N°3 - Juin 2021 (Régimes matrimoniaux)

Lettre de la première chambre civile

Lettre de la première chambre civile

N°3 - Juin 2021 (Régimes matrimoniaux)

Financement du logement de la famille : l’apport en capital de fonds personnels d’un époux séparé de biens ne relève pas, sauf convention contraire des époux, de la contribution aux charges du mariage

1re Civ., 17 mars 2021, pourvoi n°19-21.463, publié

Des époux séparés de biens achètent, en indivision, un immeuble pour constituer le logement de la famille. Le financement s’opère, pour partie, au moyen d’un apport personnel de l’épouse.

Au cours de l’instance en divorce, celle-ci demande à être remboursée de cet apport. La cour dappel, pour rejeter cette prétention, considère que l’épouse ne démontre pas que sa participation au financement de l’acquisition du domicile familial a, eu égard à ses revenus, exdé son obligation de contribuer aux charges du mariage.

Cette analyse est censurée au motif qu’il résulte de l’article 214 du code civil que, sauf convention contraire des époux, l’apport en capital de fonds personnels, effectué par un époux séparé de biens pour financer la part de son conjoint lors de l’acquisition d’un bien indivis affecté à l’usage familial, ne participe pas de l’exécution de son obligation de contribuer aux charges du mariage.

Par cette décision, la première chambre civile dissipe les interrogations qu’un prédent arrêt avait pu susciter (1re Civ., 3 octobre 2019, pourvoi n°18-20.828, publié), celui-ci semblant limiter la solution à l’apport en capital provenant de la vente de biens personnels.

L'article 815-13 du code civil ne s’applique pas aux dépenses d'acquisition d'un bien indivis sans recours à l'emprunt.

La prescription d’une créance entre époux devenue dette du conjoint survivant, héritier, envers la succession est suspendue pendant les opérations de partage.

1re Civ., 26 mai 2021, pourvoi n°19-21.302, publié

Une épouse décède en laissant comme héritiers un conjoint survivant, avec lequel elle était mariée sous le régime de la séparation de biens, et quatre enfants nés dun mariage prédent.

Le contentieux qui s'est élevé entre les héritiers au sujet du partage du patrimoine des époux et de la succession a donné l'occasion à la première chambre civile de clarifier un certain nombre de questions intéressant à la fois les régimes matrimoniaux et les successions.

Durant la vie commune, l'épouse avait remboursé les échéances d’un emprunt ayant permis à son conjoint d’acquérir un bien immobilier personnel.

L'époux soutenait que la créance invoquée à son encontre par la succession était prescrite.

Selon une règle bien connue (article 2236 du code civil), pendant le mariage, la prescription ne court pas entre les époux. Mais qu'en est-il après le décès de l'époux créancier? La prescription recommence-t-elle à courir ?

La réponse est négative. En effet, la créance de lépoux sur son conjoint constitue, au décès du premier, une dette du second à l’égard de la succession, de sorte qu'en application de l'article 865 du code civil, la prescription ne court pas jusqu'à la clôture des opérations de partage de la succession.

Par ailleurs, au cours du mariage, l’épouse avait vendu des biens immobiliers personnels et utilisé le produit de leur vente pour financer sa part, et une partie de celle de son mari, dans l'acquisition d’un bien immobilier indivis destiné au logement de la famille.

On sait que, selon une jurisprudence constante, les dépenses consaces au remboursement d’échéances d’un emprunt contracté pour l’acquisition d’un bien indivis par les époux constituent des dépenses de conservation au sens de l’article 815-13 du code civil, ouvrant droit à une indemnité calculée selon les modalités prévues au dit texte.

Mais qu'en est-il pour les dépenses d'acquisition, sans recours à l'emprunt ?

La première chambre civile répond que l'article 815-13 du code civil, qui ne vise que les dépenses d’amélioration et de conservation, ne s'applique pas aux dépenses d'acquisition de sorte que l'époux sépade biens qui finance, par un apport de ses deniers personnels, la part de son conjoint dans l’acquisition d’un bien indivis peut invoquer, le cas échéant, à son encontre, une créance évaluable selon les règles auxquelles renvoie l’article 1543 du code civil.

Enfin, cette cance, comme la première, n'est pas, en vertu de l'article 865 du code civil, exigible avant la clôture des opérations de partage. En effet, l'exception prévue par ce texte, qui concerne les créances de la succession relatives aux biens indivis entre les héritiers, ne s'applique pas, puisque la succession ne comporte que les droits indivis de l'épouse sur le bien litigieux, et non ceux de l’époux à l’origine de la créance.

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