N°7 - Mai 2023 (Assurances)

Lettre de la deuxième chambre civile

Une sélection commentée des décisions rendues par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation (Accidents de la circulation / Appel civil / Assurances / Honoraires d'avocat / Indemnisation des préjudices / procédure civile / procédures civiles d'exécution / Sécurité sociale / Surendettement).

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Lettre de la deuxième chambre civile

N°7 - Mai 2023 (Assurances)

Assurance vie : l’obligation d’informer sur ce que le contrat ne prévoit pas

2e Civ., 15 décembre 2022, pourvoi n°21-15.980, publié au Bulletin

Sommaire :

L'article A. 132-4 du code des assurances, qui contient le modèle de la note d'information sur les dispositions essentielles du contrat d'assurance sur la vie, prévue à l'article L.132-5-1 du code des assurances dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2005-1564 du 15 décembre 2005, prévoit que celle-ci mentionne les frais et indemnités de rachat prélevés par l’entreprise d’assurance,  le taux d'intérêt garanti et la durée de cette garantie, l’indication des garanties de fidélité, des valeurs de réduction et des valeurs de rachat, ainsi que les modalités de calcul et d’attribution de la participation aux bénéfices.

Il s'ensuit que, lorsque le contrat ne prévoit pas de taux d'intérêt garanti, de garanties de fidélité, de valeurs de réduction, de valeurs de rachat, de frais ou d’indemnité en cas de rachat et de participation aux bénéfices, il incombe à l'assureur de le mentionner dans la note d'information qu'il adresse à l'assuré, ces informations étant essentielles pour permettre à celui-ci d'apprécier la compétitivité de ce placement, ainsi que les risques inhérents à l'investissement envisagé, par suite, la portée de son engagement.

 

Commentaire :

En matière d’assurances sur la vie et d’opérations de capitalisation, depuis la loi n°2005-1564 du 15 décembre 2005, l’assureur peut établir une proposition de contrat valant note d'information dès lors qu’y figure un « encadré » contenant les informations limitativement prévues à l’article A. 132-8 du code des assurances.

Avant cette loi, l'article L. 132-5-1, alinéa 2 du code des assurances prévoyait que l'entreprise d'assurance ou de capitalisation devait remettre, contre récépissé, une note d'information sur les dispositions essentielles du contrat et que le défaut de remise de cette dernière entraînait de plein droit la prorogation du délai octroyé à l’assuré pour renoncer au contrat.

L’article A.132-4 du code des assurances, pris pour l’application de ce dernier texte, indique que la note d'information « contient les informations prévues par le modèle ci-annexé ». Cette annexe prévoit, au titre des caractéristiques du contrat, que, dans les contrats en cas de vie ou de capitalisation, des précisions complémentaires doivent être données sur les frais et indemnités de rachat prélevés par l'entreprise d'assurance et, dans une partie consacrée au rendement minimum garanti et à la participation, que doivent être communiqués des renseignements relatifs au taux d’intérêt garanti, aux garanties de fidélité, valeurs de réduction et de rachat, ainsi qu’aux modalités de calcul et d'attribution de la participation aux bénéfices.

La question s’est posée de savoir si, lorsque le contrat ne prévoit pas les éléments précités (taux garanti, participation aux bénéfices, frais ou indemnités en cas de rachat...), la note d’information devait le préciser. Pouvait-il suffire que la note d’information n’en dise rien ?  Cela était-il de nature à éclairer suffisamment l’assuré sur le fait que son contrat ne comporterait pas les frais ou avantages précités ?

Dans un arrêt du 11 mars 2021 (2e Civ., 11 mars 2021, pourvoi n° 19-12.376, publié), la deuxième chambre civile avait jugé que, lorsque le contrat ne comporte pas de taux d'intérêt garanti, de garanties de fidélité, de valeurs de réduction et de rachat, cette circonstance devait être mentionnée dans la note d’information, car ces informations sont essentielles pour permettre à l’assuré d'apprécier la compétitivité du placement proposé, ainsi que les risques inhérents à l'investissement envisagé, et, partant, la portée de son engagement.

Dans l’arrêt commenté, elle applique la même solution à un contrat qui ne comportait ni frais ou indemnité en cas de rachat, ni participation aux bénéfices, ce que la note d’information aurait dû, là encore, préciser d’une façon expresse.

L’assureur n’est pas tenu de faire figurer au contrat d’assurance les dispositions de l’article 2243 du code civil

2e civ, 9 février 2023, n°21.19-498, publié au Bulletin

Sommaire :

Il résulte de l'article R. 112-1 du code des assurances que l'assureur doit rappeler dans le contrat d'assurance, sous peine d'inopposabilité à l'assuré du délai de prescription biennale édicté par l'article L. 114-1, les différentes causes d'interruption de prescription mentionnées à l'article L. 114-2 et le point de départ de la prescription.

Il n'est pas tenu de préciser qu'en application de l'article 2243 du code civil, l'interruption de la prescription est non avenue si le demandeur se désiste de sa demande, laisse périmer l'instance ou si sa demande est définitivement rejetée.

 

Commentaire :

L’article R. 112-1 du code des assurances impose aux assureurs de faire figurer, dans les contrats d’assurance relevant des branches 1 à 17 de l’article R. 321-1 du code des assurances, « la prescription des actions dérivant du contrat d’assurance ».

La Cour de cassation, après avoir, dans un premier temps, décidé qu’en l’absence de sanction édictée par ce texte, le non-respect de cette obligation ne pouvait faire obstacle à la prescription, a affirmé la solution contraire : « aux termes de l’article R. 112-1 du code des assurances, les polices d'assurance doivent rappeler les dispositions de la loi concernant la prescription des actions dérivant du contrat d’assurance. L’inobservation de ces dispositions est sanctionnée par l’inopposabilité à l’assuré du délai de prescription édicté par l’article L. 114-1 du même code » (2e Civ., pourvoi n°03-11.871, Bull. II, n° 141).

Selon la jurisprudence, l’assureur est ainsi tenu de mentionner dans les contrats d’assurance non seulement les causes d’interruption spécifiques de la prescription biennale prévues à l'article L. 114-2 du code des assurances, mais également les causes d'interruption du droit commun et les différents points de départ du délai de prescription. Il incombe à l'assureur de prouver qu'il a satisfait à ces exigences. A défaut, il ne peut opposer la prescription biennale à son assuré.

En outre, la deuxième chambre civile a récemment jugé, par un arrêt publié du 24 novembre 2022, que l'assureur qui, n'ayant pas respecté les dispositions de l'article R. 112-1 du code des assurances, ne peut pas opposer la prescription biennale à son assuré, ne peut pas prétendre à l'application de la prescription de droit commun (2e Civ., 24 novembre 2022, pourvoi n° 21-17.327, publié), comme la troisième chambre civile l’avait déjà affirmé (3e Civ., 21 mars 2019, pourvoi n°17-28.021).

En l’espèce, un assuré demandait d’étendre l’obligation d’information pesant sur l’assureur, en imposant à celui-ci de mentionner dans le contrat les dispositions de l’article 2243 du code civil, selon lequel l'interruption de prescription est non avenue si le demandeur se désiste de sa demande, laisse périmer l'instance ou si sa demande est définitivement rejetée.

La deuxième chambre civile répond par la négative : l’assureur n’est pas tenu de mentionner au contrat les dispositions de ce texte.

La clause d'exclusion de garantie des pertes d'exploitation dans certains contrats d'assurance, à l'épreuve de la pandémie

2e Civ., 19 janvier 2023, pourvois n° 21-21.516 et 21-23.189, publiés au Bulletin et au Rapport

Sommaire :

Une clause d'exclusion n'est pas formelle au sens de l'article L. 113-1 du code des assurances lorsqu'elle ne se réfère pas à des critères précis et nécessite interprétation.

S'agissant d'un contrat prévoyant la garantie des pertes d'exploitation en cas de fermeture administrative consécutive à certaines causes qu'il énumère, dont l'épidémie, est formelle la clause qui exclut ces pertes d'exploitation de la garantie, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelles que soient sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique.

Une clause d'exclusion n'est pas limitée au sens de l'article L. 113-1 du code des assurances lorsqu'elle vide la garantie de sa substance en ce qu'après son application elle ne laisse subsister qu'une garantie dérisoire.

N'a pas pour effet de vider la garantie de sa substance la clause qui exclut de la garantie des pertes d'exploitation consécutives à la fermeture administrative de l'établissement assuré, pour plusieurs causes qu'elle énumère, dont l'épidémie, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelles que soient sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique à l'une de celles énumérées.

 

Commentaire :

À la suite des périodes récentes de confinement sanitaire, de nombreux litiges, ayant connu un certain écho médiatique, en raison plus particulièrement de leurs incidences économiques, se sont noués entre certains assureurs et, notamment, des professionnels de la restauration.

La Cour de cassation a ainsi été saisie d'un ensemble de pourvois concernant des restaurateurs ayant conclu avec la société Axa un contrat d'assurance « multirisque professionnelle » prévoyant la garantie des pertes d'exploitation résultant de la fermeture administrative de leur établissement en raison « d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication ». Ces pourvois émanaient de l'assureur et étaient formés contre des arrêts de la cour d'appel d'Aix-en-Provence l'ayant condamné, par des motifs similaires, à prendre en charge les pertes d'exploitation subies par ces commerçants lors des périodes de confinement instaurées en raison de l'épidémie de Covid-19.

Les assurés, qui s'étaient vu opposer par l'assureur une clause excluant de cette garantie « les pertes d'exploitation, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental que celui de l'établissement assuré, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique », avaient contesté avec succès la validité de cette exclusion.

Le pourvoi de l'assureur, ayant donné lieu à l'arrêt commenté, posait la question de la validité de cette clause au regard des dispositions de l'article L. 113-1 du code des assurances qui prévoient qu'une clause d'exclusion de garantie n'est valable que si elle est « formelle et limitée ».

Il convient tout d'abord de rappeler que pour l'application des dispositions légales en cause, la Cour de cassation, au fil de ses arrêts, a développé une jurisprudence dont on peut retenir :

- que le caractère formel d'une exclusion de garantie s'apprécie à l'aune de la perception que peut avoir l'assuré de l'étendue de l'assurance. La clause se trouve soumise à cet égard à une exigence de clarté, de précision et de certitude en tant qu'elle doit permettre à l'assuré d'identifier sans hésitation, et sans que la clause puisse donner lieu à interprétation, les cas dans lesquels il ne sera pas garanti ;

- que le caractère limité de l'exclusion exige que la clause ne puisse aboutir, selon l'expression consacrée, à « vider la garantie de sa substance ».

Répondant aux critiques adressées à l'arrêt attaqué, qui contestaient l'appréciation de la cour d'appel selon laquelle la clause en cause n'était ni formelle ni limitée, la Cour de cassation a jugé, par l'arrêt commenté, destiné à être publié au rapport annuel :

- s'agissant du caractère formel de la clause, que celle-ci était claire et dépourvue d'ambiguïté et ne nécessitait pas interprétation, dès lors que la circonstance particulière de réalisation du risque privant l'assuré du bénéfice de la garantie n'était pas l'épidémie, mais, bien différemment, la situation dans laquelle, à la date de la fermeture, un autre établissement du même département faisait l'objet d'une mesure de fermeture administrative pour une cause identique.

Aussi a-t-elle considéré, par voie de conséquence, que la question de savoir si la notion d'épidémie pouvait donner lieu à interprétation était sans incidence sur le caractère clair et précis de la clause puisqu'elle conduisait seulement à comparer les motifs de fermeture administrative figurant dans les décisions administratives de fermeture des établissements concernés.

- s'agissant du caractère limité de l'exclusion, que la clause ne vidait pas la garantie de sa substance, dès lors qu'après son application, demeuraient dans le champ de la garantie les pertes d'exploitation consécutives, non à une épidémie, mais à l'une des autres causes de fermeture administrative prévues au contrat ou survenues dans d'autres circonstances que celles stipulées à la clause d'exclusion.

Cet arrêt s'inscrit dans la lignée de quatre arrêts rendus le 1er décembre 2022, la Cour de cassation énonçant à cette occasion pour la première fois, du moins sous une formulation aussi nette, la règle selon laquelle une garantie se trouve vidée de sa substance par une clause d'exclusion lorsqu'après son application, il ne subsiste qu'une garantie dérisoire.

On indiquera, enfin, quand bien même cette observation relève de l'évidence, que la réponse apportée aux questions posées reste tributaire du contenu et du libellé des clauses en cause et ne vaut que dans ces strictes limites.

Assurance automobile : l’assureur du véhicule, parce qu’il garantit la responsabilité civile du passager, ne peut pas recourir contre lui

2e Civ., 30 mars 2023, pourvoi n° 21-17.466, publié au Bulletin

Sommaire :

Il résulte de l'article L. 211-1 du code des assurances qu'après avoir indemnisé la victime d'un accident de la circulation sur le fondement de la loi n°85-677 du 5 juillet 1985, en raison de l'implication du véhicule objet de l'assurance, l'assureur, tenu de garantir également la responsabilité civile des passagers de ce véhicule, ne peut exercer de recours subrogatoire contre ces derniers.

Dès lors, viole cet article la cour d'appel qui, pour condamner le passager d'un véhicule à garantir le conducteur de ce dernier et son assureur des sommes allouées à la victime d'un accident de la circulation, retient que ces derniers disposent d'un recours subrogatoire à raison de la faute personnelle qu'il a commise en étendant le bras en dehors de l'habitacle, fondé sur le droit de la responsabilité civile, alors que cet assureur, légalement tenu de garantir la responsabilité civile des passagers du véhicule, ne pouvait pas exercer de recours subrogatoire à l'encontre de ce passager qui était également son assuré.

 

Commentaire :

En application de l’article L. 211-1, alinéa 2, du code des assurances, l’assureur automobile qui garantit la responsabilité civile du conducteur doit également couvrir la responsabilité civile que sont susceptibles d’engager les passagers du véhicule, objet de l'assurance.

Par un arrêt ancien (2e Civ., 3 février 2005, pourvoi n° 04-10.342, publié), la Cour de cassation avait jugé que «la qualité de victime d'un accident de la circulation ne peut exonérer celle-ci de sa responsabilité encourue à l'égard d'autres victimes. Par suite, viole l'article 1382 du Code civil, une cour d'appel qui déboute une société d'assurances, ayant indemnisé les passagers d'un véhicule impliqué dans un accident de la circulation, de son action récursoire en contribution à la dette exercée contre un tiers, passager transporté, lui-même victime de l'accident, en invoquant sa faute personnelle» (sommaire).

Cependant, dans cette dernière affaire, la problématique de la garantie que l’assureur devait au passager fautif, à l’encontre duquel il exerçait son recours subrogatoire, n’avait pas été posée.

L’arrêt commenté vient, pour la première fois, préciser que l’assureur du véhicule objet de l’assurance ne peut pas exercer de recours subrogatoire à l’encontre du passager de ce véhicule, car ce dernier est également son assuré.

Cette solution se justifie par deux considérations.

En premier lieu, l’article L. 211-1, en son alinéa 3, n’octroie à l’assureur un recours subrogatoire qu’à l’encontre du responsable de l'accident lorsque la garde ou la conduite du véhicule a été obtenue contre le gré du propriétaire.   

En second lieu, il est de principe qu’un assureur ne peut pas recourir contre l’assuré qu’il doit garantir.

Les articles L. 121-2 et L. 121-12 alinéa 3 du code des assurances, notamment, illustrent ce principe, puisque l’assureur, garant des pertes et dommages causés par les personnes dont l'assuré est civilement responsable en vertu de l'article 1242 du code civil, ne dispose d’aucun recours contre elles sauf «malveillance commise par une de ces personnes».

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