N°11 - Juillet 2023 (Editorial)

Lettre de la première chambre civile

Une sélection des arrêts rendus par la première chambre civile de la Cour de cassation (Assistance éducative / Autorité parentale / Avocat et conseil juridique / Cautionnement civil / Concubinage et PACS / Divorce / Donations / Droit international privé / Filiation / Indivision / Officiers publics et ministériels / Prêt / Protection des consommateurs / Régimes matrimoniaux / Santé publique).

 

 

  • Contrat
  • Personnes et familles
  • Santé
  • assistance éducative
  • mineur
  • autorité parentale
  • avocat
  • avocat et conseil juridique
  • prescription
  • cautionnement
  • cautionnement civil
  • concubinage et p.a.c.s.
  • pacte civil de solidarité et concubinage
  • divorce, séparation de corps
  • appel civil
  • donation
  • droit international privé
  • exequatur
  • enlèvement et séquestration
  • filiation
  • indivision
  • officiers publics ou ministériels
  • amnistie
  • droit disciplinaire (règlement intérieur de l'entreprise/amnistie)
  • prêt
  • protection des consommateurs
  • énergie

Lettre de la première chambre civile

N°11 - Juillet 2023 (Editorial)

Editorial

Pascal Chauvin

Président de la première chambre civile

 

« Il n’y a richesse, ni force que d’hommes » a écrit Jean Bodin au XVIe siècle. Même si ce philosophe et économiste, qui fut aussi magistrat, s’exprimait à propos de l’humanité tout entière et certainement à des fins mercantilistes, cet aphorisme, pris dans son acception moderne (l’être humain est en soi une vraie richesse), deviendrait aujourd’hui : « Il n’y a richesse, ni force que d’hommes et de femmes ».

Après une carrière dans la magistrature consacrée presque pour moitié à la présidence de chambres, je ressens profondément la justesse de ce propos. Et je voudrais m’arrêter un court instant sur mes dernières fonctions, celles de président de chambre à la Cour de cassation, dans leur dimension humaniste.

En 2023, présider une chambre de la plus haute juridiction de l’ordre judiciaire, c’est certes contribuer à inscrire celle-ci au premier plan de notre espace judiciaire et juridique, tant national qu’européen, tout en s’attachant à renforcer l’unité et la lisibilité de sa jurisprudence.

Mais c’est aussi, et surtout, être en capacité de diriger et fédérer des femmes et des hommes qui, pour chacun des pourvois, chacune des questions prioritaires de constitutionnalité ou encore chacune des demandes d’avis qu’ils traitent, sont à l’origine même des décisions de la Cour qui participent, notamment, à la régulation de notre économie et, plus généralement, au bon fonctionnement de notre société.

En charge d’une formation de jugement composée d’au minimum vingt-cinq magistrats, le président de chambre, s’il ne gère pas directement leur carrière, n’en doit pas moins veiller à établir des relations régulières et individualisées avec eux, à faire preuve d’une grande disponibilité, à s’intéresser à ce qu’ils sont, à être attentif à leurs attributions, à valoriser leurs travaux, tout ceci dans l’objectif de constituer une communauté de travail unie et solidaire, soucieuse d’efficacité.

Du point de vue administratif, le président doit particulièrement s’impliquer dans la composition de la chambre dont il a la responsabilité.

C’est ainsi que, la qualité de la jurisprudence dépendant étroitement de la qualité des juges qui la créent, celui-ci doit s’employer à obtenir les spécialistes reconnus des contentieux dévolus à la chambre. Davantage en amont, il doit rechercher les magistrats susceptibles d’intégrer sa formation pour le plus grand avantage de celle-ci, en les incitant à faire acte de candidature, sans préjudice des prérogatives des autorités de nomination et d’affectation. Mais s’il doit être à l’entrée, il se doit également d’être à la sortie : lorsqu’un conseiller référendaire approche du terme de son mandat de dix ans, le président doit s’efforcer de le faire bénéficier d’un poste qui soit à la hauteur de ses qualités professionnelles et humaines et qui soit de nature à faciliter son retour à la Cour en qualité de conseiller, si tel est son souhait.

Du point de vue juridictionnel, le président doit « faire vivre » sa chambre. C’est ainsi qu’il doit notamment rompre la fameuse solitude des conseillers-rapporteurs, par exemple en encourageant les séances d’instruction, qui se conçoivent avant tout comme des temps d’échange entre le rapporteur et ses collègues afin d’explorer toutes les pistes de réflexion qui pourraient s’offrir à celui-ci.

Mais c’est en définitive le délibéré qui constitue le point d’orgue de l’activité de la chambre. Entrouvrons discrètement la porte de la salle où les décisions sont prises, mais à demi seulement dès lors que le moment où les juges expriment leur opinion sur une affaire et opinent en faveur de telle ou telle solution est couvert par un principe cardinal : le secret. Le président de chambre, véritable chef d’orchestre, a un rôle majeur dans la tenue du délibéré : certes, il doit suivre scrupuleusement l’ordre de parole et comptabiliser les voix ; mais il ne saurait jamais s’en tenir là : à lui d’animer les débats, de leur insuffler de la vie, de créer une atmosphère propice, d’impulser le rythme, d’instaurer un espace de liberté, de réduire les possibles tensions, d’opérer la synthèse puisqu’il est le dernier à parler. J’ai coutume de dire que la qualité de l’ambiance qui règne au sein d’une chambre a une influence directe sur la qualité des décisions : au moment où la parole lui est donnée, un conseiller doit être en totale confiance, c’est-à-dire savoir qu’il dispose d’un délai raisonnable pour exprimer son avis en toute liberté, savoir qu’il sera écouté et savoir qu’il sera respecté. J’ai ainsi pu observer que des décisions majeures ont été élaborées à l’issue d’un délibéré constructif où chacun a apporté sa contribution à l’édifice dans un climat empreint d’une considération mutuelle, en dépit de positions différentes, de sorte qu’une fois le projet adopté s’en est suivi le sentiment général que la chambre avait fait œuvre de justice.

Il est temps maintenant pour moi d’achever mon parcours de juge, pleinement conscient de l’heureuse destinée qui a été la mienne de connaître une carrière aussi exaltante.

Une talentueuse conseillère à la Cour de cassation va me succéder à la tête de la première chambre civile. Je souhaite bonne chance à la présidente Carole Champalaune : qu’elle vive intensément et passionnément cette formidable aventure humaine qui l’attend !

 

Pascal Chauvin

Président de la première chambre civile

12 juillet 2023

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