N°11 - Juillet 2023 (Prêt)

Lettre de la première chambre civile

Une sélection des arrêts rendus par la première chambre civile de la Cour de cassation (Assistance éducative / Autorité parentale / Avocat et conseil juridique / Cautionnement civil / Concubinage et PACS / Divorce / Donations / Droit international privé / Filiation / Indivision / Officiers publics et ministériels / Prêt / Protection des consommateurs / Régimes matrimoniaux / Santé publique).

 

 

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Lettre de la première chambre civile

N°11 - Juillet 2023 (Prêt)

Point de départ du délai de prescription en cas de manquement du banquier dispensateur de crédit au devoir d’information en matière de prêt libellé en devise étrangère

1re Civ., 28 juin 2023, pourvoi n° 21-24.720, publié

Les 4 juin et 21 octobre 2004, une banque avait consenti à des emprunteurs deux prêts immobiliers in fine, libellés en francs suisses, remboursables respectivement les 31 juillet 2017 et 31 octobre 2016, aux taux d’intérêt variables indexés sur l'indice Libor 3 mois.

Le 26 avril 2016, les emprunteurs avaient assigné la banque en responsabilité et en constatation du caractère abusif de certaines clauses des contrats de prêt.

La première chambre civile, précisant à cette occasion le point de départ du délai de prescription de l’action en responsabilité du banquier dispensateur de crédit pour manquement au devoir d’information, juge qu’il résulte des articles 2224 du code civil et L. 110-4 du code de commerce que l'action en responsabilité de l'emprunteur à l'encontre du prêteur au titre d'un manquement à son devoir d'information portant sur le fonctionnement concret de clauses d'un prêt libellé en devise étrangère et remboursable en euros et ayant pour effet de faire peser le risque de change sur l'emprunteur se prescrit par cinq ans à compter de la date à laquelle celui-ci a eu une connaissance effective de l'existence et des conséquences éventuelles d'un tel manquement.

Elle censure ainsi la cour d’appel qui, pour déclarer irrecevable comme prescrite l’action des emprunteurs fondée sur le manquement de la banque à un tel devoir, a retenu que ceux-ci n’établissaient pas qu’ils avaient pu légitimement ignorer les risques de leur préjudice au moment de la souscription des contrats, de sorte que le point de départ du délai quinquennal de la prescription devait être fixé à la date de conclusion des contrats, et qu’en tout état de cause les conséquences de la dégradation de la parité entre le franc suisse et l’euro s’étaient nécessairement manifestées dès l’année 2009.

Par le présent arrêt, la première chambre civile décide que les emprunteurs n’ont pu connaître l'existence du dommage résultant d'un tel manquement à la date de la conclusion des prêts et qu’il incombe à la cour d’appel de caractériser la date de leur connaissance effective des effets négatifs de la variation du taux de change sur leurs obligations financières.

Prêt libellé en devise étrangère et point de départ du délai de prescription de l'action en restitution des sommes perçues, fondée sur le caractère abusif des clauses critiquées

1re Civ., 12 juillet 2023, pourvoi n° 22-17.030, publié

Une banque avait consenti à un emprunteur un prêt immobilier in fine souscrit en francs suisses, à taux variable et indexé sur le LIBOR francs suisses 3 mois. Postérieurement au terme du prêt, l’emprunteur l’avait assignée en constatation du caractère abusif de clauses de remboursement et de change, ainsi qu’en restitution.

Par l’arrêt rapporté, la première chambre civile se prononce, tout d’abord, sur le point de départ du délai de prescription de l'action en restitution des sommes perçues par la banque, fondée sur le caractère abusif des clauses critiquées.

La réponse à cette question était particulièrement attendue par plusieurs cours d’appel.

Il doit être rappelé que, par arrêt du 10 juin 2021 (C-776/19 à C-782/19), la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a dit pour droit que l'article 6, § 1, et l'article 7, § 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, lus à la lumière du principe d'effectivité, doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une réglementation nationale soumettant l'introduction d'une demande par un consommateur aux fins de la restitution de sommes indûment versées, sur le fondement de telles clauses abusives, à un délai de prescription de cinq ans, dès lors que ce délai commence à courir à la date de l'acceptation de l'offre de prêt de telle sorte que le consommateur a pu, à ce moment-là, ignorer l'ensemble de ses droits découlant de cette directive et qu’elle a précisé que les modalités de mise en œuvre de la protection des consommateurs prévue par la directive ne doivent pas être moins favorables que celles régissant des situations similaires de nature interne (principe d'équivalence) ni être aménagées de manière à rendre en pratique impossible ou excessivement difficile l'exercice des droits conférés par l'ordre juridique de l'Union (principe d'effectivité).

Par arrêt du 9 juillet 2020 (C-698/18 et C-699/18), la Cour a également dit pour droit que l'article 2, sous b), l'article 6, § 1, et l'article 7, § 1, de la directive 93/13 ainsi que les principes d'équivalence, d'effectivité et de sécurité juridique doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une interprétation juridictionnelle de la réglementation nationale selon laquelle l'action judiciaire en restitution des montants indûment payés sur le fondement d'une clause abusive figurant dans un contrat conclu entre un consommateur et un professionnel est soumise à un délai de prescription de trois ans qui court à compter de la date de l'exécution intégrale de ce contrat, lorsqu'il est présumé, sans besoin de vérification, que, à cette date, le consommateur devait avoir connaissance du caractère abusif de la clause en cause ou lorsque, pour des actions similaires, fondées sur certaines dispositions du droit interne, ce même délai ne commence à courir qu'à partir de la constatation judiciaire de la cause de ces actions.

La première chambre civile juge ainsi que le point de départ du délai de prescription quinquennale, tel qu'énoncé à l'article 2224 du code civil et à l'article L. 110-4 du code de commerce, de l'action, fondée sur la constatation du caractère abusif de clauses d'un contrat de prêt libellé en devises étrangères, en restitution de sommes indûment versées doit être fixé à la date de la décision de justice constatant le caractère abusif des clauses.

Elle répond, en outre, à la demande d’avis, dont elle était saisie par une juridiction du fond, posant la même question, qu’il n’y a pas lieu à avis (1re Civ., 12 juillet 2023, avis n° 23-70.006, publié).

La première chambre civile précise, ensuite, le taux de change applicable à la restitution des sommes indûment perçues.

Elle rappelle que, par arrêt du 21 décembre 2016 (C-154/15), la CJUE a jugé que l'article 6, § 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu'une clause contractuelle déclarée abusive doit être considérée, en principe, comme n'ayant jamais existé, de sorte qu'elle ne saurait avoir d'effet à l'égard du consommateur et que, partant, la constatation judiciaire du caractère abusif d'une telle clause doit, en principe, avoir pour conséquence le rétablissement de la situation en droit et en fait du consommateur dans laquelle il se serait trouvé en l'absence de ladite clause et emporte, en principe, un effet restitutoire correspondant à l'égard de ces mêmes sommes.

Elle approuve ainsi la cour d’appel, qui, après avoir relevé que le contrat n'avait pu subsister sans les clauses réputées non écrites constituant l'objet principal du contrat, a retenu que l'emprunteur devait restituer à la banque la contrevaleur en euros, selon le taux de change à la date de mise à disposition des fonds, de la somme prêtée et que celle-ci devait lui restituer toutes les sommes perçues en exécution du prêt, soit la contrevaleur en euros de chacune des sommes selon le taux de change applicable au moment de chacun des paiements.

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