N°7 - Mai 2023 (Sécurité sociale - Tarification)

Lettre de la deuxième chambre civile

Une sélection commentée des décisions rendues par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation (Accidents de la circulation / Appel civil / Assurances / Honoraires d'avocat / Indemnisation des préjudices / procédure civile / procédures civiles d'exécution / Sécurité sociale / Surendettement).

  • Contrat
  • Economie
  • Procédure civile
  • accident de la circulation
  • appel civil
  • droit des assurances
  • honoraires d'avocat
  • indemnisation des victimes d'attentat terroriste
  • indemnisation des victimes d'infraction
  • procédure civile
  • procédures civiles d'exécution
  • sécurité sociale
  • surendettement des particuliers et des familles

Lettre de la deuxième chambre civile

N°7 - Mai 2023 (Sécurité sociale - Tarification)

La caisse d’assurance retraite et de la santé au travail qui a inscrit les dépenses afférentes à une maladie professionnelle au compte d’un employeur, doit rapporter la preuve de l’exposition de la victime au risque de la maladie chez cet employeur

2ème Civ, 1er décembre 2022, pourvoi n° 2111252, publié au bulletin

Sommaire :

Sans préjudice d'une demande d'inscription au compte spécial, l'employeur peut solliciter le retrait de son compte des dépenses afférentes à une maladie professionnelle lorsque la victime n'a pas été exposée au risque à son service. En cas de contestation devant la juridiction de la tarification, il appartient à la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail qui a inscrit les dépenses au compte de cet employeur, de rapporter la preuve que la victime a été exposée au risque chez celui-ci.

 

2e Civ, 1er décembre 2022, pourvoi n° 2022760, publié au bulletin

Sommaire:

Lorsque l'employeur demande l'inscription au compte spécial des dépenses afférentes à une maladie professionnelle, en application de l'article 2, 3° de l'arrêté interministériel du 16 octobre 1995, il appartient à la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail, qui a inscrit ces dépenses au compte de cet employeur, de rapporter la preuve que la victime a été exposée au risque de la maladie dans l'un de ses établissements. Dans le cas où cette preuve n'a pas été rapportée, il incombe à l'employeur de prouver que la maladie a été contractée soit dans une autre entreprise qui a disparu, soit dans un établissement relevant d'une autre entreprise qui a disparu ou qui ne relevait pas du régime général de sécurité sociale.

 

Commentaire :

Par deux arrêts rendus le 17 mars 2022 (2e Civ., 17 mars 2022, pourvoi n°20-19.294, publié et pourvoi n° 20-19.293), la deuxième chambre civile a rappelé que le défaut d'imputabilité à l'employeur de la maladie professionnelle qui n'a pas été contractée à son service n'est pas sanctionné par l'inopposabilité de la décision de prise en charge mais que, toutefois, l'employeur peut contester cette imputabilité si sa faute inexcusable est recherchée ou si les conséquences financières de la maladie sont inscrites à son compte accidents du travail et maladies professionnelles.

Tirant les conséquences de ces décisions, le premier arrêt commenté apporte des précisions sur les modalités de la contestation par l'employeur, dans le contentieux de la tarification, de l'imputation à son compte des conséquences financières d'une maladie professionnelle qui n'a pas été contractée à son service et répond, plus particulièrement, à la question de savoir à qui incombe la charge de la preuve de l'exposition au risque du salarié victime chez cet employeur.   

Pour la détermination du taux de la cotisation due par l’employeur au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles, l’article D. 242-6-4 du code de la sécurité sociale prévoit que l’ensemble des dépenses constituant la valeur du risque est pris en compte par les caisses d’assurance retraite et de la santé au travail dès que ces dépenses leur ont été communiquées par les caisses primaires, sans préjudice de l’application des décisions de justice ultérieures et que seules sont prises en compte dans la valeur du risque les dépenses liées aux accidents et aux maladies dont le caractère professionnel a été reconnu.

S’agissant des maladies professionnelles, l’imputation des dépenses à un employeur déterminé peut s’avérer difficile, en raison du plus ou moins long délai d’apparition de la maladie, particulièrement lorsque le salarié est susceptible d’avoir été exposé au risque chez plusieurs employeurs différents.

Pour répondre à ces situations de pluri-expositions, l’article D. 242-6-5, alinéa 3, du code de la sécurité sociale prévoit que les dépenses engagées par les caisses d'assurance maladie, par suite de la prise en charge de maladies professionnelles constatées ou contractées dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale et du ministre chargé du budget, ne sont pas comprises dans la valeur du risque propre d'un établissement, mais inscrites à un compte spécial.

L’article D.242-6-7, alinéa 4, du même code ajoute que les maladies professionnelles constatées ou contractées dans des conditions fixées par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale et du ministre chargé du budget ne sont pas imputées au compte de l’employeur mais sont inscrites à un compte spécial.

L’article 2, 4° de l'arrêté interministériel du 16 octobre 1995, modifié, pris pour l'application de ces textes, précise que sont inscrites au compte spécial,  les dépenses afférentes à une maladie professionnelle lorsque «la victime de la maladie professionnelle a été exposée au risque successivement dans plusieurs établissements d'entreprises différentes sans qu'il soit possible de déterminer celle dans laquelle l'exposition au risque a provoqué la maladie. »

De l'application de ces textes, la Cour de cassation a déduit une présomption d'imputabilité de la maladie au dernier employeur exposant. Elle a jugé que la maladie doit être considérée comme contractée au service du dernier employeur chez lequel la victime a été exposée au risque, avant sa constatation médicale, sauf à cet employeur à rapporter la preuve contraire (2e Civ., 22 novembre 2005, pourvoi n° 04-11.447, Bull. 2005, II, n° 302 ; 2e Civ., 21 octobre 2010, n° 09-67.494, Bull. 2010, II, n° 175).

Sans remettre en cause cette présomption, le premier arrêt commenté rappelle qu’il appartient à l'employeur qui demande l'inscription au compte spécial des dépenses afférentes à une maladie professionnelle en application de l'article 2, 4° de l'arrêté du 16 octobre 1995, modifié, de rapporter la preuve que l'affection déclarée par la victime est imputable aux conditions de travail au sein des établissements des entreprises différentes qui l'ont employée, sans qu'il soit possible de déterminer celle dans laquelle l'exposition au risque a provoqué la maladie.

Mais, il ouvre, par ailleurs, à l’employeur la possibilité de demander le retrait de son compte des dépenses afférentes à une maladie professionnelle lorsque la victime n’a pas été exposée au risque à son service, indépendamment d’une demande d’inscription au compte spécial, et précise, conformément aux règles du droit commun de la preuve en matière d’obligation,  qu’en cas de contestation devant la juridiction de la tarification, c’est à la caisse d’assurance retraite et de la santé au travail qui a inscrit les dépenses au compte de cet employeur, de rapporter la preuve que la victime a été exposée au risque chez celui-ci.  

Le second arrêt commenté tire les conséquences de cette jurisprudence lorsque l'employeur, au compte duquel les dépenses afférentes à une maladie professionnelle ont été inscrites, demande, en application de l'article 2, 3° de l'arrêté du 16 juillet 1995, modifié, l'imputation de celles-ci au compte spécial.

Cette disposition prévoit, en effet, que sont inscrites au compte spécial les dépenses afférentes à la maladie professionnelle qui a été constatée dans un établissement dont l'activité n'expose pas au risque, mais qui a été contractée dans une autre entreprise ou dans un établissement relevant d'une autre entreprise qui a disparu ou qui ne relevait pas du régime général de la sécurité sociale.

La preuve doit alors être rapportée en deux temps.  L'employeur contestant que la victime ait été exposée au risque à son service, c'est à la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail qui a inscrit les dépenses à son compte de rapporter la preuve, toujours en application des règles du droit commun de la preuve en matière d'obligation, que la victime a été exposée au risque chez lui. Si la caisse échoue à faire cette démonstration, la preuve que la maladie professionnelle a été contractée dans une autre entreprise ou dans un établissement relevant d'une autre entreprise qui a disparu ou qui ne relevait pas du régime général de la sécurité sociale, incombe à l'employeur.

Il convient, cependant, de noter que les demandes d'inscription au compte spécial en application de l'article 2, 3° de l'arrêté précité, déjà peu fréquentes, devraient disparaître du fait de l'ouverture à l'employeur de la possibilité de demander le retrait de son compte des dépenses afférentes à une maladie professionnelle lorsque la victime n'a pas été exposée à son service, indépendamment d'une demande d'inscription au compte spécial.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.