N°10 - Avril 2023 (Protection des consommateurs)

Lettre de la première chambre civile

Une sélection des arrêts rendus par la première chambre civile de la Cour de cassation (Avocat et conseil juridique / Droit international privé économique / Etat / Prêt / Propriété littéraire et artistique / Protection des consommateurs / Responsabilité des notaires).

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Lettre de la première chambre civile

N°10 - Avril 2023 (Protection des consommateurs)

Caractère abusif d'une clause stipulant une résiliation d'un contrat de prêt immobilier après une mise en demeure de régler une ou plusieurs échéances impayées selon un préavis de huit jours

Office du juge et caractère abusif d'une clause autorisant une banque à exiger immédiatement, sans mise en demeure ou sommation préalable la totalité des sommes dues au titre du prêt en cas de défaut de paiement d'une échéance à sa date

1re Civ., 22 mars 2023, pourvoi n° 21-16.476, publié

Selon l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

La Cour de justice des Communautés européennes devenue la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) juge que le juge national est tenu d'examiner d'office le caractère abusif d'une clause contractuelle dès qu'il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet et que, lorsqu'il considère une telle clause comme étant abusive, il ne l'applique pas, sauf si le consommateur s'y oppose (CJCE, 4 juin 2009, C-243/08).

La Cour de justice de l'Union européenne précise que pour apprécier l'éventuel caractère abusif d'une clause relative à la déchéance du terme en raison de manquements du débiteur à ses obligations pendant une période limitée, l'article 3, paragraphe 1 de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens, qu'il incombe à la juridiction nationale d'examiner si la faculté laissée au professionnel de déclarer exigible la totalité du prêt dépend de l'inexécution par le consommateur d'une obligation qui présente un caractère essentiel dans le cadre du rapport contractuel en cause, si cette faculté est prévue pour les cas dans lesquels une telle inexécution revêt un caractère suffisamment grave au regard de la durée et du montant du prêt, si ladite faculté déroge aux règles de droit commun applicables en la matière en l'absence de dispositions contractuelles spécifiques et si le droit national prévoit des moyens adéquats et efficaces permettant au consommateur soumis à l'application d'une telle clause de remédier aux effets de ladite exigibilité du prêt (CJUE, arrêt du 26 janvier 2017, C-421/14). Elle précise, en outre, que ces critères d'appréciation ne peuvent être compris ni comme étant cumulatifs ni comme étant alternatifs, mais doivent être compris comme faisant partie de l'ensemble des circonstances entourant la conclusion du contrat concerné (CJUE, arrêt du 8 décembre 2022, C-600/21).

La première chambre civile ne s'était pas encore prononcée sur le caractère abusif d'une clause d'un contrat de prêt immobilier stipulant une résiliation du contrat après une mise en demeure de régler une ou plusieurs échéances impayées selon un  préavis de huit jours, ni  sur celui d'une clause d'un contrat de prêt immobilier autorisant une  banque à exiger immédiatement, sans mise en demeure ou sommation préalable la totalité des sommes dues au titre de ce prêt en cas de défaut de paiement d'une échéance à sa date.

Par un premier arrêt, elle juge qu'une telle clause, qui prévoit une résiliation du contrat après une mise en demeure de régler une ou plusieurs échéances impayées sans préavis d'une durée raisonnable, crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, au détriment du consommateur exposé à une aggravation soudaine des conditions de remboursement.

Par un second, elle juge que méconnaît son office et viole l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, une cour d'appel qui fait application d'une clause d'un contrat de prêt immobilier autorisant la banque à exiger immédiatement, sans mise en demeure ou sommation préalable de l'emprunteur ni préavis d'une durée raisonnable, la totalité des sommes dues au titre de ce prêt en cas de défaut de paiement d'une échéance à sa date, sans examiner d'office le caractère abusif d'une telle clause.

Elle censure donc la première décision ayant statué en sens contraire et la seconde n’ayant pas procédé à un tel examen.

Défaut de paiement d'un chèque pour absence de provision suffisante et portée du titre exécutoire établi par huissier de justice

1re Civ., 1er mars 2023, pourvoi n° 21-22.091, publié

Il résulte de l’article L. 131-73 du code monétaire et financier qu’en cas de défaut de paiement d’un chèque pour défaut de provision suffisante, un certificat de non-paiement, délivré à la demande du porteur, est notifié ou signifié au tireur et que l’huissier de justice, qui n’a pas reçu la justification du paiement du montant du chèque et des frais dans un délai de quinze jours à compter de la réception de la notification ou de la signification, délivre, sans autre acte de procédure ni frais, un titre exécutoire.

Pour dire n'y avoir lieu à statuer sur une demande en paiement du solde du prix d'une commande, une cour d'appel retient que celle-ci est sans objet dans la mesure où le créancier est titulaire d'un titre exécutoire établi par huissier de justice, en vertu duquel il a procédé à une saisie sur salaires. 

Saisie d'un pourvoi formé par le créancier, qui soutenait que le motif selon lequel il disposait déjà d’un titre exécutoire pour le montant établi par huissier de justice était inopérant, la première chambre civile casse l'arrêt et rappelle qu'il incombe au juge de trancher la contestation dont il est saisi.

Contrat de transports de déménagement - La livraison, qui marque la fin de l'exécution du contrat, s'entend de la remise physique des biens au destinataire ou à son représentant, qui l'accepte.

1re Civ., 1er février 2023, pourvoi n° 21-13.029, publié

L'article L. 224-63 du code de la consommation énonce que, « par dérogation aux dispositions du premier alinéa de l'article L. 133-3 du code de commerce, le délai de forclusion applicable aux contrats de transports de déménagement conclus entre un professionnel et un consommateur est fixé à dix jours calendaires révolus à compter de la réception des objets transportés. Les protestations motivées émises par lettre recommandée dans ce délai produisent leurs effets même en l'absence de réserves formulées à la livraison. Les réserves émises par le destinataire à la livraison et non contestées par le transporteur dispensent de la protestation motivée prévue au présent article. »

La livraison, qui est l'une des obligations essentielles du transporteur, marque la fin de l'exécution du contrat de transport : en même temps qu'elle met un terme à la présomption de responsabilité, elle déclenche le cours de la forclusion de l'article L.133-3 du code de commerce et celui de la prescription de l'article L. 133-6 du même code. La livraison suppose que le destinataire ait été mis en mesure de vérifier la marchandise et d'assortir, le cas échéant, son acceptation de réserves. La marchandise n'est pas offerte au destinataire tant que le voiturier lui oppose son droit de rétention.

Un particulier avait confié à une société le déménagement de son mobilier jusqu'à un garde-meubles dans lequel celui-ci avait été entreposé. N’ayant pas été présent à l'arrivée du chargement, il avait souhaité être autorisé à pénétrer dans le garde-meubles pour vérifier l'état des meubles, mais s'était heurté au refus du déménageur, qui faute de règlement, l'avait assigné en paiement.

Faisant application de l’article L. 224-63 précité, la première chambre civile juge qu'il en résulte qu'à peine de forclusion de son action en responsabilité pour avarie, le consommateur peut formuler des réserves à la livraison des objets transportés ou des protestations dans les dix jours de leur réception et que la livraison s'entend de la remise physique des biens au destinataire ou à son représentant, qui l'accepte.

Elle censure ainsi la cour d'appel, qui a condamné le consommateur à payer le prix de la prestation de déménagement alors qu'il résultait de ses constatations que celui-ci n'avait pas été mis en mesure de vérifier l'état de ses biens transportés et, le cas échéant, d'assortir son acceptation de réserves, puis de prendre effectivement possession de la chose livrée, la première chambre civile estimant ainsi que la livraison n'était pas intervenue et que le contrat n'avait pas pris fin.

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