N°12 - Novembre 2023 (Officiers publics ou ministériels)

Lettre de la première chambre civile

Une sélection des arrêts rendus par la première chambre civile de la Cour de cassation (Santé publique / Régimes matrimoniaux / Protection des consommateurs / Propriété littéraire et artistique / Professions médicales et paramédicales / Etranger / Officiers publics ou ministériels).

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Lettre de la première chambre civile

N°12 - Novembre 2023 (Officiers publics ou ministériels)

Sanction disciplinaire et droit au silence

1re Civ, 10 octobre 2023, QPC n° 23-40.012, publié

Un procureur de la République près d’un tribunal judiciaire avait assigné un notaire, afin que soit prononcée sa destitution en application des articles 2 et suivants de l'ordonnance n° 45-1418 du 28 juin 1945 relative à la discipline des notaires et de certains officiers ministériels.

A l’occasion de l’appel formé contre la sanction disciplinaire prononcée, le notaire avait présenté une question prioritaire de constitutionnalité ainsi rédigée : « Les articles 2, 5, 6-1, 10 et 11 de l'ordonnance n° 45-1418 du 28 juin 1945 relative à la discipline des notaires et de certains officiers ministériels, en ce qu'ils organisent les poursuites disciplinaires, la comparution et l'audition du notaire poursuivi devant le tribunal judiciaire, portent-ils atteinte au principe constitutionnel du droit à la présomption d'innocence et à celui des droits de la défense en ce que le droit au silence ne lui est pas notifié alors que les déclarations recueillies sont susceptibles d'être utilisées directement ou indirectement dans le cadre de la procédure pénale ou disciplinaire ? »

Seul était en discussion le caractère sérieux de la question, dès lors que les conditions de recevabilité, ainsi que celles tenant à l’absence de déclaration de conformité et à l’application au litige étaient réunies.

Si le Conseil constitutionnel a reconnu la valeur constitutionnelle du droit au silence en le rattachant à l’article 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, il a consacré ce droit en matière pénale et ne s’est jamais prononcé sur son éventuelle extension à la matière disciplinaire (Cons. const., 2 mars 2004, décision n° 2004-492 DC).

Il a, toutefois, appliqué ce principe à l’audition d’un mineur par les services de  la protection judiciaire de la jeunesse, au motif que, si le rapport établi à la suite de cet entretien a pour finalité principale d'éclairer le magistrat ou la juridiction  compétent sur l'opportunité d'une réponse éducative, les déclarations du mineur recueillies  dans ce cadre sont susceptibles d'être portées à la connaissance de la juridiction de jugement  lorsqu'elles sont consignées dans le rapport joint à la procédure (Cons. const.,  9  avril 2021, décision n° 2021-894 QPC).

Le Conseil constitutionnel a, en outre, étendu aux sanctions disciplinaires les principes issus de l’article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, qui comprennent le principe de légalité des peines, le principe de nécessité des peines, par le contrôle de l'absence d'inadéquation manifeste entre les peines disciplinaires encourues et les obligations dont elles tendent à réprimer la méconnaissance, et le principe d'individualisation des peines (Cons. const., 28 mars 2014, décision n° 2014-385 QPC).

Le Conseil d'Etat a jugé qu'il n'y avait pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel une question transmise par le Conseil supérieur de la magistrature statuant comme conseil de discipline des magistrats du siège en affirmant que le droit de se taire n'était applicable qu'à la procédure pénale (CE, 23 juin 2023, n°473249).

La Cour de cassation applique, quant à elle, aux procédures disciplinaires le droit, pour la personne poursuivie, d'avoir la parole en dernier, alors qu’il s’agit d’un droit de l'accusé ou du prévenu propre au droit pénal (1re Civ., 16 mai 2012, pourvoi n° 11-17.683, Bull. 2012, I, n° 108 ; 1re Civ., 1 juin 2016, pourvoi n° 15-11.243, 15-11.244, Bull. 2016, I, n° 125 ; 1re Civ., 20 février 2019, pourvoi n° 18-12.298, publié).

En cet état, la première chambre civile estime que, dès lors qu’une poursuite disciplinaire engagée contre un notaire peut conduire jusqu’à sa destitution, la question de la notification du droit au silence à l’occasion de son audition durant la procédure et lors de sa comparution devant le tribunal judiciaire n’apparaît pas dépourvue de caractère sérieux et dit y avoir lieu à renvoi de la présente question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel.

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