N°6 - Février 2023 (Fonds de garantie)

Lettre de la deuxième chambre civile

Une sélection commentée des décisions rendues par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation (Appel civil / Assurances / Fonds de garantie / Indemnisation des victimes d'actes de terrorisme / Procédure civile d'exécution / Sécurité sociale - cotisations / Sécurité sociale - retraites).

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Lettre de la deuxième chambre civile

N°6 - Février 2023 (Fonds de garantie)

Indemnisation de la victime d’un accident de la circulation à l’étranger : précisions sur la compétence de la CIVI

2e Civ.,  24 novembre 2022, pourvoi n°20-19.288, publié au Bulletin

2e Civ.,  24 novembre 2022, pourvoi n°20-22.100, publié au Bulletin

2e Civ.,  24 novembre 2022, pourvoi n°20-23.462, publié au Bulletin

Sommaires :

1ère espèce :

Les dommages susceptibles d'être indemnisés par le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO) en application des articles L. 421-1 et L. 424-1 à L. 424-7 du code des assurances sont exclus de la compétence de la commission d'indemnisation des victimes d'infractions (CIVI), telle qu'elle résulte de l'article 706-3 du code de procédure pénale, peu important que le FGAO intervienne subsidiairement, en présence d'un assureur du responsable susceptible d'indemniser la victime.

Doit, dès lors, être cassé l'arrêt d'une cour d'appel qui après avoir constaté que l'accident s'est produit en Belgique et a impliqué un véhicule assuré dans cet Etat, déclare recevable la requête en indemnisation présentée par la victime ressortissante française devant la commission d'indemnisation des victimes d'infractions (CIVI).

 

2ème espèce :

Les dommages susceptibles d'être indemnisés par le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO) en application des articles L. 421-1 et L. 424-1 à L. 424-7 du code des assurances sont exclus de la compétence de la commission d'indemnisation des victimes d'infractions (CIVI), telle qu'elle résulte de l'article 706-3 du code de procédure pénale, peu important que le FGAO intervienne subsidiairement, en présence d'un assureur du responsable susceptible d'indemniser la victime.

Cette solution définie par un arrêt du 24 septembre 2020 (2e Civ., 24 septembre 2020, pourvoi n° 19-12.992) ne constitue pas un revirement de jurisprudence en l'absence d'arrêt ayant précédemment tranché ce point de droit et n'était pas imprévisible puisque les juridictions du fond statuaient de façon divergente et qu'elle s'inscrivait dans une construction jurisprudentielle par laquelle la Cour de cassation a écarté la compétence de la commission d'indemnisation des victimes d'infractions (CIVI), dès lors qu'existe un autre régime d'indemnisation spécifique.

Son application immédiate ne saurait, dès lors, contrevenir aux droits protégés par la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Doit, en conséquence, être cassé l'arrêt d'une cour d'appel qui après avoir constaté que l'accident s'est produit dans un Etat de l'espace économique européen et a impliqué un véhicule assuré immatriculé dans cet Etat, déclare recevable la requête en indemnisation présentée par la victime ressortissante française devant la commission d'indemnisation des victimes d'infractions (CIVI).

 

3ème espèce :

Les dommages susceptibles d'être indemnisés par le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO) en application des articles L. 421-1 et L. 424-1 à L. 424-7 du code des assurances sont exclus de la compétence de la commission d'indemnisation des victimes d'infractions (CIVI), telle qu'elle résulte de l'article 706-3 du code de procédure pénale, peu important que le FGAO intervienne subsidiairement, en présence d'un assureur du responsable susceptible d'indemniser la victime.

Le droit de la victime d'un accident de la circulation survenu dans un pays de l'espace économique européen à être indemnisée selon les modalités prévues aux articles susvisés du code des assurances s'apprécie au jour de l'accident et la recevabilité de la requête déposée devant la commission d'indemnisation des victimes d'infractions (CIVI) s'apprécie à la date de celle-ci.

Doit, dès lors, être cassé l'arrêt d'une cour d'appel qui, après avoir constaté qu'un accident s'était produit au Royaume-Uni, Etat partie à l'espace économique européen à la date du fait dommageable, et avait impliqué un véhicule immatriculé et assuré au Royaume-Uni, déclare recevable la requête en indemnisation présentée par la victime, ressortissante française, devant la commission d'indemnisation des victimes d'infractions.

 

Commentaire :

Par les trois arrêts, publiés, ici commentés, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation maintient et précise sa jurisprudence relative à la compétence de la commission d'indemnisation des victimes d'infractions (CIVI) pour connaître de l'indemnisation de la victime française d'un accident de la circulation survenu sur le territoire d'un État partie à l'Espace économique européen, impliquant un véhicule assuré, ayant son stationnement habituel dans cet État.

Par chacun des pourvois, le FGTI contestait l'arrêt rendu par la cour d'appel qui avait déclaré recevable la requête de victimes françaises d'accidents survenus respectivement en Belgique, en Espagne et au Royaume-Uni, en se prévalant d'un arrêt rendu par la deuxième chambre le 24 septembre 2020 (2e Civ., 24 septembre 2020, pourvoi n° 19-12.992, publié), dont la solution avait été ultérieurement réitérée (2e Civ., 26 novembre 2020, pourvoi n° 19-21.014 ; 2e Civ, 6 mai 2021, n°19-24.996), selon lequel les dommages susceptibles d'être indemnisés par le FGAO en application des articles L. 421-1 et L. 424-1 à L. 424-7 du code des assurances sont exclus de la compétence de la CIVI, telle qu'elle résulte de l'article 706-3 du code de procédure pénale, peu important que le FGAO intervienne subsidiairement, en présence d'un assureur du responsable susceptible d'indemniser la victime.

Par le premier arrêt commenté (2e Civ., 24 novembre 2022, pourvoi n°20-19.288), notre chambre réaffirme cette jurisprudence.

Par les deux autres arrêts commentés (2e Civ., 24 novembre 2022, pourvoi n°20-22.100 ; 2e Civ., 24 novembre 2022, pourvoi n°20-23.462) elle précise le champ d'application de cette solution, tant temporellement que territorialement.

Selon l'article 706-3 du code de procédure pénale, toute personne ayant subi un préjudice résultant de faits volontaires ou non qui présentent le caractère matériel d'une infraction peut obtenir, sous certaines conditions, la réparation intégrale des dommages qui résultent des atteintes à leur personne. Ce texte prévoit, toutefois, que sont exclues de ce régime d'indemnisation les atteintes à la personne qui entrent dans le champ d'application de diverses dispositions, notamment du chapitre 1er de la loi n°85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accident de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation. Ainsi, les victimes d'accidents de la circulation sont-elles, en principe, exclues du régime d'indemnisation prévu par l'article 706-3 du code de procédure pénale.

S'agissant des accidents de la circulation survenus à l'étranger, la convention de la Haye du 4 mai 1971 sur la loi applicable en matière d'accidents de la circulation routière, à laquelle la France est partie, érige en principe, en son article 3, que la loi applicable est la loi interne de l'Etat sur le territoire duquel l'accident est survenu, de sorte que la loi du 5 juillet 1985 n'est pas applicable hors du territoire français. Aussi a-t-il été jugé que le dispositif d'indemnisation mis en place par l'article 706-3 du code de procédure pénale s'appliquait aux accidents de la circulation survenus à l'étranger (v. notamment 2e Civ., 2 novembre 1994, pourvoi n° 92-17.181, Bull. II, n° 2 ; 2e Civ., 8 décembre 1999, pourvoi n° 97-20.120, Bull. II, n° 182).

Cette jurisprudence a cependant évolué à la suite de l'introduction en droit français des articles L. 421-1 et L. 424-1 à L. 124-7 du code des assurances, par la loi n°2003-736 du 1er août 2003 ayant transposé la directive 2000/26/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 mai 2000 concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives à l'assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs.  Ces articles prévoient un dispositif d'indemnisation des victimes d'accidents de la circulation survenus dans un autre Etat de l'Espace économique européen, impliquant un véhicule ayant son stationnement habituel et son assureur dans l'un de ces Etats. Ils permettent, notamment, dans certaines circonstances, à la victime française d'être indemnisée en France par le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (le FGAO).

Dans la ligne de sa jurisprudence ayant jugé que les préjudices susceptibles d'être indemnisés par un autre mécanisme étaient exclus du dispositif d'indemnisation des victimes d'infractions (accidents du travail : 2e Civ., 7 mai 2003, pourvoi n° 01-00.815, publié ; accidents de service : 2e Civ., 30 juin 2005, pourvoi n°03-19.207, publié ; accidents subis par un militaires tué ou blessé en service : 2e Civ, 28 mars 2013, pourvoi n°11-18.025, publié), la Cour de cassation, par arrêt du 24 septembre 2020, publié (2e Civ., 24 septembre 2020 , pourvoi n° 19-12.992), a jugé que les dommages susceptibles d'être indemnisés par le FGAO en application des articles L. 421-1 et L. 424-1 à L. 424-7 du code des assurances sont exclus de la compétence de la CIVI, telle qu'elle résulte de l'article 706-3 du code de procédure pénale, peu important que le FGAO intervienne subsidiairement, en présence d'un assureur du responsable susceptible d'indemniser la victime.

C’est bien dans ce sillage que, procédant d’une même logique, s’inscrit la solution retenue par le premier des trois arrêts du 24 novembre 2022, commentés.

Par le second arrêt du même jour (pourvoi 20-22.100), la deuxième chambre civile a rejeté la demande, expressément formulée par le mémoire en défense, tendant à ce que l'application de cette règle soit écartée dans le litige en cause, au motif que l'arrêt du 24 septembre 2020, précédemment évoqué, consacrerait un revirement de jurisprudence dont l'application au litige en cours constituerait une atteinte aux droits protégés par la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Pour repousser cette demande, la deuxième chambre civile, par son arrêt, rédigé selon une motivation enrichie, souligne que le principe affirmé par l’arrêt du 24 septembre 2020, qui ne constitue pas un revirement de jurisprudence et n'était pas imprévisible, dès lors qu'il s'inscrivait dans une évolution jurisprudentielle excluant du champ d'application de l'article 706-3 du code de procédure pénale les victimes pouvant bénéficier d'un autre mécanisme propre à assurer leur indemnisation, de sorte que l'application immédiate de la règle nouvelle ne portait atteinte à aucun des droits protégés par la Convention.

Enfin, par son troisième arrêt (2e Civ., 24 novembre 2022, pourvoi n°20-23.462), la deuxième chambre rappelle que le droit de la victime à être indemnisée s'apprécie au jour de l'accident, tandis que la recevabilité de la requête déposée devant la CIVI s'apprécie à la date de celle-ci.

Elle en déduit que la victime d'un accident de la circulation survenu au Royaume-Uni, Etat partie à l'Espace économique européen à la date de l'accident, impliquant un véhicule immatriculé et assuré au Royaume-Uni, n'est pas recevable à présenter une requête en indemnisation devant la commission d'indemnisation des victimes d'infractions.

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