N°11 - Juillet 2023 (Santé publique)

Lettre de la première chambre civile

Une sélection des arrêts rendus par la première chambre civile de la Cour de cassation (Assistance éducative / Autorité parentale / Avocat et conseil juridique / Cautionnement civil / Concubinage et PACS / Divorce / Donations / Droit international privé / Filiation / Indivision / Officiers publics et ministériels / Prêt / Protection des consommateurs / Régimes matrimoniaux / Santé publique).

 

 

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Lettre de la première chambre civile

N°11 - Juillet 2023 (Santé publique)

Prothèses mammaires : devoir de vigilance des sociétés de certification et préjudice des femmes porteuses d'implants

1re Civ., 25 mai 2023, pourvoi n° 21-14.843, publié

1re Civ., 25 mai 2023, pourvoi n° 22-11.541, publié

Une société qui fabriquait et commercialisait des implants mammaires avait utilisé, pour remplir les prothèses, un gel de silicone à usage industriel au lieu du gel à haute cohésivité autorisé.

A la suite de la découverte de cette fraude, au mois de mars 2010, par l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, plusieurs sociétés distributrices des implants et de très nombreuses personnes physiques ayant subi leur implantation, de nationalité française ou étrangère, ont engagé une action en responsabilité et indemnisation de leurs préjudices contre deux sociétés dont la mission était d’évaluer la conformité des produits avant leur mise sur le marché.

L’une de ces sociétés, en qualité d'organisme notifié au sens de la directive 93/42/CEE du Conseil du 14 juin 1993, avait été chargée par le fabricant de procéder à la certification CE, en conformité avec les exigences de cette directive, de la qualité du système de production, puis, en mars 2004, à la suite du reclassement des prothèses mammaires de la classe II à la classe III, de leur dossier de conception. Tous les audits de certification puis de contrôle avaient été effectués par ou avec le concours d'auditeurs de l’autre société, en sa qualité de sous-traitant.   

Par les arrêts rapportés, la première chambre civile se prononce, tout d’abord, sur le manquement de ces sociétés à leur devoir de vigilance dans leur mission de contrôle.

Il doit être rappelé que, selon la Cour de justice de l'Union européenne, si l'organisme notifié n'est pas tenu, de manière générale, de faire des inspections inopinées, de contrôler les dispositifs et/ou d'examiner les documents commerciaux du fabricant, cet organisme, en présence d'indices suggérant qu'un dispositif médical est susceptible d'être non conforme aux exigences découlant de cette directive, doit prendre toutes les mesures nécessaires afin de s'acquitter de ses obligations au titre des dispositions de la directive 93/42 (CJUE, 16 février 2017, Schmitt, C-219/15).

Dans le premier arrêt, la première chambre civile approuve l’analyse d’une cour d'appel, selon laquelle l'incohérence entre la quantité de gel commandé et le nombre de prothèses fabriquées, résultant de la chute brutale d'achat de gel autorisé et l'absence de tout achat de ce gel en 2004 dans la comptabilité du service achat que les auditeurs avaient dit avoir contrôlée, constituait une anomalie évidente dans le procédé de fabrication, suggérant que le dispositif médical en cause était susceptible d'être non conforme aux prescriptions de la directive et justifiant une visite des locaux sans avertissement, laquelle les aurait conduits à découvrir la substitution de gel.

Dans le second, elle entérine l’analyse d’une autre cour d’appel, selon laquelle, en plus de ces incohérences, les écarts importants et récurrents avec le système de qualité approuvé, constatés par les auditeurs et concernant la stérilisation lors de la fabrication des produits, ainsi que la matériovigilance et le traitement des réclamations, représentaient également de tels indices.

Dans ces deux arrêts, la première chambre civile confirme, en outre, les appréciations des deux cours d'appel, selon lesquelles la société sous-traitante, ayant participé conjointement avec l’autre société aux audits de certification et de surveillance, avait, comme celle-ci, manqué à ses obligations de vigilance lors des contrôles effectués au service achats du fabricant.

En revanche, concernant la date à compter de laquelle la responsabilité de ces sociétés doit être retenue, la première chambre civile casse l'arrêt de la première cour d'appel en ce qu'il juge que les manquements ont eu pour conséquence de permettre au fabricant d'apposer la certification CE sur les prothèses d'avril 2001 à mars 2010, alors que la cour d'appel avait retenu que l'utilisation frauduleuse d'un gel non autorisé avait débuté à  la fin de l'année 2002 et que les incohérences dans la comptabilité auraient dû être décelées lors de l'audit des 24 au 26 novembre 2004.

Elle censure également l'arrêt de l’autre cour d'appel en ce qu'il déclare ces sociétés responsables in solidum des préjudices causés à une société distributrice par le maintien des prothèses sur le marché seulement entre le 1er septembre 2006 et le 6 avril 2010, alors que la cour d'appel avait constaté que les volumes de gel autorisé étaient insuffisants à la production des prothèses et même nuls en 2004.

La première chambre civile précise, ensuite, la nature du préjudice subi par les femmes porteuses d'implants défectueux.

Elle approuve l'arrêt de la deuxième cour d'appel en ce qu’il retient, d'une part, que ces femmes ont subi individuellement un préjudice d'anxiété à la suite des recommandations des autorités sanitaires prônant un contrôle médical systématique et régulier et, dans certains pays, une explantation de ces prothèses, d'autre part, qu'elles ont subi un préjudice moral distinct, causé par l'atteinte au droit au respect de la santé, constitué par la révélation d'une fraude découverte tardivement.

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