L’occupation d’un bien indivis en nue-propriété seulement ne peut donner lieu à indemnité au profit de l’indivision sur le fondement de l’article 815-9 du code civil
1re Civ., 1er juin 2023, pourvoi n° 21-14.924, publié
Peu après son mariage, un époux séparé de biens fait donation à son épouse de la moitié en nue-propriété d’une parcelle qu’il avait reçue dans la succession de son père et dont sa mère était usufruitière. Les époux font édifier sur la parcelle une maison qui devient le domicile conjugal.
Vingt ans plus tard, une ordonnance de non-conciliation attribue au mari la jouissance à titre onéreux du domicile conjugal, puis un jugement prononce le divorce des époux et l’épouse assigne subséquemment son ex-conjoint en liquidation et partage de leurs intérêts patrimoniaux, sollicitant notamment la condamnation de celui-ci au paiement d’une indemnité pour l’occupation du logement de la famille.
Le tribunal ordonne le partage des intérêts patrimoniaux des parties et dit l’époux redevable d’une indemnité d’occupation envers l’indivision à compter de l’ordonnance de non-conciliation. Sur appel de celui-ci, limité aux dispositions du jugement l’ayant condamné au paiement de cette indemnité, la cour d’appel confirme le jugement, nonobstant l’existence d’un démembrement de propriété entre les parties et la mère de l’époux, usufruitière.
Un pourvoi est formé, reprochant en substance à la cour d’avoir ainsi statué alors que seul l'usufruitier peut jouir des fruits de la propriété démembrée, au nombre desquels figure l’indemnité d’occupation.
Pour casser l’arrêt, la Cour de cassation rappelle, d’abord, qu’il résulte de l’article 815-9 du code civil que l’indemnité due au titre de l’occupation d’un bien indivis a pour objet de réparer le préjudice causé à l’indivision par la perte des fruits et revenus et de se substituer à ceux-ci dont elle emprunte le caractère (cf., notamment, 1re Civ., 3 octobre 2006, pourvoi n° 04-18.435, Bull. 2006, I, n° 426), ensuite, qu’aux termes de l’article 582 du même code, l’usufruitier a le droit de jouir de toute espèce de fruits, soit naturels, soit industriels, soit civils, que peut produire l’objet dont il a l’usufruit.
Elle en déduit logiquement qu’en l’absence d’indivision en jouissance entre les époux, indivisaires en nue-propriété seulement, aucune indemnité ne peut être due par l’un d’eux envers l’indivision au titre de l’occupation du bien indivis.
Le remboursement anticipé par un indivisaire d’un emprunt ayant permis l’acquisition d’un bien indivis constitue une dépense nécessaire à la conservation de ce bien au sens de l’article 815-13, alinéa 1er, du code civil
1re Civ., 5 juillet 2023, avis n° 23-70.007, publié
Le règlement d'échéances d'emprunts ayant permis l'acquisition d'un immeuble indivis, effectué par un indivisaire au moyen de ses deniers personnels au cours de l'indivision, permet de préserver l’indivision d’un risque de défaillance de nature à entraîner la perte du bien indivis et, ainsi, de le conserver dans l’indivision.
C’est pourquoi la Cour de cassation juge qu’un tel règlement constitue une dépense nécessaire à la conservation de ce bien et donne lieu à indemnité sur le fondement de l'article 815-13, alinéa 1er, du code civil (1re Civ., 7 juin 2006, pourvoi n° 04-11.524, Bull. 2006, I, n° 284 ; 1re Civ., 15 mai 2018, pourvoi n° 17-16.166).
Par une décision plus récente (1re Civ., 26 janvier 2022, pourvoi n° 20-17.898, publié), cette solution a été étendue à l’hypothèse du règlement d’un crédit-relais. Une demande d’avis émanant d’un juge aux affaires familiales saisi du partage des intérêts patrimoniaux de personnes auparavant liées par un pacte civil de solidarité a été l’occasion pour la première chambre civile de confirmer qu’il en va de même en cas de remboursement anticipé d’un emprunt ayant permis l’acquisition d’un bien indivis.