404 et 1589 du code civil et de l’article L. 225-183, alinéa 2, du code de commerce que, si les droits résultant de l'attribution, pendant le mariage, à un époux commun en biens, d'une option de souscription ou d'achat d'actions forment des propres par nature, les actions acquises par l'exercice de ces droits entrent dans la communauté lorsque l'option est levée avant sa dissolution, décide que c’est à bon droit que la cour d’appel a retenu que seules les soixante-huit actions pour lesquelles l’époux avait levé l’option d’achat au jour de l’ordonnance de non-conciliation devaient être intégrées à l’actif de la communauté.

La solution ainsi confortée est de nature à éviter aux liquidateurs une fort délicate évaluation de droits d’option qui sont, par hypothèse, incessibles.

Il est également précisé que la date à laquelle doit avoir été levée l’option pour que les actions acquises intègrent la communauté est celle de la dissolution de cette dernière, et non la date du divorce, ce qui n’était qu’implicite dans l’arrêt du 9 juillet 2014.

Calcul de la récompense due en raison du financement par la communauté de travaux d’amélioration d’un bien donné en nue-propriété à l’époux lorsque l’usufruitier est décédé à la date de la liquidation de la communauté

1re Civ., 25 octobre 2023, pourvoi n° 21-23.139, publié

(réponse au troisième moyen)

Un époux commun en biens se trouve donataire, en cours d’union, de la nue-propriété d’un immeuble. Des travaux sur ce bien ayant étant financés par des fonds communs, l’épouse sollicite, dans le cadre des opérations de partage consécutives au prononcé de leur divorce, une récompense au bénéfice de la communauté.

Les premiers juges ayant fixé le montant de la récompense sollicitée à celui des sommes empruntées pour le financement des travaux, l’épouse demande, à hauteur d’appel, la prise en compte du profit subsistant et non de la dépense faite. A cet égard, elle fait valoir que, l’usufruit étant désormais éteint, le profit subsistant représente la différence entre les valeurs actuelles en plein propriété du bien avec et sans travaux.

Après avoir énoncé que les parties sont en conflit non sur l'existence d'une récompense mais seulement sur son montant, la cour d’appel, pour confirmer le jugement, relève que l’époux n’a acquis la pleine propriété du bien qu’après les travaux réalisés et que, si en matière d'amélioration d'un bien, la récompense ne peut être inférieure au profit subsistant, le montant des emprunts souscrits pour financer les travaux retenu par le tribunal est supérieur à la différence existant entre la valeur de la nue-propriété du bien et la valeur de la nue-propriété du bien sans les travaux réalisés, telles que ces valeurs ressortent des expertises figurant au dossier.

Pour accueillir le pourvoi de l’épouse, invoquant une violation de l’article 1469 du code civil, la première chambre civile rappelle qu’il résulte de ce texte, d'une part, que la récompense est égale au profit subsistant quand la valeur empruntée à la communauté a servi à améliorer un bien propre à un époux qui se retrouve, au jour de la liquidation de la communauté, dans le patrimoine de celui-ci, et, d'autre part, que le profit subsistant, qui représente l'avantage réellement procuré au fonds emprunteur, se détermine d'après la proportion dans laquelle les fonds empruntés à la communauté ont contribué au financement de l'amélioration de ce bien propre.

Elle en déduit que, dans le cas où la communauté a contribué au financement de l'amélioration d'un bien qui a été acquis par l'un des époux en nue-propriété qui se trouve, au jour de la liquidation de la communauté, en raison du décès de l'usufruitier, en pleine-propriété dans le patrimoine emprunteur, il convient de calculer d'abord la proportion de la contribution du patrimoine créancier à l'amélioration de ce bien, puis d'appliquer cette fraction à la différence entre la valeur du bien en pleine propriété au jour de la liquidation et celle qu'il aurait eue en pleine propriété à la même date sans les améliorations apportées.

L’arrêt d’appel, doublement erroné en ce qu’il a, d’une part, fixé le profit subsistant à différence entre les valeurs avec et sans travaux de la nue-propriété du bien alors que l’usufruit était éteint à la date de la liquidation de la communauté, d’autre part, comparé la valeur du profit subsistant à celle de la dépense faite, alors que s’agissant d’une dépense d’amélioration, la récompense était égale au profit subsistant, est cassé. La Cour de cassation estimant disposer de l’ensemble des éléments pour fixer le montant de la récompense due par l’époux à la communauté à la différence, telle qu’elle résulte des rapports d’expertise, entre la valeur actuelle du bien en pleine propriété et la valeur actuelle du bien en pleine propriété sans les travaux, la cassation est prononcée sans renvoi.

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