N°7 - Mai 2023 (Procédures civiles d'exécution - Saisie immobilière)

Lettre de la deuxième chambre civile

Une sélection commentée des décisions rendues par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation (Accidents de la circulation / Appel civil / Assurances / Honoraires d'avocat / Indemnisation des préjudices / procédure civile / procédures civiles d'exécution / Sécurité sociale / Surendettement).

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Lettre de la deuxième chambre civile

N°7 - Mai 2023 (Procédures civiles d'exécution - Saisie immobilière)

Le juge de l’exécution est tenu, sous certaines conditions, d’examiner d’office le caractère abusif d’une clause même en présence d’une décision revêtue de l’autorité de la chose jugée

2e Civ., 13 avril 2023, n°21-14.540, publié au Bulletin

Sommaire :

Par un arrêt du 26 janvier 2017, la Cour de justice de l'Union européenne a notamment dit pour droit :

- que la directive 93/13 CEE du Conseil du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs doit être interprétée en ce sens qu'elle ne s'oppose pas à une règle nationale qui interdit au juge national de réexaminer d'office le caractère abusif des clauses d'un contrat, lorsqu'il a déjà été statué sur la légalité de l'ensemble des clauses de ce contrat au regard de cette directive par une décision revêtue de l'autorité de la chose jugée,

- qu'en revanche, en présence d'une ou de plusieurs clauses contractuelles dont le caractère éventuellement abusif n'a pas été examiné lors d'un précédent contrôle juridictionnel du contrat litigieux clôturé par une décision revêtue de l'autorité de la chose jugée, la directive 93/13 doit être interprétée en ce sens que le juge national, régulièrement saisi par le consommateur par voie d'opposition incidente, est tenu d'apprécier, sur demande des parties ou d'office dès lors qu'il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet, le caractère éventuellement abusif de celles-ci.

Il en résulte que lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à la créance, le juge de l'exécution est tenu, même en présence d'une décision revêtue de l'autorité de la chose jugée sur le montant de la créance, d'examiner d'office si les clauses insérées dans le contrat conclu entre le professionnel et le non-professionnel ou consommateur ne revêtent pas un caractère abusif, pour autant qu'il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet, sauf s'il ressort de l'ensemble de la décision revêtue de l'autorité de la chose jugée qu'il a été procédé à cet examen.

 

Commentaire :

La question posée à la Cour de cassation, dans ce pourvoi, était celle de savoir si, au regard de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, le juge de l’exécution, saisi d’une contestation relative à la créance, est tenu d’examiner le caractère abusif d’une clause insérée dans un contrat entre un professionnel et un consommateur quand bien même il a été statué sur cette créance par une décision d’un juge du fond, revêtue de l’autorité de la chose jugée.

On sait qu’en raison de la primauté du droit de l’Union européenne, un juge national doit avoir le pouvoir d’écarter, de sa propre autorité, toute norme nationale contraire au droit de l’Union dans le cadre d’un litige dont il est saisi. Cette obligation résulte du principe de primauté dont l’objet est de garantir l’effectivité du droit de l’Union européenne. Depuis l’arrêt Simmenthal (CJCE 9 mars 1978, n° 106/77), la garantie de l’effectivité de la règle du droit de l’Union relève directement de l’intervention du juge national, qui est juge du droit de l’Union européenne.

Le conflit de normes soumis à la Cour de cassation, dans l’affaire ayant fait l’objet de l’arrêt commenté, résultait ici notamment d’un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 26 janvier 2017 (CJUE, 26 janvier 2017, Banco Primus, C-421/14), par lequel elle a dit pour droit :

- que la directive 93/13 doit être interprétée en ce sens qu’elle ne s’oppose pas à une règle nationale qui interdit au juge national de réexaminer d’office le caractère abusif des clauses d’un contrat, lorsqu’il a déjà été statué sur la légalité de l’ensemble des clauses de ce contrat au regard de cette directive par une décision revêtue de l’autorité de la chose jugée,

- qu’en revanche, en présence d’une ou de plusieurs clauses contractuelles dont le caractère éventuellement abusif n’a pas été examiné lors d’un précédent contrôle juridictionnel du contrat litigieux clôturé par une décision revêtue de l’autorité de la chose jugée, la directive 93/13 doit être interprétée en ce sens que le juge national, régulièrement saisi par le consommateur par voie d’opposition incidente, est tenu d’apprécier, sur demande des parties ou d’office, dès lors qu’il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet, le caractère éventuellement abusif de celles-ci. 

Au vu de ces principes, la Cour de cassation a jugé que lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à la créance dont le recouvrement est poursuivi sur le fondement d'un titre exécutoire relatif à un contrat, le juge de l'exécution est tenu, même en présence d'une précédente décision revêtue de l'autorité de la chose jugée sur le montant de la créance, sauf lorsqu'il ressort de l'ensemble de la décision revêtue de l'autorité de la chose jugée que le juge s'est livré à cet examen, et pour autant qu'il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet, d'examiner d'office si les clauses insérées dans le contrat conclu entre le professionnel et le non-professionnel ou consommateur ne revêtent pas un caractère abusif.

Elle redéfinit ainsi l’office du juge de l’exécution qui doit examiner d’office le caractère abusif d’une clause dès lors qu’il ressort de la décision revêtue de l’autorité de la chose jugée, fondement de la mesure d’exécution, que le juge du fond ne s’est pas livré à cet examen. Il convient toutefois de préciser que ce nouvel office du juge de l’exécution s’inscrit dans les termes du litige lui-même. Il faut, en effet, que le juge dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet. Pour le dire autrement, le contrôle du caractère abusif de la clause doit s’opérer d’office dès lors que le juge de l’exécution dispose des éléments permettant de le réaliser.

Dans l’affaire qui lui était soumise, la Cour de cassation a censuré l’arrêt, les juges du fond n’ayant pas examiné d’office le caractère abusif des clauses d’un prêt libellé en devises étrangères. A cet égard, elle s’est également inscrite dans le sillage d’un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation (1re Civ., 20 avril 2022, pourvoi n° 19-11.600).

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