N° 13 – Janvier 2024 (Droit international privé - famille)

Lettre de la première chambre civile

Une sélection des arrêts rendus par la première chambre civile de la Cour de cassation (Arbitrage / Avocat et conseil juridique / Droit international privé - économique / Droit international privé - famille / Enrichissement sans cause / Incapacités / Protection des consommateurs / Régimes matrimoniaux / Santé publique).

 

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Lettre de la première chambre civile

N° 13 – Janvier 2024 (Droit international privé - famille)

Règlement dit « Bruxelles II bis » - Interprétation de l’article 16 du Règlement relatif à la date à laquelle une juridiction est réputée saisie

1re Civ., 22 novembre 2023, pourvoi n° 21-25.874, publié

Une enfant naît à Nantes en 2012 d’un couple qui se sépare en 2014. De juillet 2015 à janvier 2018, elle vit avec sa mère en Allemagne avant de revenir avec celle-ci à Nantes. Par requête du 28 mai 2019, le père saisit le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Nantes aux fins de voir statuer sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale, avant que mère et fille repartent en Allemagne en août 2019. Les services du greffe de Nantes convoquent la mère en décembre 2019 en vue de l’audience. Cette convocation, adressée à l’adresse de la mère à Nantes est retournée au greffe avec la mention « destinataire inconnu à cette adresse ». Par lettre du 9 janvier 2020, le greffe invite le père à la faire citer au moins quinze jours avant l’audience, fixée le 24 mars 2020, cette audience étant finalement annulée en raison de la crise sanitaire liée à la COVID-19 et reportée au 8 décembre 2020. Le 18 septembre 2020, le père signifie sa requête à la mère et l’assigne à comparaître à l’audience du 8 décembre 2020. L’audience a été reportée à la demande des parties et s’est tenue le 23 mars 2021.

Parallèlement, la mère saisit également les juridictions allemandes afin qu’il soit statué sur l’autorité parentale.

Par un jugement du 23 avril 2021, le juge aux affaires familiales de Nantes se déclare incompétent et renvoie les parties devant la juridiction allemande saisie. Par un arrêt du 25 octobre 2021, la cour d’appel de Rennes confirme ce jugement au motif que, le père ayant commis de graves négligences en s'abstenant d'aviser le greffe en temps utile de la nouvelle adresse en Allemagne de la mère de l’enfant et d'informer celle-ci de la procédure en cours avant l'assignation qu'il lui a fait délivrer le 18 septembre 2020, date à laquelle l'enfant n'avait plus sa résidence habituelle en France mais en Allemagne, il n'est pas possible, au regard de l'article 16 du règlement (CE) n° 2201/2003 du 27 novembre 2003 n°2201/2003 dit « Bruxelles II bis », de considérer que la juridiction française a été valablement saisie par la requête déposée le 28 mai 2019.

Le père se pourvoit en cassation. Il reproche notamment à la cour d’appel de s’être placée, pour apprécier la résidence habituelle de l'enfant, à la date du 18 septembre 2020, date à laquelle il a fait signifier la requête qu'il avait déposée au greffe du tribunal de grande instance de Nantes le 28 mai 2019, et non à la date de cette requête, au motif inopérant, au regard des articles 8 et 16 du règlement « Bruxelles II bis », qu’il aurait manqué de diligence et fait preuve de négligences dans la conduite de la procédure.

L’arrêt est cassé.

La première chambre civile rappelle, d’abord, qu’aux termes de l'article 8, paragraphe 1, du règlement « Bruxelles II bis », les juridictions d'un État membre sont compétentes en matière de responsabilité parentale à l'égard d'un enfant qui réside habituellement dans cet État membre au moment où la juridiction est saisie.

Elle interprète, ensuite, l'article 16, paragraphe 1, sous a) de ce même règlement, lequel dispose qu’une juridiction est réputée saisie « à la date à laquelle l'acte introductif d'instance ou un acte équivalent est déposé auprès de la juridiction, à condition que le demandeur n'ait pas négligé par la suite de prendre les mesures qu'il était tenu de prendre pour que l'acte soit notifié ou signifié au défendeur », en ce sens qu’une juridiction est réputée saisie par la réalisation d'un seul acte, à savoir le dépôt de l'acte introductif d'instance, dès lors que le demandeur n'a pas omis de prendre les mesures qui lui incombaient pour que l'acte initial soit régulièrement notifié ou signifié au défendeur.

La notion de « négligence » étant ici prise au sens objectif d’« omission », l’approche subjective de la cour d’appel, pour laquelle la négligence pouvait résulter du simple manque de diligence du demandeur dans l’accomplissement des mesures lui incombant, est sanctionnée : les juges d’appel ne pouvaient se déclarer incompétents au profit d'une juridiction étrangère ultérieurement saisie après avoir constaté que le demandeur avait déposé sa requête auprès de la juridiction française puis régulièrement assigné la défenderesse.

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