N°6 - Février 2023 (Indemnisation des victimes d'actes de terrorisme)

Lettre de la deuxième chambre civile

Une sélection commentée des décisions rendues par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation (Appel civil / Assurances / Fonds de garantie / Indemnisation des victimes d'actes de terrorisme / Procédure civile d'exécution / Sécurité sociale - cotisations / Sécurité sociale - retraites).

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Lettre de la deuxième chambre civile

N°6 - Février 2023 (Indemnisation des victimes d'actes de terrorisme)

Indemnisation par le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (FGTI) : la victime par ricochet peut être indemnisée, même en cas de survie de la victime directe

2e Civ., 27 octobre 2022, pourvoi n° 21-24.424, publié au Bulletin

2e Civ., 27 octobre 2022, pourvoi n° 21-24.425, publié au Bulletin

2e Civ., 27 octobre 2022, pourvoi n° 21-24.426, publié au Bulletin

Sommaire :

Les articles L. 126-1, L. 422-1 et L. 422-3 du code des assurances n'excluent pas l'indemnisation, selon les règles du droit commun, du préjudice personnel des proches de la victime directe d'actes de terrorisme, en cas de survie de celle-ci.

Encourt, dès lors, la cassation l'arrêt qui déclare irrecevables les demandes d'indemnisation par le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions formées par les proches d'une victime directe d'un acte de terrorisme au motif que leur qualité d'ayants droit fait défaut.

 

Commentaire :

Par les trois arrêts ici commentés, rendus le même jour, la Cour de cassation s’est efforcée de dissiper toute interrogation sur le droit à indemnisation des proches d'une victime d'un acte de terrorisme qui a survécu.

Instaurées par la loi n°86-1020 du 9 septembre 1986 relative à la lutte contre le terrorisme et aux atteintes à la sûreté de l'Etat, puis ultérieurement codifiées au code des assurances, les dispositions spécifiques à l'indemnisation des victimes d'actes de terrorisme ont eu pour objectif, comme l’indiquait le sénateur Paul Masson rapporteur de ce texte pour la Commission des lois du Sénat, d'adopter un dispositif permettant «par l'application des règles de droit commun», que, le préjudice corporel des victimes d'actes terroristes soit entièrement couvert et « d'assurer une indemnisation rapide, au moins à titre provisionnel » des victimes, en habilitant le président du tribunal de grande instance à ordonner en référé le versement d'une provision, que les juridictions pénales saisies des faits, le cas échéant, aient ou non rendu une décision.

C'est pourquoi, à la différence des dispositions alors applicables à l'indemnisation des victimes d'infractions, qui ne prévoyaient que l’indemnisation de la victime directe, et, en cas de décès de celle-ci, celle de ses ayants droit, mais pour leur seul préjudice personnel découlant de ce décès, le texte considéré a prévu que l'indemnisation des victimes d'actes de terrorisme devait assurer la réparation intégrale des dommages résultant d'une atteinte à la personne.

Par ailleurs, il a obligé le fonds de garantie contre les actes de terrorisme, devenu le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, à verser, dans le délai d'un mois à compter de la demande qui lui était faite, une ou plusieurs provisions à la victime qui a subi une atteinte à sa personne ou, en cas de décès de la victime, à ses ayants droit sans préjudice du droit pour ces victimes de saisir le juge des référés.

Dans les trois pourvois soumis à la Cour de cassation, ces dispositions, qui figurent aujourd’hui aux articles L. 126-1, L. 422-1 et L. 422-2 du code des assurances, avaient été interprétées par les juges du fond comme excluant l'indemnisation des préjudices subis par les proches de la victime directe d'un acte de terrorisme lorsque celle-ci a survécu. Les juges avaient, en conséquence, refusé l’indemnisation des proches de personnes qui, prises en otage au magasin Hypercasher de Vincennes, le 9 janvier 2015, avaient été libérées par les services de police.

Saisie pour la première fois de cette question, la deuxième chambre civile, par les arrêts du 27 octobre 2022, a jugé que ces dispositions ne pouvaient être interprétées comme interdisant l’indemnisation, selon les règles de droit commun, des préjudices des proches de la victime de l’acte de terrorisme en cas de survie de celle-ci.

Cette décision s’appuie, d’abord, sur la lecture des textes pertinents, dont aucun ne prévoit une telle exclusion.

Elle se fonde, ensuite, sur l’intention du législateur, de même que sur l’évolution de la législation relative à l’indemnisation des victimes d’infractions, telle qu’interprétée par la jurisprudence, qui assure l’indemnisation des proches de la victime directe, même lorsque celle-ci a survécu.

Enfin, elle prend en compte l'évolution récente de la jurisprudence de la Cour de cassation, qui a admis l'indemnisation du préjudice d'attente et d'inquiétude que peuvent subir les proches d'une victime exposée à un péril de nature à porter atteinte à son intégrité corporelle, y compris en cas de survie de celle-ci (Ch. mixte, 25 mars 2022, pourvoi n° 20-17.072).

Ce faisant, elle écarte une exclusion qui, non sans paradoxe, aurait conduit à réserver aux proches des victimes d'attentats un sort plus défavorable qu'à ceux des victimes d'autres infractions.

Victimes d'acte de terrorisme : nécessité d'une exposition à « un péril objectif de mort ou d'atteinte corporelle »

2e Civ.,  27 octobre 2022, pourvoi n° 21-13.134, publié au Bulletin

Sommaire :

S'agissant d'actes de terrorisme en lien avec les infractions d'atteintes volontaires à la vie ou à l'intégrité des personnes, sont des victimes, au sens de l'article L.126-1 du code des assurances, les personnes qui ont été directement exposées à un péril objectif de mort ou d'atteinte corporelle.

Le fait pour une personne de s'être trouvée à proximité du lieu d'un attentat et d'en avoir été le témoin ne suffit pas, en soi, à lui conférer la qualité de victime.

Une cour d'appel, qui relève que des personnes étaient éloignées de 400 mètres du lieu où avait pris fin l'attentat, et qui met ainsi en évidence qu'elles n'avaient, à aucun moment, été directement exposées à un péril objectif de mort ou d'atteinte corporelle, a pu décider qu'elles n'avaient pas la qualité de victimes au sens de ce texte et ne pouvaient ainsi être indemnisées par le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (FGTI).

 

Commentaire :

À la suite de l’attentat perpétré à Nice, le soir du 14 juillet 2016, un médecin et son épouse, infirmière, qui avaient été affectés au poste médical avancé mis en place à proximité de la Promenade des anglais et qui avaient prodigué des soins à certaines victimes ont adressé au Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions (le FGTI) une demande d’indemnisation de leurs préjudices, en faisant état des répercussions psychologiques que cet événement avait eues sur eux.

Ayant été avisés par le FGTI que leur demande ne pouvait être accueillie, pour la raison qu’ils ne se trouvaient pas sur la Promenade des anglais au moment du passage du camion-bélier utilisé pour commettre l’attentat, ils ont assigné le fonds afin, particulièrement, de se voir reconnaître la qualité de victimes d’un attentat terroriste.

C’est dans ces circonstances que la Cour de cassation a été saisie du pourvoi qu’ils ont formé contre l’arrêt de la cour d’appel d’Aix-en-Provence qui leur avait dénié tout droit à indemnisation à ce titre, en soutenant, à l’appui, que « doivent être qualifiées de victimes les personnes impliquées qui se trouvaient sur le lieu des faits au moment de l’acte de terrorisme et qui, ayant été exposées au risque, ont présenté ultérieurement un dommage physique ou psychologique qui y est directement lié, peu important que le risque se soit ou non réalisé. »

Ainsi questionnée sur les critères permettant de retenir la qualité de victime d’acte de terrorisme au sens de l’article 9 de la loi n° 86-1020 du 9 septembre 1986 relative à la lutte contre le terrorisme, codifié, en substance, à l’article L.126-1 du code des assurances, la Cour de cassation, par l’arrêt commenté, en cours de publication, a répondu que sont des victimes, au sens de ce texte, « les personnes qui ont été directement exposées à un péril objectif de mort ou d’atteinte corporelle ».

Ajoutant que « le fait pour une personne de s’être trouvée à proximité du lieu d’un attentat et d’en avoir été le témoin ne suffit pas, en soi, à lui conférer la qualité de victime »[1], elle a ainsi approuvé la cour d’appel qui, ayant relevé que les demandeurs étaient éloignés de 400 mètres du lieu où avait pris fin l’attentat, avait mis en évidence qu’ils n’avaient, à aucun moment, été directement exposés à un tel péril objectif.


[1] Formule pouvant être rapprochée de Crim., 11 avril 2018, pourvoi n° 17-82.818 ayant approuvé une cour d’appel qui avait déclaré irrecevable la constitution de partie civile d’une personne ayant été simple témoin de tirs terroristes déclenchés, le 13 novembre 2015, rue de Charonne à Paris.

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