N°11 - Juillet 2023 (Droit international privé - Economique)

Lettre de la première chambre civile

Une sélection des arrêts rendus par la première chambre civile de la Cour de cassation (Assistance éducative / Autorité parentale / Avocat et conseil juridique / Cautionnement civil / Concubinage et PACS / Divorce / Donations / Droit international privé / Filiation / Indivision / Officiers publics et ministériels / Prêt / Protection des consommateurs / Régimes matrimoniaux / Santé publique).

 

 

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Lettre de la première chambre civile

N°11 - Juillet 2023 (Droit international privé - Economique)

Office du juge de l’exequatur et invocation de l’immunité de juridiction par un État étranger

1re Civ., 28 juin 2023, pourvoi n° 21-19.766, publié

Une juridiction américaine, après avoir considéré qu’un Etat du Moyen-Orient ne pouvait se prévaloir de son immunité de juridiction, avait condamnée celui-ci et certains de ses dirigeants à payer à un particulier des dommages-intérêts en réparation des préjudices résultant du décès de sa fille à la suite d'un attentat commis en Israël et revendiqué par une organisation terroriste.

Le père de la victime avait ensuite assigné cet Etat aux fins d'obtenir l'exequatur de cette décision en France.

La Cour de cassation précise à cette occasion l'office du juge de l'exequatur au regard du principe de prohibition de la révision au fond du jugement étranger lorsque l’immunité de juridiction a été écartée par ce jugement, ainsi que le sort de l’immunité de juridiction en cas de violation de droits fondamentaux.

La première chambre civile énonce, d’abord, qu’il résulte de l'article 509 du code de procédure civile que, pour accorder l'exequatur en l'absence de convention internationale, le juge français doit, après avoir vérifié la recevabilité de l'action, s'assurer que trois conditions sont remplies, à savoir la compétence indirecte du juge étranger fondée sur le rattachement du litige au juge saisi, la conformité à l'ordre public international de fond et de procédure, ainsi que l'absence de fraude.

Elle juge que l'immunité de juridiction est une fin de non-recevoir à l'action en exequatur, dont l'examen au regard du droit français relève de l'office du juge de l'exequatur et n'est ni une révision au fond du jugement étranger ni un élément du contrôle de la régularité internationale de ce jugement.

Elle approuve ainsi la cour d'appel ayant énoncé que, dans une telle instance, le juge français doit s'abstenir de toute révision au fond du jugement qui a été rendu par la juridiction étrangère et dont il apprécie la régularité internationale et que, lorsque l'immunité de juridiction est revendiquée par un État étranger, il lui incombe de statuer préalablement sur une telle fin de non-recevoir.

La première chambre civile rappelle, ensuite, que les Etats étrangers bénéficient d’une immunité de juridiction lorsque l'acte qui donne lieu au litige participe, par sa nature ou sa finalité, à l'exercice de leur souveraineté et n'est pas un acte de gestion.

Elle précise, en outre, que la Cour européenne des droits de l'homme juge que le droit d'accès à un tribunal, tel que garanti par l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et dont l'exécution d'une décision de justice constitue le prolongement nécessaire, ne s'oppose pas à une limitation à ce droit d'accès, découlant de l'immunité des Etats étrangers, dès lors que cette limitation est consacrée par le droit international et ne va pas au-delà des règles généralement reconnues en matière d'immunité des Etats (CEDH, Grande chambre, 21 novembre 2001, Al-Adsani c/ Royaume-Uni, requête n° 35763/97 ; CEDH, 12 octobre 2021, J.C. et Autres c/ Belgique, requête n°11625/17), que la Cour internationale de justice considère qu’une violation du jus cogens n'est jamais une cause de dérogation au principe de l'immunité de juridiction (CIJ, 3 février 2012, Immunités juridictionnelles de l'État, Allemagne c/ Italie ; Grèce (intervenant), C.I.J. Recueil 2012, p. 99) et qu’elle-même a jugé qu'à supposer que l'interdiction des actes de terrorisme puisse être mise au rang de norme de jus cogens du droit international, laquelle prime les autres règles du droit international et peut constituer une restriction légitime à l'immunité de juridiction, une telle restriction serait disproportionnée au regard du but poursuivi dès lors que la mise en cause de l'Etat étranger n'est pas fondée sur la commission des actes de terrorisme mais sur sa responsabilité morale (1re Civ., 9 mars 2011, pourvoi n° 09-14.743, Bull. 2011, I, n° 49).

La première chambre civile approuve ainsi la cour d'appel, qui a retenu, d’une part, que les actes litigieux, en ce qu'ils avaient consisté en un soutien financier apporté à un groupe terroriste ayant commis un attentat suicide, ne relevaient pas d'actes de gestion de cet Etat, d’autre part, qu'à supposer même que l'interdiction des actes de terrorisme puisse constituer une norme de jus cogens du droit international de nature à constituer une restriction légitime à l'immunité de juridiction, ce qui ne ressort pas de l'état actuel du droit international, les circonstances de l'espèce ne permettaient pas qu'il soit fait une exception à cette immunité dès lors que la condamnation de l'Etat au paiement des dommages-intérêts prononcée par la juridiction américaine ne reposait pas sur la démonstration d'une implication directe, mais seulement sur le fondement de la responsabilité civile que cet Etat devrait supporter au titre de l'aide ou des ressources matérielles apportées au groupe ayant revendiqué l'attentat.

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