Sanction du défaut de confidentialité d’une médiation
2e Civ., 9 juin 2022, pourvoi n° 19-21.798, publié au Bulletin
Sommaire :
Il résulte des articles 21-3 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l'organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative, L. 612-3 du code de la consommation et 9 du code de procédure civile, qu'en dehors des cas dérogatoires prévus par la loi, l'atteinte à l'obligation de confidentialité de la médiation impose que les pièces produites sans l'accord de la partie adverse soient, au besoin d'office, écartées des débats par le juge.
Viole ces textes, le juge qui, dans un litige ayant été soumis à une procédure préalable de médiation, statue au vu des pièces versées aux débats sans écarter, au besoin d'office, celles couvertes par l'obligation de confidentialité qui étaient produites par le demandeur sans l'accord de l'adversaire.
Commentaire :
Dans cette affaire, la Cour de cassation avait à juger le pourvoi formé par une société proposant des véhicules de location à l’encontre du jugement l’ayant condamnée au profit d’un consommateur. Celui-ci avait invoqué, au soutien de son assignation, et avait produit sans l’accord de son adversaire, des pièces relatives à une tentative préalable de médiation. La société reprochait au tribunal d’avoir rejeté sa demande de nullité de l’assignation, alors que la divulgation en cause lui causait nécessairement un préjudice, et de ne pas avoir accueilli sa demande de rejet des débats des pièces litigieuses.
On sait que la confidentialité de la médiation est un principe directeur du processus de médiation, de niveau européen (directive du 21 mai 2008), relayé par le droit interne (loi du 8 février 1995), qui interdit aux parties, sans leur accord ou à défaut de circonstances dérogatoires -qui n’étaient pas réunies en l’espèce - de produire devant un tribunal des pièces relatives à ce processus. Divers textes, dont l’article L. 612-3 du code de la consommation, ont fait dériver de ce principe une obligation de confidentialité pesant sur les parties.
Pour autant, aucun texte n’a prévu de sanction à la méconnaissance de la confidentialité de la médiation au cours d’une instance judiciaire.
La transgression de ce principe ne pouvait être qualifiée d’irrégularité de fond, l’énumération de l’article 117 du code de procédure civile présentant un caractère limitatif.
Elle ne pouvait davantage être qualifiée de vice de forme, s’agissant de la violation d’un principe substantiel gouvernant la conduite du procès, et non de la méconnaissance d’une simple formalité.
La Cour de cassation s’est placée sur le terrain de l’article 9 du code de procédure civile qui impose aux parties de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de ses prétentions. Dans la mesure où il appartient au juge d’examiner les éléments de preuve, il s’impose à lui de vérifier, même d’office, qu’aucune des pièces qui sont produites ne sont des pièces couvertes par la confidentialité qui s’attache à une tentative de médiation. Et si tel est le cas, le juge n’a d’autre choix que d’écarter des débats ces pièces illicites après s’être préalablement assuré qu’elles ont été produites sans l’accord de la partie adverse.
Privée de tout ou partie de ses moyens de preuve, la parte concernée se verra ainsi sanctionnée de manière efficace.
Cette solution donne ainsi son plein effet au caractère substantiel de l’obligation de la confidentialité.