N°6 - Février 2023 (Assurances)

Lettre de la deuxième chambre civile

Une sélection commentée des décisions rendues par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation (Appel civil / Assurances / Fonds de garantie / Indemnisation des victimes d'actes de terrorisme / Procédure civile d'exécution / Sécurité sociale - cotisations / Sécurité sociale - retraites).

  • Procédure civile
  • appel civil
  • indivisibilité
  • assurance (règles générales)
  • fonds de garantie
  • terrorisme
  • indemnisation des victimes d'attentat terroriste
  • procédures civiles d'exécution
  • saisies
  • société civile
  • société civile immobilière
  • société civile immobilière
  • cautionnement
  • cautionnement civil
  • sécurité sociale
  • sécurité sociale, cotisations et contributions du régime général
  • retraites
  • convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés
  • convention européenne des droits de l'homme

Lettre de la deuxième chambre civile

N°6 - Février 2023 (Assurances)

Le représentant de l'assureur étranger n'est pas le débiteur de l'indemnité d'assurance

2e Civ., 27 octobre 2022, pourvoi n°21-14.334, publié au Bulletin

Sommaire :

Les dispositions de l'article 4 de la directive 2000/26/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 mai 2000 prescrivant aux entreprises d'assurance couvrant les risques liés à la responsabilité civile des véhicules terrestres à moteur de nommer un représentant chargé du règlement des sinistres dans chaque État membre autre que celui où elles ont reçu leur agrément administratif ont été reprises, dans des termes identiques, à l'article 21 de la directive 2009/103/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009.

La Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que l'article 4 de la première de ces directives doit être interprété en ce sens qu'il n'impose pas aux États membres de prévoir que le représentant chargé du règlement des sinistres puisse être assigné lui-même, en lieu et place de l'entreprise d'assurance qu'il représente, devant la juridiction nationale saisie d'un recours en indemnisation intenté par une personne lésée entrant dans le champ d'application de la directive. Par ailleurs, aucune disposition de transposition de ces textes en droit français ne prévoit que le représentant soit débiteur de l'indemnisation due par l'assureur étranger.

Dès lors, une cour d'appel décide à bon droit qu'il ne se déduit d'aucun texte le droit pour la victime de diriger l'action judiciaire en indemnisation, même provisionnelle, ou l'action aux fins d'expertise fondée sur l'article 145 du code de procédure civile, exclusivement contre le représentant de l'assureur.

 

Commentaire :

La Cour de cassation a été saisie par une personne domiciliée en France, victime d'un accident de la circulation survenu en Espagne, d'un pourvoi critiquant la décision d'une cour d'appel qui avait rejeté son action en référé expertise et provision dirigée contre la société d'assurance intervenant comme représentante en France de la société de droit espagnol, assureur de l'un des véhicules impliqués dans l'accident.

Invoquant particulièrement l'article 21 de la directive 2009/103/CE du 16 septembre 2009 « concernant l'assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation de véhicules automoteurs et le contrôle de l'obligation d'assurer cette responsabilité », et l'article L. 310-2-2 du code des assurances, la demanderesse au pourvoi soutenait que le représentant de l'assureur étranger, ayant pour mission de « traiter et régler » les sinistres, avait nécessairement qualité pour défendre à une action en justice.

La deuxième chambre civile a rejeté ce moyen et a approuvé la cour d'appel d'avoir décidé qu'il ne se déduisait d'aucun texte le droit pour la victime de diriger l'action judiciaire en indemnisation, même en référé provision ou fondée sur l'article 145 du code de procédure civile, exclusivement contre le représentant de l'assureur.

Pour rejeter le pourvoi, elle a relevé que les dispositions de l'article 4 de la directive 2000/26/CE du 16 mai 2000, dont la demanderesse au pourvoi critiquait l'application par la cour d'appel, avaient été reprises en des termes identiques à l'article 21 de la directive 2009/103/CE du 16 septembre 2009 invoqué, de sorte que c'était à bon droit que la cour d'appel avait pris en compte la décision de la Cour de justice de l'Union européenne qui a dit pour droit (CJUE, 15 décembre 2016 - aff. C-558/15 - Alberto José Vieira de Azevedo et autres) que ce texte devait être interprété en ce sens qu'il n'impose pas aux États membres de prévoir que le représentant chargé du règlement des sinistres puisse être assigné lui-même, en lieu et place de l'entreprise d'assurance qu'il représente, devant la juridiction nationale saisie d'un recours en indemnisation intenté par une personne lésée entrant dans le champ d'application de la directive.

La deuxième chambre civile a, par ailleurs, relevé qu'aucun texte de transposition en droit français de ces textes communautaires ne prévoit que le représentant de l'assureur étranger puisse être débiteur de l'indemnisation due par celui-ci.

La clause d'exclusion de garantie des pertes d'exploitation dans certains contrats d’assurance, à l'épreuve de la pandémie

2e Civ., 1er décembre 2022, pourvoi n°21-19.341, publié au Bulletin et au Rapport

2e Civ., 1er décembre 2022, pourvoi n°21-19.342, publié au Bulletin et au Rapport

2e Civ., 1er décembre 2022, pourvoi n°21-19.343, publié au Bulletin et au Rapport

2e Civ., 1er décembre 2022, pourvoi n°21-15.392, publié au Bulletin et au Rapport

Sommaire :

Une clause d'exclusion n'est pas formelle au sens de l'article L. 113-1 du code des assurances lorsqu'elle ne se réfère pas à des critères précis et nécessite interprétation.

S'agissant d'un contrat prévoyant la garantie des pertes d'exploitation en cas de fermeture administrative consécutive à certaines causes qu'il énumère, dont l'épidémie, est formelle la clause qui exclut ces pertes d'exploitation de la garantie, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelles que soient sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique.

Une clause d'exclusion n'est pas limitée au sens de l'article L. 113-1 du code des assurances lorsqu'elle vide la garantie de sa substance en ce qu'après son application elle ne laisse subsister qu'une garantie dérisoire.

N'a pas pour effet de vider la garantie de sa substance la clause qui exclut de la garantie des pertes d'exploitation consécutives à la fermeture administrative de l'établissement assuré, pour plusieurs causes qu'elle énumère, dont l'épidémie, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelles que soient sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique à l'une de celles énumérées.

 

Commentaire :

À la suite des périodes récentes de confinement sanitaire, de nombreux litiges, ayant connu un certain écho médiatique, en raison plus particulièrement de leurs incidences économiques, se sont noués entre certains assureurs et, notamment, des professionnels de la restauration.

La Cour de cassation a ainsi été saisie d’un ensemble de pourvois concernant des restaurateurs ayant conclu avec la société Axa un contrat d’assurance « multirisque professionnelle » prévoyant la garantie des pertes d’exploitation résultant de la fermeture administrative de leur établissement en raison « d’une maladie contagieuse, d’un meurtre, d’un suicide, d’une épidémie ou d’une intoxication ». Ces pourvois émanaient de l’assureur et étaient formés contre des arrêts de la cour d’appel d’Aix-en-Provence l’ayant condamné, par des motifs similaires, à prendre en charge les pertes d’exploitation subies par ces commerçants lors des périodes de confinement instaurées en raison de l’épidémie de Covid-19.

Les assurés qui s’étaient vu opposer par l’assureur une clause excluant de cette garantie « les pertes d’exploitation, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, fait l’objet, sur le même territoire départemental que celui de l’établissement assuré, d’une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique », avaient contesté avec succès la validité de cette exclusion.

Ces pourvois posaient la question de la validité de cette clause au regard des dispositions de l’article L.113-1 du code des assurances qui prévoient qu’une clause d’exclusion de garantie n’est valable que si elle est « formelle et limitée».

Il convient tout d’abord de rappeler que pour l’application des dispositions légales en cause, la Cour de cassation, au fil de ses arrêts, a développé une jurisprudence dont on peut retenir :

- que le caractère formel d’une exclusion de garantie s’apprécie à l’aune de la perception que peut avoir l’assuré de l’étendue de l’assurance. La clause se trouve soumise à cet égard à une exigence de clarté, de précision et de certitude en tant qu’elle doit permettre à l’assuré d’identifier sans hésitation et sans que la clause puisse donner lieu à interprétation les cas dans lesquels il ne sera pas garanti ;

- que le caractère limité de l’exclusion exige que la clause ne puisse aboutir, selon l’expression consacrée, à « vider la garantie de sa substance ».

Répondant aux critiques adressées aux arrêts attaqués, qui contestaient l’appréciation de la cour d’appel selon laquelle la clause en cause n’était ni formelle ni limitée, la Cour de cassation a jugé, par les quatre arrêts commentés, destinés à être publiés au rapport annuel :

- s’agissant du caractère formel de la clause, que celle-ci était claire et dépourvue d’ambiguïté et ne nécessitait pas interprétation, dès lors que la circonstance particulière de réalisation du risque privant l’assuré du bénéfice de la garantie n’était pas l’épidémie, mais, bien différemment, la situation dans laquelle, à la date de la fermeture, un autre établissement du même département faisait l’objet d’une mesure de fermeture administrative pour une cause identique.

Aussi a-t-elle considéré, par voie de conséquence, que la question de savoir si la notion d’épidémie pouvait donner lieu à interprétation était sans incidence sur le caractère clair et précis de la clause puisqu’elle conduisait seulement à comparer les motifs de fermeture administrative figurant dans les décisions administratives de fermeture des établissements concernés. 

- s’agissant du caractère limité de l’exclusion, que la clause ne vidait pas la garantie de sa substance, dès lors qu’après son application, demeuraient dans le champ de la garantie les pertes d’exploitation consécutives, non à une épidémie, mais à l’une des autres causes de fermeture administrative prévues au contrat ou survenues dans d’autres circonstances que celle stipulée à la clause d’exclusion.

On doit insister sur le fait qu’à l’occasion de ces arrêts, la Cour de cassation a énoncé pour la première fois, du moins sous une formulation aussi nette, la règle selon laquelle une garantie se trouve vidée de sa substance par une clause d’exclusion lorsqu’après son application, il ne subsiste qu’une garantie dérisoire.

On indiquera, enfin, quand bien même cette observation relève de l’évidence, que la réponse apportée aux questions posées était tributaire du contenu et du libellé des clauses en cause et ne vaut que dans ces strictes limites.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.