N° 14 – Avril 2024 (Régimes matrimoniaux)

Lettre de la première chambre civile

Une sélection des arrêts rendus par la première chambre civile de la Cour de cassation (Arbitrage / État / Protection des consommateurs / Régimes matrimoniaux / Successions / La lettre à venir / Colloque).

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Lettre de la première chambre civile

N° 14 – Avril 2024 (Régimes matrimoniaux)

L'article 1413 du code civil ne porte pas atteinte au principe constitutionnel de responsabilité résultant de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen

1re Civ., 31 janvier 2024, pourvoi n° 23-18.056, QPC, publié

En 2004, le comptable d’un service des impôts fait délivrer un commandement de payer valant saisie immobilière portant sur un immeuble commun constituant le domicile des époux sur le fondement d'avis de mise en recouvrement notifiés au mari au titre de diverses impositions dues par ce dernier dans le cadre de son activité professionnelle.

En 2010, un jugement fixe la date de vente sur adjudication du bien et proroge les effets du commandement. La vente est reportée en raison, notamment, de la contestation des titres exécutoires devant la juridiction administrative, jusqu’à ce qu’un juge de l’exécution adjuge, en 2021, le bien objet de la saisie et déclare irrecevable une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) soulevée par les époux. Un arrêt de cour d’appel confirme, en 2022, ces deux décisions.

Incidemment à leur pourvoi en cassation, les époux invoquent la contrariété de l’article 1413 du code civil au droit pour toute personne de disposer d’un logement décent et au principe de responsabilité personnelle, tels qu’ils seraient protégés par les alinéas 10 et 11 du Préambule de la Constitution de 1946 et par l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, en ce qu’il permettrait à un époux de voir son bien immobilier à usage d’habitation saisi et vendu lors des poursuites engagées par les créanciers de son conjoint.

La première chambre civile ne transmet pas cette QPC en raison de son absence de sérieux.

Elle constate, en premier lieu, qu’il résulte des alinéas 10 et 11 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 l’objectif de valeur constitutionnelle que constitue pour toute personne la possibilité de disposer d'un logement décent (décision n° 2009-578 DC du 18 mars 2009, § 12 ; décision n° 2011-169 QPC du 30 septembre 2011, § 5 ; décision n° 2016-581 QPC du 5 octobre 2016, § 11), et non le « droit » pour toute personne de disposer d’un logement décent. La différence est d’importance, puisque les objectifs de valeur constitutionnelle n’énoncent pas des droits subjectifs directement invocables par les citoyens mais des buts que le législateur doit prendre en compte dans l’élaboration de la norme. C’est pourquoi tant le Conseil d’Etat (CE, 23 mars 2016, n° 392638, cons. 4) que la Cour de cassation (3e Civ., 9 janvier 2020, pourvoi n° 19-40.033, publié, § 13) considèrent que la méconnaissance de l'objectif de valeur constitutionnelle tenant à la possibilité pour toute personne de disposer d'un logement décent – qui n'est pas, à lui seul, au nombre des droits et libertés garantis par la Constitution – ne peut, en elle-même, être invoquée à l'appui d'une QPC sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution, solution réitérée par la décision commentée.

En second lieu, elle rappelle, d’abord, que le Conseil constitutionnel a pu faire bénéficier de la protection constitutionnelle du principe de responsabilité résultant de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, non seulement la victime du dommage, mais également la personne dont la responsabilité est recherchée, en soumettant à certaines conditions la possibilité, pour la loi, de prévoir l'engagement de la responsabilité d'une personne autre que celle par la faute de laquelle le dommage est arrivé (Cons. const., 22 janvier 2016, décision n° 2015-517 QPC, cons. 7 et 9). Une telle protection ne pouvant se concevoir qu’en présence d’un mécanisme de mise en jeu d’une responsabilité, elle constate, ensuite, que, si l’article 1413 du code civil expose le conjoint de l'époux débiteur à supporter, à hauteur de ses droits dans la communauté, la charge des dettes souscrites par son conjoint, il n'en résulte pas pour autant l'engagement de la responsabilité de ce dernier. Partant, la disposition critiquée est nécessairement extérieure au champ de la protection constitutionnelle du principe de responsabilité.*

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