N°7 - Mai 2023 (Sécurité sociale - Cotisations)

Lettre de la deuxième chambre civile

Une sélection commentée des décisions rendues par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation (Accidents de la circulation / Appel civil / Assurances / Honoraires d'avocat / Indemnisation des préjudices / procédure civile / procédures civiles d'exécution / Sécurité sociale / Surendettement).

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Lettre de la deuxième chambre civile

N°7 - Mai 2023 (Sécurité sociale - Cotisations)

Mise en œuvre de la procédure d’abus de droit par les organismes de recouvrement

2e Civ., 16 février 2023, pourvoi n° 21-12.005, 21-11.600, publié au Bulletin

2e Civ., 16 février 2023, pourvoi n° 21-17.207, publié au Bulletin

2e Civ., 16 février 2023, pourvoi n° 21-18.322, publié au Bulletin

Sommaires :

Aux termes de l'article L. 243-7-2 du code de la sécurité sociale, afin d'en restituer le véritable caractère, les organismes mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-1 sont en droit d'écarter, comme ne leur étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes aient un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'aient pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les contributions et cotisations sociales d'origine légale ou conventionnelle auxquelles le cotisant est tenu au titre de la législation sociale ou que le cotisant, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées, eu égard à sa situation ou à ses activités réelles.

Lorsque l'organisme de sécurité sociale écarte un acte juridique dans les conditions ci-dessus, il se place nécessairement sur le terrain de l'abus de droit.

Il en résulte qu'il doit se conformer à la procédure prévue par le texte précité et les articles R. 243-60-1 et R. 243-60-3 du code de la sécurité sociale et qu'à défaut de ce faire, les opérations de contrôle et de recouvrement sont entachées de nullité.

 

1ère espèce :

Faute de s'être soumis à cette procédure, l'organisme ne peut se prévaloir du défaut de constitution du comité des abus de droit.

La méconnaissance par l'organisme de la procédure prévue à l'article L. 243-7-2 du code de la sécurité sociale n'emporte la nullité que du seul chef de redressement opéré sur le fondement de l'abus de droit.

 

2ème espèce :

Des constatations et appréciations relevant de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve débattus devant elle, la cour d'appel a pu déduire, peu important que l'URSSAF n'ait pas appliqué la pénalité égale à 20 % prévue en cas d'abus de droit, et alors que le comité des abus de droit était constitué à la date du contrôle, que l'organisme de recouvrement s'était implicitement placé sur le terrain de l'abus de droit et que la procédure de redressement était irrégulière.

 

3ème espèce :

En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que l'organisme de recouvrement avait écarté la convention litigieuse au motif qu'elle avait pour seul objet d'éluder le paiement des cotisations sociales, ce dont il résultait qu'il s'était implicitement placé sur le terrain de l'abus de droit pour opérer le redressement, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés.

 

Commentaire :

Aux termes de l’article L. 243-7-2 du code de la sécurité sociale, afin d’en restituer le véritable caractère, les organismes mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-1 sont en droit d’écarter, comme ne leur étant pas opposables, les actes constitutifs d’un abus de droit, soit que ces actes aient un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d’une application littérale des textes à l’encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n’aient pu être inspirés par aucun autre motif que celui d’éluder ou d’atténuer les contributions et cotisations sociales d’origine légale ou conventionnelle auxquelles le cotisant est tenu au titre de la législation sociale ou que le cotisant, s’il n’avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées, eu égard à sa situation ou à ses activités réelles.

En cas de désaccord sur les redressements notifiés sur le fondement de l’abus de droit, le litige est soumis, à la demande du cotisant, à l’avis du comité des abus de droit. L’abus de droit entraîne l’application d’une pénalité de 20% des cotisations et contributions dues. La décision de mettre en œuvre la procédure d’abus de droit est prise par le directeur de l’organisme chargé du recouvrement qui contresigne à cet effet la lettre d’observations, laquelle mentionne la possibilité pour la personne contrôlée de saisir le comité des abus de droit et les délais impartis pour ce faire (articles R. 243-60-1 et R. 243-60-3 du code de la sécurité sociale).

La procédure d’abus de droit en matière de sécurité sociale (lois n° 2007-1786 du 19 décembre 2007 de financement de la sécurité sociale pour 2008 et n° 2009-526 du 12 mai 2009) est calquée sur celle existant en matière fiscale (article L. 64 du Livre des procédures fiscales).

La deuxième chambre civile n’avait rendu qu’un seul arrêt, jugeant que la divergence d’appréciation sur les règles d’assiette des cotisations n’est pas au nombre des contestations susceptibles de donner lieu à la procédure d’abus de droit prévue par l’article L. 243-7-2 du code de la sécurité sociale, dans un cas de réintégration par l’organisme de recouvrement dans l’assiette des cotisations d’indemnités forfaitaires de repas versées à des salariés intérimaires, au motif qu’ils n’étaient pas en situation de déplacement ( Civ 2ème, 12 octobre 2017, n°16-21.469).

Précisant sa jurisprudence dans trois arrêts rendus le 16 février 2023, la chambre décide que lorsque l’organisme de sécurité sociale écarte un acte juridique dans les conditions prévues par l’article L. 243-7-2 du code de la sécurité sociale, il se place nécessairement sur le terrain de l'abus de droit et qu’il en résulte qu’il doit se conformer à la procédure prévue par les textes susvisés et qu’à défaut de ce faire, les opérations de contrôle et de recouvrement sont entachées de nullité.

Est ainsi sanctionné l’abus de droit implicite, peu important que l’organisme de recouvrement n’ait pas fait application de la pénalité de 20% et sans qu’il puisse se prévaloir du défaut de constitution du comité des abus de droit, dont les membres ne sont plus désignés depuis le 12 janvier 2015.

L’organisme de recouvrement, qui s’est délibérément soustrait à la procédure d’abus de droit et n’en a respecté aucune des règles de mise en œuvre (absence de contreseing par son directeur de la lettre d’observations et absence de mention dans ce document de la possibilité de saisir le comité des abus de droit et des délais impartis au cotisant pour ce faire), ne saurait, en effet, arguer de l’impossibilité de saisir ce comité pour échapper aux conséquences de l’irrégularité de la procédure de redressement.

La chambre précise, enfin, que la méconnaissance par l'organisme de la procédure d’abus de droit n'emporte la nullité que du seul chef de redressement opéré sur ce fondement de l'abus de droit et non de l’intégralité des chefs de redressement.

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