N°9 - Novembre 2023 (Sécurité sociale)

Lettre de la deuxième chambre civile

Une sélection commentée des décisions rendues par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation (Aide juridictionnelle / Appel civil / Procédure civile / Procédures civiles d'exécution / Sécurité sociale).

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Lettre de la deuxième chambre civile

N°9 - Novembre 2023 (Sécurité sociale)

Vers une simplification des règles de compétence dans le contentieux de la tarification

2e Civ., 28 septembre 2023, pourvoi n° 21-25.719, publié

Commentaire :

A la suite de la prise en charge par une caisse primaire d’assurance maladie d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, la caisse d’assurance retraite et de la santé au travail inscrit le sinistre sur le compte de l’employeur concerné et lui notifie annuellement, après avoir pris en considération l’ensemble des dépenses constituant la valeur du risque, le taux de la cotisation due au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles.

En application de l'article L. 143-1, 4°, devenu L. 142-2, 4°, et puis L. 142-1,7°du code de la sécurité sociale, la juridiction nationale de la tarification, anciennement la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance et des accidents du travail, aujourd’hui la cour d'appel d'Amiens, est compétente pour connaître de la contestation par l’employeur du taux de cotisation, du montant de la ristourne ou de la cotisation supplémentaire.

Parallèlement, la Cour de cassation admet que l'employeur puisse, avant même la notification de son taux de cotisation, contester l'imputation d'un sinistre professionnel à son compte accident du travail-maladie professionnelle, soit qu’il demande l'inscription de la dépense au compte spécial en application de l’article 2 de l'arrêté interministériel du 16 octobre 1995 modifié, pris pour l'application de l'article D. 242-6-5 du code de la sécurité sociale relatif à la tarification des risques d'accidents du travail et de maladies professionnelles, soit qu’il demande simplement le retrait de la dépense de son compte (2e  Civ., 1er décembre 2022, pourvoi n° 21-11.252, publié).

S’est alors posée la question de la juridiction compétente pour connaître de ces contestations.

La Cour de cassation jugeait que les litiges relatifs à l'inscription au compte spécial relevaient de la compétence des juridictions du contentieux général en l'absence de décision de la caisse d’assurance retraite et de la santé au travail, c'est-à-dire avant la notification de son taux de cotisation à l'employeur (2e Civ., 16 décembre 2011, pourvoi n° 10-26.886 ; 20 juin 2019, pourvoi n° 18-17.049 publié).  En revanche, lorsqu’en réponse à une demande de retrait du compte d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, la caisse prenait une décision de maintien, l’employeur devait la contester devant la juridiction nationale de la tarification (2e Civ., 22 janvier 2009, pourvoi n° 08-11.132, publié ; Avis de la Cour de cassation, 13 mars 2020, n° 19-70.021 publié).

Il en résultait un risque de divergences de jurisprudence entre les juridictions du contentieux de la sécurité sociale et la juridiction du contentieux de la tarification, source d’insécurité juridique, auquel la Cour de cassation a mis fin par l’arrêt commenté. Elle juge désormais que les demandes de l'employeur de retrait de son compte des dépenses afférentes à une maladie professionnelle ou d'inscription de ces dépenses au compte spécial, même formées avant notification de son taux de cotisation, relèvent de la seule compétence de la juridiction du contentieux de la tarification de l'assurance des accidents du travail et des maladies professionnelles.

Ce faisant, la Cour de cassation donne à la cour d’Amiens, spécialement désignée par l'article D. 311-12 du code de l'organisation judiciaire, pleine compétence en matière de tarification.

Constitutionnalité de l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale : pas de nouvelles circonstances de droit justifiant le renvoi de la QPC au Conseil constitutionnel

2e Civ., 5 octobre 2023, pourvoi n° 23-14.520, publié  

Commentaire :

A l’occasion d’un pourvoi formé par un salarié victime d’un accident du travail sollicitant une indemnisation complémentaire en raison de la faute inexcusable de son employeur, la deuxième Chambre civile a été saisie d’une demande de renvoi au Conseil constitutionnel d’une question prioritaire ainsi rédigée : « L'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale est-il contraire au principe d’égalité devant la loi et les charges publiques énoncé aux articles 1er, 6 et 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ainsi qu’au principe de responsabilité, qui découle de son article 4 ? »

L’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale a déjà été déclaré conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif de la décision n° 2010-8 QPC rendue le 18 juin 2010 par le Conseil constitutionnel, qui a, cependant, émis la réserve suivante : « en présence d’une faute inexcusable de l’employeur, les dispositions de l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale ne sauraient toutefois, sans porter une atteinte disproportionnée au droit des victimes d’actes fautifs, faire obstacle à ce que ces mêmes personnes, devant les juridictions de sécurité sociale, puissent demander à l’employeur réparation de l’ensemble des dommages non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale ».

Selon les dispositions combinées du troisième alinéa de l’article 23-2 et du troisième alinéa de l’article 23-5 de l’ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958, modifiée, le Conseil constitutionnel ne peut être saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité relative à une disposition qui a déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une de ses décisions, sauf changement de circonstances. 

L’auteur de cette QPC invoquait un changement de circonstances en se fondant essentiellement sur les arrêts rendus en Assemblée Plénière le 20 janvier 2023 par la Cour de cassation (Ass. Plén., 20 janvier 2023, pourvois n° 20-23.673 et 21-23.947, publiés).

Par les arrêts précités, la Cour de cassation a modifié sa jurisprudence antérieure et décide, désormais, que la rente versée à la victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle ne répare pas le déficit fonctionnel permanent, et que, dès lors, la victime d'une faute inexcusable de l’employeur peut obtenir une réparation distincte du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées.

La deuxième chambre civile a retenu que cette modification, considérée par la majorité de la doctrine comme plus favorable aux victimes, respectait l’objectif fixé par le Conseil constitutionnel dans sa réserve, et qu’elle ne constituait pas, en conséquence, un changement de circonstances de droit susceptible de modifier l’appréciation de la conformité de cette disposition à la Constitution.

En l'absence de changement des circonstances qui justifierait un nouvel examen, elle a dit n’y avoir lieu à renvoyer la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel.

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