N°1 - Décembre 2020 (Filiation)

Lettre de la première chambre civile

La personne transgenre homme devenu femme : père ou mère?

1re Civ., 16 septembre 2020, pourvoi n° 18-50.080, 19-11.251

L'affaire soumise à la première chambre civile concernait une personne transgenre homme  devenu femme, mariée à une femme, qui, ayant conserses organes reproductifs masculins, avait conçu un enfant avec son épouse.

L'intéressée, déjà père de deux enfants, nés avant son changement de sexe, souhaitait être reconnue comme mère puisqu'elle était une femme à l'état civil. Elle demandait donc la transcription, sur lacte de naissance de lenfant, de la reconnaissance de maternité qu'elle avait faite avant la naissance.

Cependant, la loi française ne permet pas, en l'état, l'établissement de deux filiations maternelles, sauf adoption. Lorsque la filiation est de nature « charnelle » ou « biologique » - ce qui était le cas ici - et que l'enfant a déjà une mère, il ne peut avoir comme second parent qu'un père.

En revanche, cette filiation, qui est à la fois biologique et vécue, doit pouvoir être établie par une reconnaissance de paternité. Il a donc été jugé que, si la reconnaissance de maternité ne pouvait être transcrite, le lien de filiation avec l'enfant pouvait être établi par une reconnaissance de paternité.

La première chambre civile a considéré que, dans ces conditions, le rejet de la demande ne portait pas une atteinte excessive ou disproportionnée au droit au respect de la vie privée de la requérante et à l'intérêt supérieur de l'enfant. En effet, d'une part, la filiation peut être établie à l'égard des deux parents, par l'adoption ou la reconnaissance de paternité, d'autre part, le mode d'établissement de cette filiation n'implique pas, en lui-même, une renonciation à l'identité de genre de son auteur.

La loi française ne permet pas non plus de désigner, dans les actes de l'état civil, le père ou la mère de l'enfant comme « parent biologique ». De surcroît, une telle mention, révélatrice en elle-même de la transidentité de l'intéressée, ne serait pas de nature à garantir le droit au respect de sa vie privée. En conséquence, l'arrêt attaqué, qui avait ordoncette mention à l'état civil, a été censuré.

On pourrait résumer ainsi cette décision : le juge, qui n'est pas législateur, ne peut créer un nouveau mode d'établissement de la filiation ni une nouvelle catégorie à l'état civil.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.