N°12 - Novembre 2023 (Editorial)

Lettre de la première chambre civile

Une sélection des arrêts rendus par la première chambre civile de la Cour de cassation (Santé publique / Régimes matrimoniaux / Protection des consommateurs / Propriété littéraire et artistique / Professions médicales et paramédicales / Etranger / Officiers publics ou ministériels).

  • Personnes et familles
  • Propriété intellectuelle
  • Santé
  • régimes matrimoniaux
  • mariage
  • propriété
  • protection des consommateurs
  • propriété littéraire et artistique
  • prescription civile
  • professions médicales et paramédicales
  • responsabilité civile
  • étranger
  • officiers publics ou ministériels

Lettre de la première chambre civile

N°12 - Novembre 2023 (Editorial)

EDITORIAL

Carole CHAMPALAUNE

Présidente de la première chambre civile

 

 

Cher lecteur,

C’est tout naturellement pour d’abord rendre hommage à mon prédécesseur, le président Pascal Chauvin, auquel j’ai eu l’honneur de succéder le 1er septembre dernier, que je m’exprime pour la première fois dans la lettre de la première chambre civile.

Le président Chauvin est un parfait connaisseur de la Cour de cassation pour en avoir servi, comme secrétaire général, le fonctionnement administratif, et pour en avoir exercé toutes les fonctions juridictionnelles du siège, comme conseiller référendaire, conseiller et président, dans deux des chambres de cette Cour, avec une pratique toute particulière des contentieux dévolus à la première chambre civile qu’il a connus dans ces trois emplois. Cette double expérience d’administrateur et de juge à la Cour, sans compter son parcours dans les juridictions du fond, en première instance comme en appel, notamment comme président de chambre, a conduit l’assemblée générale des conseillers de la Cour de cassation à l’élire pour assurer la présidence suppléante de la formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l’égard des magistrats du siège, gage d’une grande confiance placée dans sa personne et dans l’acuité de sa vision sur les exigences éthiques, juridiques et organisationnelles des fonctions de magistrat.  Sa maîtrise de l’office du juge de cassation et des contentieux les plus variés dont il était familier aura marqué profondément tous ceux qui ont travaillé avec lui.

Le président Chauvin avait placé son dernier éditorial à la lettre de la première chambre civile sous le signe de l’humanisme, que je fais mien à sa suite.

Humanisme, car la justice est en effet rendue par des hommes et des femmes auxquels il s’agit de prêter une attention constante, une disponibilité sans faille et le plus grand respect personnel. La fonction de président de chambre à la Cour de cassation consiste à assurer, avec l’appui du doyen de chambre et des doyens de section, la symbiose entre un travail du conseiller ou du conseiller référendaire, un temps nécessairement solitaire, qui s’enrichit progressivement, avant l’audience, des échanges avec ses collègues, désormais le juriste-assistant, bien sûr les membres du SDER et les avocats généraux, et une réflexion collective dont l’ultime étape est le délibéré. Elle ne peut atteindre son but - permettre l’avancée du droit au service du justiciable, que si cette réflexion est organisée, préparée et menée dans un esprit collaboratif et de cohésion.  L’indépendance juridictionnelle doit être totale, et la solidarité entre ses membres pour le bon fonctionnement de la chambre et l’élaboration de sa jurisprudence, complète. Comme présidente, je suis déterminée à garantir ces deux aspects de l’exercice juridictionnel collégial.

Il me revient donc, avec le soutien du greffe sans lequel rien n’est possible, de mettre la chambre en état de répondre à sa mission spécifique,  qui est d’assurer, dans les contentieux qui lui sont attribués et dans des délais utiles, l'interprétation de la loi, la cohérence de la jurisprudence et le respect des garanties processuelles, de manière à en renforcer la légitimité et l'autorité, en veillant, au sein de la chambre, à la mise en oeuvre de la réforme des méthodes de travail de la Cour, qui poursuit cet objectif, et en participant à son approfondissement. Partie du tout que constitue la Cour, la chambre s’insérera pleinement dans cet élan collectif.

Dans un univers juridique mouvant et de plus en plus complexe, le cap que nous suivrons ensemble sera celui de la cohérence et de la stabilité mais aussi des évolutions qui apparaîtront nécessaires. Il sera également celui de la clarté de la rédaction des arrêts, pour laquelle nous sommes tous mobilisés, afin de fournir des réponses sans équivoque aux juges du fond, en pensant à la réception des arrêts par les justiciables. Pour être en mesure d’appliquer et d’interpréter le droit dans une vision contextuelle, soucieuse tant des principes que des conséquences que ceux-ci emportent, le juge de cassation doit également nourrir sa réflexion de ses échanges avec ses pairs nationaux et étrangers et les juridictions du fond, ainsi qu’avec les avocats aux conseils, les avocats de cour et la doctrine. Les membres de la première chambre civile sont pleinement engagés dans cette démarche, comme vous pourrez le voir en suivant leurs interventions dans des colloques, qui constituent l’une des manifestations de ce dialogue. Nous mènerons ensemble de nouveaux projets en ce sens.

Des contentieux de la première chambre civile, dont certains, par exemple en matière familiale, sont au coeur de grandes mutations, ont connu à la fois les évolutions normatives régulières nourries des transformations de la société et l'affirmation, dans leur résolution, de la fonction jurisprudentielle, garante de l'Etat de droit et de la hiérarchie des normes, exercée en conformité avec les objectifs de l'ensemble des règles de droit. Nul doute que d’autres mutations qui se dessinent sous nos yeux, du développement de l’intelligence artificielle, qui concerne l'ensemble des activités humaines, aux défis climatiques et environnementaux, qui les affectent, se judiciariseront également à la faveur des règles de droit existantes ou à venir et que les débats de société qu’elles irriguent s’incarneront dans les pourvois qui nous seront soumis dans les prochains mois et années. Comme nos prédécesseurs, nous devrons ensemble assurer l’interprétation et l’application de ces règles anciennes ou nouvelles en pleine conscience de leurs enjeux systémiques.

Dans ce contexte, l’humanisme évoqué par le président Chauvin restera - puisqu’il inspire les garanties conventionnelles et constitutionnelles traduites dans l’ordre juridique gouvernant l’office du juge, une boussole.

Cet humanisme revêt une signification toute particulière à la première chambre civile, car les pourvois qui lui sont déférés mobilisent notamment le droit de la protection des personnes, dans une très large dimension : protection de leur liberté individuelle ou d’expression, protection de leur vie privée, de leur vie familiale et de son organisation, y compris patrimoniale, de leur santé, de leurs créations.

Les arrêts, avis et décisions rendues sur questions prioritaires de constitutionnalité commentés dans cette édition n° 12 de la lettre de la première chambre civile témoignent ainsi des conditions de cette protection dans certains des champs évoqués ci-dessus et encore au-delà, tant sont variés ses champs de compétence.

Ainsi pourrez-vous lire dans cette édition la réponse donnée par la chambre à une question inédite en matière de prescription de l’action en contrefaçon d’une oeuvre artistique, à celle relative aux champs respectifs des différentes actions dont disposent les victimes d’un produit de santé défectueux, ainsi qu’à celle portant sur les conséquences à tirer, dans la procédure de rétention d’un étranger, de sa vulnérabilité ayant conduit à le doter d’une mesure de protection juridique.  La détermination de l’existence de clauses abusives étant un élément-clef du régime de protection du consommateur, vous pourrez lire comment la chambre a fixé la méthode permettant au juge du fond de se prononcer sur l’existence de telles clauses en présence de contrats types élaborés par le pouvoir réglementaire. La protection des intérêts pécuniaires des époux mobilisera également votre attention au regard d’un arrêt précisant le régime des stocks-options accordées à un époux pendant le mariage et fixant par ailleurs la méthode de calcul de la récompense due à la communauté lorsque celle-ci a contribué au financement de l'amélioration d'un bien d’un époux dans des circonstances propres à l’affaire examinée. Vous y trouverez également le commentaire d’une décision de transmission au Conseil constitutionnel d’une question portant sur  l’étendue des droits invocables par le professionnel du droit soumis à une procédure disciplinaire.

Le respect de droits conventionnellement et constitutionnellement garantis s’entendant tant de ceux des personnes physiques que de ceux des personnes morales, vous pourrez y trouver aussi un exemple de l’articulation complexe de la loi et de la jurisprudence, dans leurs efforts respectifs et successifs pour aménager le régime de l’indemnisation des victimes de contaminations par transfusions sanguines, ayant conduit à une question prioritaire de constitutionnalité portant sur le dernier état de l’aménagement des recours en garantie entre assureurs dans ce domaine. C’est dans ce même contexte juridique de l’indemnisation de ces victimes que vous pourrez y lire un avis sur les pouvoirs de l’office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des maladies nosocomiales (ONIAM) en matière de délivrance de tires exécutoires et des conséquences qui s’y attachent.

Je vous souhaite une bonne lecture.

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