N°6 - Février 2023 (Appel civil)

Lettre de la deuxième chambre civile

Une sélection commentée des décisions rendues par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation (Appel civil / Assurances / Fonds de garantie / Indemnisation des victimes d'actes de terrorisme / Procédure civile d'exécution / Sécurité sociale - cotisations / Sécurité sociale - retraites).

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Lettre de la deuxième chambre civile

N°6 - Février 2023 (Appel civil)

Les formalités relatives à la procédure à jour fixe n’ont pas à être réitérées lorsque l’arrêt d’appel cassé a été rendu selon cette procédure

2e Civ., 29 septembre 2022, pourvoi n° 20-22.558, publié au Bulletin

Sommaire :

Il résulte des articles 631 et 1032 du code de procédure civile qu'en cas de renvoi après cassation, l'instance se poursuit devant la juridiction de renvoi, qui est saisie par une déclaration au greffe. Selon l'article 1036 du même code, le greffier de la juridiction de renvoi adresse aussitôt, par lettre simple, à chacune des parties à l'instance de cassation, copie de la déclaration avec, s'il y a lieu, l'indication de l'obligation de constituer avocat. En cas de non-comparution, les parties défaillantes sont citées de la même manière que le sont les défendeurs devant la juridiction dont émane la décision cassée. Par conséquent, lorsque l'arrêt d'appel cassé a été rendu selon la procédure à jour fixe, les formalités relatives à cette procédure n'ont pas à être réitérées, l'instruction étant reprise devant la cour d'appel de renvoi en l'état de la procédure non atteinte par la cassation.

 

Commentaire :

En matière de procédure d’appel à jour fixe, l’appelant saisit par requête, conformément aux dispositions de l’article 917 du code de procédure civile, le premier président de la cour d’appel, qui fixe le jour auquel l'affaire sera appelée par priorité. En application de l’article 920 du même code, l’appelant assigne, ensuite, la partie adverse pour le jour fixé.

Lorsque l’arrêt d’appel est cassé et la cause renvoyée devant une cour d’appel, il résulte des articles 631 et 1032 du code de procédure civile que l'instance se poursuit devant la juridiction de renvoi, qui est saisie par une déclaration au greffe. Selon l'article 1036 du même code, le greffier de la juridiction de renvoi adresse aussitôt, par lettre simple, à chacune des parties à l'instance de cassation, copie de la déclaration avec, s'il y a lieu, l'indication de l'obligation de constituer avocat. En cas de non-comparution, les parties défaillantes sont citées de la même manière que le sont les défendeurs devant la juridiction dont émane la décision cassée.

La Cour de cassation en déduit que les formalités relatives à la procédure à jour fixe, notamment la requête adressée au premier président de la cour d’appel, n'ont pas à être réitérées, l'instruction étant reprise devant la cour d'appel de renvoi en l'état de la procédure non atteinte par la cassation.

Compétences respectives du conseiller de la mise en état et de la cour d’appel

2e Civ., Avis, 11 octobre 2022, n° 22-70.010 , publié au Bulletin

Sommaire :

Par renvoi de l'article 907 du code de procédure civile, l'article 789, 6°, du code de procédure civile est applicable devant le conseiller de la mise en état, sans que l'article 914 du même code n'en restreigne l'étendue.

Les fins de non-recevoir tirées des articles 564 et 910-4 du code de procédure civile relèvent de la compétence de la cour d'appel.

 

Commentaire :

Cet avis s’inscrit dans le prolongement de l’avis rendu par la 2ème chambre civile le 3 juin 2021, par lequel elle a jeté les fondements de la répartition des compétences entre le conseiller de la mise en état et la cour d’appel depuis la réforme issue du décret du 11 décembre 2019. L’articulation de la solution de l’arrêt commenté avec ce précédent avis n’est pas reprise dans la décision, mais la référence qui y est faite exprime clairement l’ancrage du nouvel avis dans le précédent.

Par ce nouvel avis, la deuxième chambre civile a répondu à deux questions nouvelles posées par cette réforme : la première relative au caractère limitatif ou non de l’article 914 du code de procédure civile ; la seconde relative à la compétence du conseiller de la mise en état ou de la cour d’appel pour statuer sur les fins de non- recevoir tirées des articles 564 et 910-4 du code de procédure civile. 

 

1. – La première question - qui est préalable à la seconde - concernait l’articulation des textes pertinents depuis l’entrée en vigueur, le 1er janvier 2020, de l’article 789, 6°, du code de procédure civile, dans sa version issue du décret du 11 décembre 2019, qui prévoit désormais que le juge de la mise en état a compétence pour statuer sur les fins de non-recevoir.

Par renvoi de l’article 907 du même code, le conseiller de la mise en état se voit attribuer la même compétence que le juge de la mise en état.

Or, jusqu’au 1er janvier 2020, l’article 914 du code de procédure civile, dans sa version issue du décret du 6 mai 2017, limitait la compétence du conseiller de la mise en état à certaines irrecevabilités limitativement énumérées (irrecevabilité de l’appel, irrecevabilité des conclusions d’intimé et d’intervenant et irrecevabilité des actes de la procédure d’appel en application de l’article 930-1 irrecevabilité de l’appel). 

Aussi bien la deuxième chambre civile a-t-elle dû préciser la portée de la réforme issue de ce texte.

En effet, le décret précité a, s’agissant de la compétence du conseiller de la mise en état, opéré par renvoi des textes relatifs au juge de la mise en état. Il n’a pas modifié pour autant l’article 914 du code de procédure civile. Fallait-il, dès lors, considérer que ce texte restreignait désormais l’application des dispositions nouvelles relatives aux fins de non-recevoir ? La deuxième chambre civile a répondu par la négative.

Elle ne s’est pas engagée dans la voie contraire qui aurait eu pour conséquence de neutraliser les effets de la réforme du décret du 11 décembre 2019

Elle a donc résolu la confrontation des textes en cause en jugeant que l’article 914 du code de procédure civile ne limitait pas la compétence du conseiller de la mise en état. C’est donc bien l’article 789, 6°, du code de procédure civile, qui vise de manière générale l’ensemble des fins de non-recevoir, qui s’applique.

On soulignera que cette solution apparaissait déjà dans l’avis du 3 juin 2021 (n° 21-70.006 publié au Bulletin).

 

2. - La seconde question portait sur la compétence du conseiller de la mise en état ou celle de la cour d’appel pour statuer sur les fins de non-recevoir tirées des articles 564 et 910-4 du code de procédure civile.

On rappellera que le premier de ces textes prohibe, à peine d’irrecevabilité, les prétentions nouvelles en appel et que le second oblige la partie à formuler ses prétentions dans les premières conclusions.

Interprétant la norme réglementaire de manière dans un sens conforme à la norme législative, la deuxième chambre civile a considéré que les deux fins de non-recevoir considérées relevaient de la compétence de la cour d’appel et non de celle du conseiller de la mise en état.

Cette analyse s’inscrit dans la logique de l’avis du 3 juin 2021, qui avait souligné que la réforme issue du décret du 11 décembre 2019 s’inscrivait dans le cadre fixé par le code de l’organisation judiciaire, et notamment de ses dispositions de nature législative (articles L.311-1, L.312-1 et L.312-2). Celles-ci donnent compétence à la cour d’appel pour connaître des décisions judiciaires, civiles ou pénales rendues en premier ressort. Elles précisent que cette juridiction statue souverainement sur le fond des affaires, cet adverbe devant être compris en ce sens que la cour d’appel dispose, en matière d’appel, d’une plénitude de juridiction.

C’est donc bien le principe de la hiérarchie des normes et la méthode d’interprétation conforme qui fondent principalement ce nouvel avis dans la suite logique du précédent.

On ajoutera que la deuxième chambre civile a pris en considération la dimension temporelle de la procédure d’appel, dans son cheminement de la déclaration d’appel au jugement de l’appel en passant par la phase de mise en état. Au fil de cette procédure, le litige n’est pas figé, l’appelant et l’intimé pouvant renoncer à certaines prétentions ou en former de nouvelles. Dès lors, comment laisser au conseiller de la mise en état le soin de déclarer ou non recevables des prétentions qui sont susceptibles de se modifier jusqu’au prononcé de l’ordonnance de clôture?

Aussi bien l’avis délivré par la deuxième chambre civile se fonde également sur le principe tant constitutionnel que conventionnel d’une bonne administration de la justice.

La cour d’appel n’est pas tenue de vérifier d’office si l’appelant a signifié ses conclusions dans le délai imparti à l’intimé qui n’a pas constitué avocat.

2e Civ., 17 novembre 2022 pourvoi n°  20-20.650, publié au Bulletin

Sommaire :

Si, en application de l'article 14 du code de procédure civile, il appartient à la cour d'appel de vérifier que la partie non comparante a été régulièrement appelée, elle n'est pas tenue de vérifier d'office si l'appelant a, dans le délai imparti par les articles 908 et 911 du code de procédure civile, signifié ses conclusions à l'intimé qui n'a pas constitué avocat.

 

Commentaire :

Par cet arrêt rendu en matière de procédure d’appel ordinaire avec représentation obligatoire, la deuxième chambre civile précise, pour la première fois, l’office du juge d’appel en matière de délais impartis pour signifier les conclusions de l’appelant, lorsque l’intimé n’est pas comparant. 

L’article 911 du code de procédure civile impose, en effet, à l’appelant de signifier dans les délais qu’il fixe ses conclusions à l'intimé.

Jusqu’à l’arrêt commenté, la Cour de cassation ne s’était prononcée sur les conditions d’application de ce texte que dans le seul cas où l’intimé était comparant. Elle a ainsi jugé que, dans cette hypothèse, l'absence de signification des conclusions de l'appelant dans les délais prévus est sanctionnée par la caducité de la déclaration d'appel (2e Civ., 5 septembre 2019, pourvoi n° 18-21.717), laquelle peut être prononcée par le conseiller de la mise en état (article 914 du code de procédure civile) ou par la cour d’appel (2e Civ., 11 mai 2017, pourvois n° 15-27.467 et 16-14.868 publiés), y compris d’office. De même a-t-elle précisé que la cour d’appel a la faculté de relever d’office cette caducité, dès lors que l’intimé comparant ne l’a pas soulevée devant le conseiller de la mise en état (2e Civ., 17 octobre 2013, pourvoi n° 12-21.242 publié).    

L’arrêt du 17 novembre 2022, qui se prononce sur l’hypothèse, différente, dans laquelle l’intimé n’est pas comparant, retient qu’il n’entre pas dans l’office du juge d’appel de vérifier si les conclusions de l’appelant ont été signifiées dans le délai prévu. Il lui incombe, en revanche, de vérifier que l’intimé a été régulièrement appelé à l’instance, cette obligation résultant des prescriptions de l’article 14 du code de procédure civile aux termes duquel nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée.

L'article 472 du code de procédure civile, qui impose au juge de ne faire droit aux prétentions et moyens de l'appelant que dans la mesure où il les estime réguliers, recevables et bien fondé, ne reçoit pas application dans le cas considéré. En effet, l’intimé qui a été régulièrement appelé à l’audience a été mis en mesure de se défendre et il n’appartient pas au juge d’appel de suppléer sa carence (en ce sens: 2e Civ., 16 mai 2019, pourvoi n° 18-14.681).

Précisions sur la notion d’indivisibilité procédurale

2e Civ., 17 novembre 2022, pourvoi n° 20-19.782, publié au Bulletin

Sommaire :

Il résulte de l'article 553 du code de procédure civile qu'en l'absence d'impossibilité d'exécuter simultanément deux décisions concernant les parties au litige, l'indivisibilité, au sens de l'article 553 du code de procédure civile, n'étant pas caractérisée, l'appel de l'une des parties ne peut pas produire effet à l'égard d'une partie défaillante.

Viole ce texte, la cour d'appel qui, en l'absence d'impossibilité de poursuivre simultanément l'exécution du jugement ayant condamné l'assureur et l'arrêt déboutant la victime de sa demande de condamnation de l'assuré, rejette la demande de la victime en condamnation solidaire de l'assuré et de l'assureur, ce dernier étant défaillant, alors que l'appel de l'assuré ne pouvait produire effet à l'égard de l'assureur.

 

Commentaire :

Par cet arrêt, la deuxième chambre civile précise le sens de sa jurisprudence relative à la notion d’indivisibilité procédurale (voir notamment 1ère Civ., 12 octobre 2004, pourvoi n° 00-17.367, bull. n° 220  et  2e Civ., 7 janvier 2016, pourvoi n° 14-13.721, bull.  n° 8).

Elle confirme d’abord que l’indivisibilité procédurale, sur laquelle est exercé un contrôle soutenu de motivation, est une notion de pur droit.

En filigrane, pourrait-on dire, elle positionne ensuite l’indivisibilité procédurale comme une exception au principe de divisibilité énoncé à l’article 324 du code de procédure civile. C’est bien ce statut d’exception qui justifie de donner à cette notion une acception étroite, en écho à la règle selon laquelle le procès est la chose des parties.

Enfin, cet arrêt important confirme et stabilise l’évolution jurisprudentielle de la définition de l’indivisibilité procédurale, telle qu’elle se retrouve sous la plume, de plusieurs auteurs de doctrine, définie par un arrêt du 9 juin 2022 (2e Civ., 9 juin 2022, pourvoi n° 20-15.827, publié au Bulletin), pris au visa de l’article 529 du code de procédure civile, comme une indivisibilité du litige qui nécessite l'impossibilité d'exécuter simultanément plusieurs chefs de dispositifs de jugements dans un même litige.

Ramassant la formulation de cette définition, l’arrêt ici commenté énonce que l’indivisibilité, au sens de l’article 553 du code de procédure civile, en d’autres termes à l’égard de plusieurs parties, est caractérisée par l’impossibilité d’exécuter simultanément deux décisions concernant les parties au litige.

Au cas considéré, notons-le, on pourra faire le constat que l’exercice par un plaideur de la liberté dont il dispose de former ou non appel implique des conséquences qu’il lui revient d’assumer. Ainsi, l’assureur qui fait le choix de ne pas interjeter appel doit-il s’attendre à ce qu’en l’absence d’indivisibilité, l’appel de la victime ne produise pas effet à son égard. 

Incidence de la communication électronique sur la vérification du dépôt des conclusions avant l’ordonnance de clôture et information des parties de la date à laquelle cette ordonnance sera rendue

2e Civ., 8 décembre 2022, pourvoi n° 21-10.744, publié au Bulletin

Sommaire :

▪ Il résulte de la combinaison des articles 748-1, 748-3, 783, devenu 802, et 930-1 du code de procédure civile que lorsqu'il est recouru, dans la procédure d'appel avec représentation obligatoire, à la communication par voie électronique, les conclusions sont déposées aux jour et heure mentionnés dans le dossier du réseau privé virtuel des avocats (RPVA).

▪ Il résulte de l'article 783, devenu 802, du code de procédure civile, ce texte interprété à la lumière de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que des conclusions déposées après l'ordonnance de clôture ne peuvent être déclarées irrecevables lorsque leur auteur n'a pas été préalablement informé de la date à laquelle celle-ci devait être rendue.

Toutefois, le juge n'est pas tenu de vérifier d'office que les parties ont été avisées de la date de l'ordonnance de clôture. Il appartient à la partie qui, ayant remis ses conclusions après l'ordonnance de clôture, soutient ne pas avoir été préalablement avisée de la date de son prononcé, d'en solliciter la révocation.

 

Commentaire :

La deuxième chambre civile était saisie de deux questions : d’une part, celle de l’incidence de la mise en œuvre de la communication électronique devant les juridictions judiciaires sur la vérification du dépôt des conclusions avant l’ordonnance de clôture ; d’autre part, celle de l’information des parties de la date à laquelle cette ordonnance sera rendue.

 

1. Sur le premier point, il convient de rappeler qu’en application de l’article 783, devenu 802, du code de procédure civile, « après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office » et que, jusqu’alors, la Cour de cassation avait érigé une présomption selon laquelle les conclusions déposées le jour même de l’ordonnance de clôture étaient réputées l’avoir été avant celle-ci (Com., 4 juillet 2006, pourvoi n° 04-19.577, Bull. 2006, IV, n° 164 ; Com., 5 avril 2011, pourvoi n° 09-72.820 ; 3e Civ., 3 mai 2011, pourvoi n° 10-18.500).

Le dispositif de communication par voie électronique disposant d’une fonction d’horodatage (l’article 748-3 du code de procédure civile énonce, en son premier alinéa, que « les envois, remises et notifications mentionnés à l'article 748-1 font l'objet d'un avis électronique de réception adressé par le destinataire, qui indique la date et, le cas échéant, l'heure de celle-ci ») cette présomption perd sa raison d’être.

Aussi la deuxième chambre civile a-t-elle jugé qu’il résulte de la combinaison des articles 783, devenu 802, 748-1, 748-3 et 930-1 du code de procédure civile que lorsqu'il est recouru, dans la procédure d'appel avec représentation obligatoire, à la communication par voie électronique, les conclusions sont déposées aux jour et heure mentionnés dans le dossier du réseau privé virtuel des avocats (RPVA).

Au cas considéré, les dernières conclusions d’une partie et plusieurs pièces avaient, selon les constatations de l’arrêt attaqué, été remises le 10 décembre 2019 à 9h59, après que l'ordonnance de clôture avait été rendue le même jour et que la copie en avait été portée à la connaissance des parties par le RPVA, à 8h49.

Dès lors, l’arrêt approuve la cour d’appel qui, ayant fait ressortir que ces conclusions avaient été déposées après l'ordonnance de clôture, les a déclarées irrecevables.

 

2. Sur le second point, l’arrêt commenté rappelle qu’il résulte de l’article 783, devenu 802, du code de procédure civile, interprété à la lumière de l'article 6, §1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que des conclusions déposées après l'ordonnance de clôture ne peuvent être déclarées irrecevables lorsque leur auteur n'a pas été préalablement informé de la date à laquelle celle-ci devait être rendue (2e Civ., 8 juillet 2004, pourvoi n° 02-17.615, Bull., 2004, II, n° 376 ; 2e Civ., 1er juillet 2021, pourvoi n° 20-10.596, publié).

La deuxième chambre civile n’en précise pas moins que le juge n'est pas tenu de vérifier d'office que les parties ont été avisées de la date de l'ordonnance de clôture. Il appartient à la partie qui, ayant remis ses conclusions après l'ordonnance de clôture, soutient ne pas avoir été préalablement avisée de la date de son prononcé, d'en solliciter la révocation. A cet égard, cette omission peut constituer une cause grave justifiant une telle mesure, en particulier en cas de violation des droits de la défense.

Accomplissement des actes de la procédure d’appel par le défenseur syndical

2e Civ., 8 décembre 2022, pourvoi n° 21-16.186, publié au Bulletin et au Rapport

2e Civ., 8 décembre 2022, pourvoi n° 21-16.487, publié au Bulletin

Sommaires :

1ère espèce :                

Le défenseur syndical, que choisit l'appelant pour le représenter, bénéficie d'un statut résultant de dispositions légales et réglementaires qui sont destinées à offrir au justiciable représenté par celui-ci des garanties équivalentes à celles du justiciable représenté par un avocat quant au respect des droits de la défense et de l'équilibre des droits des parties.

Il en résulte que, s'il n'est pas un professionnel du droit, il n'en est pas moins à même d'accomplir les formalités requises par la procédure d'appel avec représentation obligatoire sans que la charge procédurale en résultant présente un caractère excessif, de nature à porter atteinte au droit d'accès au juge garanti par l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

 

2nde espèce :

L'obligation impartie aux défenseurs syndicaux, en matière prud'homale, de remettre au greffe les actes de procédure, notamment les premières conclusions d'appelant, ou de les lui adresser par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, ne crée pas de rupture dans l'égalité des armes, dès lors qu'il n'en ressort aucun net désavantage au détriment des défenseurs syndicaux auxquels sont offerts, afin de pallier l'impossibilité de leur permettre de communiquer les actes de procédure par voie électronique dans des conditions conformes aux exigences posées par le code de procédure civile, des moyens adaptés de remise de ces actes dans les délais requis.

 

Commentaire :

Par deux arrêts rendus le même jour, la 2ème chambre civile de la Cour de cassation s’est prononcée sur les règles procédurales applicables aux défenseurs syndicaux qui exercent leur activité devant les juridictions d’appel.

Il convient de rappeler, à cet égard, que par un décret n°2016-660 du 20 mai 2016 relatif à la justice prud’homale et au traitement judiciaire du contentieux du travail, pris en application de la loi n°2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, a réformé la procédure prud’homale en introduisant la représentation obligatoire dans l’instance d’appel.

Pour mettre en œuvre ce principe, le législateur a dérogé, au profit des défenseurs syndicaux, au monopole de représentation des avocats devant les cours d’appel. L’article L.1453-4 du code du travail énonce que le représentant peut être soit un défenseur syndical, soit un avocat.

Mais si défenseurs syndicaux et avocats exercent les mêmes missions, ils se trouvent dans des situations différentes liées à leurs statuts respectifs.

Deux questions étaient soumises à la deuxième chambre civile :

- lorsque la partie est représentée devant la cour d’appel par un défenseur syndical et que la déclaration d’appel ne mentionne pas, conformément à l’article 901 du code de procédure civile, les chefs de dispositif du jugement, la sanction de l’absence d’effet dévolutif de l’appel est-elle disproportionnée ?

- l’obligation faite au défenseur syndical de remettre ses conclusions d’appelant au greffe de la cour d’appel ou par lettre recommandée avec accusé de réception porte-t-elle atteinte au principe de l’égalité des armes dès lors que l’avocat peut, quant à lui, satisfaire à la même obligation par la voie électronique?

 

1. A la première question, la Cour de cassation a répondu par la négative.

Elle a considéré qu’il n’y avait pas lieu d’appliquer aux défenseurs syndicaux devant la cour d’appel la jurisprudence dégagée en matière d’appel sans représentation obligatoire.

En effet, s’agissant de la sanction applicable lorsque l’appelant ne mentionne pas dans sa déclaration d’appel les chefs de dispositif du jugement, la deuxième chambre civile distingue selon que la procédure est avec ou sans représentation obligatoire. Elle juge ainsi que si, pour les procédures avec représentation obligatoire, il a été déduit de l'article 562, alinéa 1er, que lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas (2e Civ., 30 janvier 2020, pourvoi n° 18-22.528, publié) et que de telles règles étant dépourvues d'ambiguïté pour des parties représentées par un professionnel du droit (2e Civ., 2 juillet 2020, pourvoi n° 19-16.954, publié), un tel degré d'exigence dans les formalités à accomplir par l'appelant en matière de procédure sans représentation obligatoire constituerait une charge procédurale excessive, dès lors que celui-ci n'est pas tenu d'être représenté par un professionnel du droit. La faculté de régularisation de la déclaration d'appel ne serait pas de nature à y remédier (2e Civ., 9 septembre 2021, pourvoi n° 20-13.673).

Dans l’affaire concernant l’arrêt commenté, le demandeur au pourvoi soutenait que le défenseur syndical n’était pas un professionnel du droit et ne pouvait se voir opposer l’absence d’effet dévolutif de l’appel. La deuxième chambre civile, se fondant notamment sur le statut spécifique du défenseur syndical résultant d’un certain nombre de dispositions du code du travail, a considéré que le défenseur syndical que choisit l'appelant pour le représenter, s'il n'est pas un professionnel du droit, n'en est pas moins à même d'accomplir les formalités requises par la procédure d'appel avec représentation obligatoire sans que la charge procédurale en résultant présente un caractère excessif de nature à porter atteinte au droit d'accès au juge garanti par l'article 6, §1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Cette solution se fonde sur la finalité des dispositions du décret n°2016-660 du 20 mai 2016 relatif à la justice prud’homale et au traitement judiciaire du contentieux du travail. Ce texte soumet l’exercice de la fonction de défenseur syndical à des obligations, notamment de formation, et l’assortit de garanties propres. Dans une décision du 30 janvier 2019 (CE 30 janvier 2019, n° 401681), le Conseil d’Etat, s’inscrivant dans le sillage de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, a rappelé que les dispositions de ce texte ont pour objet tant d’assurer aux justiciables la qualité de leur défense que de concourir à une bonne administration de la justice en imposant le recours à des mandataires professionnels offrant des garanties de compétence ou à des défenseurs syndicaux dont le statut est destiné à assurer au justiciable des garanties équivalentes.

Dans sa décision n°2017-623 QPC du 7 avril 2017, le Conseil constitutionnel avait, en effet, déclaré conforme à la Constitution les deux premiers alinéas de l’article L.1453-8 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n°2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques. Après avoir constaté que les dispositions de la loi soumettent le défenseur syndical à une obligation de secret professionnel pour toutes les questions relatives aux procédés de fabrication, qu’elle lui imposent une obligation de discrétion à l’égard des informations ayant un caractère confidentiel et présentées comme telles par la personne qu’il assiste ou qu’il représente ou par la partie adverse dans le cadre d’une négociation, que tout manquement du défenseur syndical à ses obligations de secret professionnel ou de discrétion peut entraîner sa radiation de la liste des défenseurs syndicaux par l’autorité administrative, le Conseil constitutionnel avait jugé qu’il résulte de ces dispositions que sont assurées aux parties, qu’elles soient représentées par un avocat ou par un défenseur syndical, des garanties équivalentes quant au respect des droits de la défense et de l’équilibre des droits des parties.

Ainsi, la solution retenue par la deuxième chambre civile s’inscrit dans la logique du dispositif créé par la loi n°2015-990 du 6 août 2015, qui, s’il a apporté, dans l’instance d’appel des jugements des conseils de prud’hommes, une dérogation au monopole de représentation des avocats au profit des défenseurs syndicaux, a doté ceux-ci d’un statut spécifique destiné à assurer au justiciable des garanties équivalentes à celles des mandataires professionnels que sont les avocats.

 

2. Répondant à la seconde question, la deuxième chambre civile a jugé que l'obligation impartie aux défenseurs syndicaux, en matière prud'homale, de remettre au greffe les actes de procédure, notamment les premières conclusions d'appelant, ou de les lui adresser par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, ne crée pas de rupture dans l'égalité des armes, dès lors qu'il n'en ressort aucun net désavantage au détriment des défenseurs syndicaux auxquels sont offerts, afin de pallier l'impossibilité de leur permettre de communiquer les actes de procédure par voie électronique dans des conditions conformes aux exigences posées par le code de procédure civile, des moyens adaptés de remise de ces actes dans les délais requis.

Selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH, 24 avril 2003, Yvon c. France, n° 44962/98, § 31), le principe de l'égalité des armes est l'un des éléments de la notion plus large de procès équitable, au sens de l'article 6, §1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il exige un juste équilibre entre les parties, chacune d'elles devant se voir offrir une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son ou ses adversaires.

On observera que, dans sa décision du 30 janvier 2019 (CE 30 janvier 2019, n° 401681), citée plus haut, le Conseil d’Etat avait considéré que les avocats, professionnels du droit exerçant à titre habituel la mission d’assistance et de représentation des justiciables, se trouvent dans une situation différente des défenseurs syndicaux qui réalisent, à côté de leur activité professionnelle, des missions ponctuelles de représentation des justiciables devant les cours d’appel statuant en matière prud’homale et qu’alors que les avocats disposent d’un outil sécurisé de transmission par voie électronique des pièces de procédure aux juridictions civiles, il n’apparaissait pas que les défenseurs syndicaux pourraient être en mesure de communiquer les actes de procédure par voie électronique dans des conditions conformes aux exigences posées par le code de procédure civile.  Relevant qu’en cas d’impossibilité de transmission par voie électronique, les avocats sont tenus de remettre au greffe les actes de la procédure, le Conseil d’Etat en avait déduit qu’en soumettant les défenseurs syndicaux à la même exigence procédurale, la disposition critiquée n’établissait pas une différence de traitement disproportionnée au regard de l’objectif de bonne administration de la justice.

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