N°8 - Juillet 2023 (Sécurité sociale - Cotisations)

Lettre de la deuxième chambre civile

Une sélection commentée des décisions rendues par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation (Accidents de la circulation / Appel civil / Experts judiciaires / Sécurité sociale).

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Lettre de la deuxième chambre civile

N°8 - Juillet 2023 (Sécurité sociale - Cotisations)

Précisions sur la notion d’activité concurrentielle exercée par une personne morale de droit public, entraînant son assujettissement à la contribution sociale de solidarité des sociétés

2e Civ., 26 janvier 2023, pourvoi n° 21-13.577, publié au Bulletin

2e Civ., 26 janvier 2023, pourvoi n° 21-13.578

2e Civ., 16 mars 2023, pourvoi n° 21-13.947, publié au Bulletin

2e Civ., 16 mars 2023, pourvoi n° 21-13.948

2e Civ., 11 mai 2023, pourvoi n° 21-17.007, publié au Bulletin

 

Commentaire :

Depuis la loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007 de financement de la sécurité sociale pour 2008, l’article L. 651-1, 4°, du code de la sécurité sociale (transféré à l’article L. 137-30 par l’ordonnance n° 2018-470 du 12 juin 2018) prévoit que sont assujetties à la contribution sociale de solidarité des sociétés les « personnes morales de droit public dans les limites de leur activité concurrentielle ». La loi ne pose pas de définition de l’activité concurrentielle au sens de ce texte.

Si, jusqu’à présent, la Cour de cassation n’avait pas non plus défini cette notion, un pouvoir souverain d’appréciation étant reconnu sur ce point aux juges du fond (2e Civ., 29 novembre 2018, pourvoi n° 17-27.681 et n° 17-27.682 ; 2e Civ., 10 octobre 2019, pourvoi n° 18-20.760, publié ; 2e Civ., 17 février 2022, pourvoi n° 20-17.704), la deuxième chambre civile a précisé sa jurisprudence dans deux arrêts, rendus le 26 janvier 2023, relatifs à l’assujettissement à la contribution d’un établissement public foncier de l’Etat.

Elle énonce ainsi que « constitue une activité concurrentielle exercée par une personne morale de droit public, au sens de ce texte, (...) toute activité économique consistant à offrir des biens ou des services sur un marché donné, sur lequel d'autres opérateurs interviennent ou, au regard des conditions concrètes de l'exploitation de cette activité, ont la possibilité réelle et non purement hypothétique d'entrer ».

L’inspiration de cette définition a été puisée dans la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne relative au champ d’application du droit de la concurrence, en particulier en matière d’aides accordées par les États dont la prohibition de principe est prévue par l’article 107 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (ex-article 87 TCE). Dans le contexte du droit de la concurrence, la Cour de justice a, d’une part, défini la notion d’« entreprise » comme comprenant toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement. D’autre part, elle a jugé que constitue une « activité économique » toute activité consistant à offrir des biens ou des services sur un marché donné (voir notamment arrêt du 27 juin 2017, Congregación de Escuelas Pías Provincial Betania, C-74/16, pts 41 et 45).

La Cour de justice a également dit pour droit, en matière d’assujettissement à la TVA des organismes de droit public agissant en tant qu’autorités publiques, que les distorsions de concurrence devaient être évaluées « par rapport non seulement à la concurrence actuelle, mais également à la concurrence potentielle, pour autant que la possibilité pour un opérateur privé d’entrer sur le marché pertinent soit réelle, et non purement hypothétique » (CJCE, grande chambre, arrêt du 16 septembre 2008, Isle of Wight Council e.a., C-288/07, points 53 et 65). « Est ainsi envisagé le cas où lesdits organismes exercent des activités qui peuvent l’être aussi, concurremment, par des opérateurs économiques privés. L’objectif est de garantir que ces derniers ne soient pas désavantagés du fait qu’ils sont taxés alors que ces mêmes organismes ne le sont pas » (arrêt du 25 mars 2010, Commission/Pays-Bas, C-79/09, point 90 ; arrêt du 19 janvier 2017, National Roads Authority, C-344/15, point 39).

La Cour de cassation exclut toutefois, du champ de la notion d’activité concurrentielle, « l'activité se rattachant par sa nature, son objet et les règles auxquelles elle est soumise, à l'exercice de prérogatives de puissance publique ». Elle s’inscrit à cet égard dans la droite ligne des arrêts rendus par la Cour de justice de l’Union européenne (arrêts des 19 janvier 1994, Eurocontrôl, C-364/92, pt 30 ; 18 mars 1997, Cali & Figli c/ Servizi Ecologici Porto di Genova, C-343/95, points 22 et 23 ; 24 mars 2022 , GVN / Commission, C-666/20, point 70). Sont également exclues du champ d’assujettissement à la contribution les activités « répondant à des fonctions de caractère exclusivement social et à des exigences de solidarité nationale », qui sont dépourvues de caractère économique conformément à la jurisprudence constante de la Cour de Luxembourg (arrêt du 17 février 1993, Poucet et Pistre, C-159/91 et C-160/91, points 18 et 19 ; arrêt du 11 juin 2020, Commission et République slovaque/Dôvera zdravotná poist’ovňa, C-262/18 et C-271/18, points 30 et suivants).

Au regard de la définition ainsi posée de la notion d’activité concurrentielle au sens de l’article L. 651-1, 4°, du code de la sécurité sociale, la Cour de cassation censure les juridictions du fond qui n’ont pas recherché si l’établissement public foncier exerçait une activité économique dans des conditions excluant toute concurrence actuelle ou potentielle d'autres opérateurs. Elle précise ainsi que l’absence de rentabilité de cette activité, comme le fait que l’établissement se soit vu confier certaines missions d’intérêt général, ne sont pas de nature à exclure le caractère concurrentiel de l’activité économique. Est en revanche approuvée, à l’issue d’un contrôle léger de la qualification, la décision des juges du fond ayant considéré qu’une régie des eaux, chargée de la collecte de la redevance d’assainissement dans le cadre de son activité de traitement et de distribution d'eau, exerce une activité susceptible d’être confiée à des opérateurs publics ou privés et doit donc être soumise à la contribution.

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