N°5 - Janvier 2023 (Appel civil)

Lettre de la deuxième chambre civile

Une sélection commentée des décisions rendues par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation (Accidents de la circulation / Appel civil / Procédure civile - médiation / Procédure civile d'exécution / Sécurité sociale - cotisations / Sécurité sociale - indu de professionnels de santé / Sécurité sociale - prestations / Sécurité sociale - retraites / Sécurité sociale - risques professionnels)

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Lettre de la deuxième chambre civile

N°5 - Janvier 2023 (Appel civil)

Application dans le temps de l’obligation de mentionner expressément la demande d'infirmation ou d'annulation du jugement dans le dispositif des conclusions d’appel

2e Civ., 9 juin 2022, pourvoi n° 20-22.588, publié au Bulletin

Sommaire :

Il résulte des articles 542, 908 et 954 du code de procédure civile que l'appelant doit, dans le dispositif de ses conclusions, mentionner qu'il demande l'infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l'anéantissement, ou l'annulation du jugement. En cas de non-respect de cette règle, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement, sauf la faculté qui lui est reconnue de relever d'office la caducité de l'appel. Lorsque l'incident est soulevé par une partie, ou relevé d'office par le conseiller de la mise en état, ce dernier, ou le cas échéant la cour d'appel statuant sur déféré, prononce la caducité de la déclaration d'appel si les conditions en sont réunies.

Cette obligation de mentionner expressément la demande d'infirmation ou d'annulation du jugement, affirmée pour la première fois par un arrêt publié (2e Civ., 17 septembre 2020, pourvoi n° 18-23.626, Bull.), fait peser sur les parties une charge procédurale nouvelle. Son application immédiate dans les instances introduites par une déclaration d'appel antérieure à la date de cet arrêt, aboutirait à priver les appelants du droit à un procès équitable.

Il s'ensuit que l'arrêt, par lequel une cour d'appel, statuant sur déféré d'une ordonnance du conseiller de la mise en état, qui avait rejeté l'incident de caducité dont il était saisi, déclare caduque la déclaration d'appel au motif que les premières conclusions de l'appelante ne comportait aucune formule indiquant qu'elle sollicitait l'infirmation ou la réformation de la décision critiquée, fait une exacte application de la règle de droit.

Mais la déclaration d'appel étant antérieure au 17 septembre 2020, l'arrêt doit être annulé dès lors que la portée donnée aux articles 542, 908 et 954, instaurant la nouvelle charge procédurale, n'était pas prévisible pour les parties à la date à laquelle il a été relevé appel, de sorte que l'appelante se trouve privée d'un procès équitable au sens de l'article 6,§ 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

 

Commentaire :

Cet arrêt s’inscrit dans le sillage de la jurisprudence novatrice issue de l’arrêt du 17 septembre 2020 (2e Civ., 17 septembre 2020, pourvoi n° 18-23.626, publié au Bulletin).

La situation en cause est celle d’un l’incident de caducité de la déclaration d’appel, faute pour le dispositif des conclusions de l’appelant de mentionner expressément la demande d’infirmation ou d’annulation du jugement, dans l’hypothèse où il est soulevé par l’intimé devant le conseiller de la mise en état. C’était aussi celle dont la Cour de cassation avait eu à trancher par un arrêt du 31 janvier 2019, non publié (2e Civ., 31 janvier 2019, pourvoi n° 18-10.983).

Dans l’affaire ici commentée, comme précédemment, la déclaration d’appel est à bon droit jugée caduque.

Toutefois, l’obligation et sa sanction résultant d’une jurisprudence désormais publiée, dont il ne serait pas équitable, au sens de l’article 6, §1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, qu’elle affectât une déclaration d’appel antérieure à sa date, soit le 17 septembre 2020, l’arrêt l’ayant mise en œuvre doit être annulé (et non cassé), le litige poursuivant, en cet état, son cours devant les juges du fond.

Indivisibilité du litige et dépendance entre plusieurs chefs de dispositif

2e Civ., 9 juin 2022, pourvoi n°21-11.401, publié au Bulletin

2e Civ., 9 juin 2022, pourvoi n°20-20.936, publié au Bulletin

2e Civ., 9 juin 2022, pourvoi n°20-15.827, publié au Bulletin

2e Civ., 9 juin 2022, pourvoi n°20-16.239, publié au Bulletin

Sommaires :

(1) Si l'appelant n'est pas tenu de mentionner dans la déclaration d'appel un ou plusieurs des chefs de dispositif du jugement qu'il critique, lorsqu'il entend se prévaloir de l'indivisibilité de l'objet du litige, il n'en doit pas moins se référer, dans la déclaration, à cette indivisibilité.

La cour d'appel, qui constate que la déclaration d'appel est « limitée aux chefs de jugement expressément critiqués » sans les détailler, en a exactement déduit qu'en l'absence de référence à l'indivisibilité de l'objet du litige dans la déclaration d'appel, l'effet dévolutif n'avait pas opéré.

(2) Si l'appelant n'est pas tenu de mentionner dans la déclaration d'appel un ou plusieurs des chefs de dispositif du jugement qu'il critique lorsqu'il entend se prévaloir de l'indivisibilité de l'objet du litige, il n'en doit pas moins se référer, dans la déclaration, à cette indivisibilité.

La cour d'appel, qui relève que la déclaration d'appel se borne à mentionner en objet que l'appel est total, sans référence à l'indivisibilité de l'objet du litige, en déduit donc exactement qu'elle n'est saisie d'aucun chef de dispositif du jugement.

(3) L'indivisibilité du litige, au sens des articles 529 et 905-2, alinéas 2 et 3, du code de procédure civile, nécessite l'impossibilité d'exécuter simultanément plusieurs chefs de dispositifs de jugements dans un même litige.

Il appartient aux juges du fond de caractériser une telle impossibilité d'exécution.

(4) Selon l'article 562, alinéa 1er, du code de procédure civile, l'appel ne défère à la cour d'appel que la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, lesquels s'entendent de tous ceux qui sont la conséquence des chefs de jugement expressément critiqués.

Il appartient à la cour d'appel de rechercher s'il existe un lien de dépendance entre les chefs de jugement et dont l'appelant invoque l'existence.

Dès lors, encourt la cassation un arrêt qui retient que ce moyen est inopérant, dès lors que l'appelant s'est abstenu de critiquer la disposition du jugement déféré.

 

Commentaire :

Par ces quatre arrêts rendus le même jour, la Cour de cassation affine les notions d’indivisibilité du litige et de dépendance entre plusieurs chefs de dispositif, toutes deux mentionnées à l’article 562 du code de procédure civile.

Les deux premiers arrêts précisent ce que doit être le contenu de la déclaration d’appel lorsque l’appelant entend se prévaloir de l’indivisibilité du litige, entraînant une dévolution pour le tout. Ils retiennent qu’en un tel cas, l’appelant n’est pas tenu de mentionner un ou plusieurs des chefs du dispositif critiqué - au demeurant une telle mention ne lui est pas interdite. A tout le moins, sa déclaration d’appel doit comporter une référence à l’indivisibilité du litige dont il entend se prévaloir. Aucune forme particulière n’est préconisée. Il suffit que la déclaration d’appel fasse mention de l’indivisibilité et permette à la cour d’appel de savoir que cette notion est invoquée. Une telle exigence suppose que l’appelant recherche dès la déclaration d’appel si le litige peut être qualifié d’indivisible et s’assure de ce qu’il sera en mesure, le cas échéant, d’en justifier. A défaut, au stade auquel la cour d’appel sera appelée à statuer, celle-ci ne pourra que constater l’absence d’effet dévolutif de sa déclaration d’appel dès lors que cette dernière ne mentionne aucun chef de dispositif et qu’aucune indivisibilité n’est établie. L’appelant qui n’aurait pas initialement rempli ces conditions, pourrait néanmoins rectifier sa déclaration d’appel dans le délai qui lui est imparti pour conclure au fond, en faisant référence à l’indivisibilité et mettre ainsi sa déclaration d’appel en conformité avec ses conclusions. En revanche, il n’est pas loisible à l’appelant dont la déclaration d’appel se contente de mentionner « appel total » ou « appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués » sans faire mention de ces chefs, de se prévaloir, par la suite,  de l’indivisibilité du litige devant la cour d’appel. Tel était le cas qui se présentait à la Cour de cassation dans deux des arrêts commentés.

Le troisième arrêt donne une définition de la notion d’indivisibilité du litige. C’est une notion complexe, qui n’est pas définie par le code de procédure civile, et ne se confond pas avec des notions, voisines, telles, en particulier, que la solidarité des obligations en droit civil. L’arrêt retient que l'indivisibilité du litige nécessite l'impossibilité d'exécuter simultanément plusieurs chefs de dispositifs de jugements dans un même litige. En l’espèce la cour d’appel avait retenu qu’il existait une indivisibilité entre une SCI et sa locataire, cette dernière ayant été condamnée à cesser l’activité exercée dans les locaux loués, et, in solidum avec la SCI bailleresse, à remettre les locaux en état. L’arrêt est cassé, faute de caractériser l’impossibilité d’exécuter simultanément une condamnation de la SCI à remettre les locaux en l’état sans condamnation de sa locataire à cesser son activité et à remettre également les locaux en état.

Le dernier arrêt précise la notion de lien de dépendance entre différents chefs de jugements en indiquant qu’il s’agit de tous les chefs de jugement qui sont la conséquence des chefs de jugement expressément critiqués. En l’espèce il était reproché à la cour d’appel de n’avoir pas recherché s’il existait un lien de dépendance entre la demande relative au régime de responsabilité applicable à l’accident dont le demandeur avait été victime, qui n’était pas expressément critiquée, et la demande de mise hors de cause des assureurs du syndicat des copropriétaires de la résidence où s’était déroulé l’accident, expressément critiqué par l’appel.

Diligences à la charge de l’appelant

2e Civ., 19 mai 2022, pourvoi n° 21-10.423, publié au Bulletin

Sommaire :

Selon l'article 920, alinéa 2, 3 et 4 du code de procédure civile, copies de la requête, de l'ordonnance du premier président et un exemplaire de la déclaration d'appel visé par le greffier ou une copie de la déclaration d'appel dans le cas mentionné au troisième alinéa de l'article 919, sont joints à l'assignation. L'assignation informe l'intimé que, faute de constituer avocat avant la date de l'audience, il sera réputé s'en tenir à ses moyens de première instance. L'assignation indique à l'intimé qu'il peut prendre connaissance au greffe de la copie des pièces visées dans la requête et lui fait sommation de communiquer avant la date de l'audience les nouvelles pièces dont il entend faire état.

Il résulte de l'article 922 dudit code que la cour d'appel est saisie par la remise de la copie de l'assignation au greffe.

L'article 930-1 du même code prévoit que dans la procédure avec représentation obligatoire devant la cour d'appel, les actes de procédure sont remis à la juridiction par voie électronique ; l'irrecevabilité sanctionnant cette obligation est écartée lorsqu'un acte ne peut être transmis par voie électronique pour une cause étrangère à celui qui l'accomplit ; l'acte est en ce cas remis au greffe sur support papier.

Il en découle qu'aucune disposition n'impose aux parties de limiter la taille de leurs envois à la juridiction et de transmettre, par envois séparés, l'assignation à jour fixe et les pièces visées dans la requête prévue aux articles 918 et 920 du code de procédure civile.

Encourt la cassation un arrêt de cour d'appel, qui, pour constater l'irrecevabilité des assignations et la caducité de l'appel en application des articles 922 et 930-1 du code de procédure civile, retient que la taille de l'envoi de l'appelant correspondant aux assignations et leurs annexes était de 2,8 Mo et que ce n'est qu'en raison de la transmission simultanée des pièces que la taille de l'envoi global dépassait 11 Mo et que dès lors, l'appelant ne justifie pas de la cause étrangère alléguée qui l'aurait empêché de remettre au greffe par le RPVA une copie des assignations signifiées aux intimés.

 

Commentaire :

Cet arrêt est l’occasion de préciser les diligences à la charge de l’appelant, quant à la remise par voie électronique au greffe des actes de procédure dans les procédures avec représentation obligatoire.

L’arrêt a été rendu dans les circonstances suivantes : ayant saisi un premier président d'une requête en application de l'article 84, alinéa 2 du code de procédure civile, à la suite d’un jugement d’incompétence, un appelant a été autorisé à assigner à jour fixe pour une audience. L’appelant a remis au greffe copie de l’assignation.

La cour d’appel a relevé d’office le moyen tiré de la caducité de la déclaration d’appel en application des articles 930-1, 85 et 922 du code de procédure civile, faute pour l’appelant d’avoir transmis au greffe la copie de l’assignation, par voie électronique, via le RPVA,.

Après avoir constaté que l’assignation n’avait pas été remise via le RPVA, contrairement aux prescriptions de l’article 930-1, et pour considérer que l'appelant ne justifie pas de la cause étrangère alléguée qui l'aurait empêché de procéder ainsi, l’arrêt retient que la taille de l'envoi correspondant à l’assignation et aux annexes était de 2,8 Mo et que ce n'est qu'en raison de la transmission simultanée des pièces que la taille de l'envoi global dépassait 11 Mo.

Cependant, au visa des articles 920, 930 et 930-1 du code de procédure civile, la deuxième chambre casse l’arrêt en relevant qu’aucune disposition n'impose aux parties de limiter la taille de leurs envois à la juridiction et de transmettre, par envois séparés, l'assignation à jour fixe et les pièces visées dans la requête prévue aux articles 918 et 920 du code de procédure civile.

Effet dévolutif de l’acte d’appel qui ne vise pas expressément les chefs de dispositif critiqués – Pouvoirs respectifs du conseiller de la mise en état et de la cour d’appel

2e Civ., 19 mai 2022, pourvoi n° 21-10.685, publié au Bulletin

Sommaire :

Il résulte de l'article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, que lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas, quand bien même la nullité de la déclaration d'appel, fondée sur ce même grief, aurait été rejetée, seule la cour d'appel, dans sa formation collégiale, ayant le pouvoir, en application des articles L. 311-1 du code de l'organisation judiciaire et 542 du code de procédure civile, de statuer sur l'absence d'effet dévolutif, à l'exclusion du conseiller de la mise en état dont les pouvoirs sont strictement définis à l'article 914 du code de procédure civile.

 

Commentaire :

Au cas considéré, l’intimé avait saisi le conseiller de la mise en état d’une demande tendant à voir la déclaration d’appel, qui mentionnait uniquement en objet, « appel total », déclarée nulle faute de préciser les chefs du jugement attaqués. Le conseiller de la mise en état, estimant qu’il n’était pas démontré que cette irrégularité causait un grief à l’appelant, a rejeté cette demande.

Devant la cour d’appel, l’appelant a demandé qu’il soit jugé que l’acte d’appel, qui ne visait pas expressément les chefs de dispositif critiqués, était dépourvu de tout effet dévolutif. Lacour d’appel a fait droit à cette demande.

La question posée était celle de savoir si la cour d’appel pouvait retenir l’absence d’effet dévolutif de la déclaration d’appel du fait de l’absence de mention, dans cette déclaration, des chefs attaqués du jugement alors que le conseiller de la mise en état avait rejeté la demande de nullité de la déclaration d’appel fondée sur la même irrégularité.

Il avait été jugé précédemment jugé (2e Civ., 2 juillet 2020, pourvoi n° 19-16.954) que si la déclaration d'appel ne mentionne pas les chefs de jugement critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas, quand bien même la nullité de la déclaration d'appel n'aurait pas été sollicitée par l'intimé.

La situation en cause dans l’arrêt commenté était celle dans laquelle la nullité de la déclaration d’appel avait été demandée, mais écartée par le conseiller de la mise en état.  Il n’en est pas moins vrai que l’irrégularité de la déclaration d’appel qui ne mentionne pas les chefs du jugement attaqués peut être sanctionnée de deux façons : soit par le prononcé d’une nullité de forme de cette déclaration par le conseiller de la mise en état, soit par la reconnaissance de l’absence d’effet dévolutif d’une telle déclaration d’appel.

L’ arrêt commenté précise ainsi, d’une part, que l'effet dévolutif d’une telle déclaration n'opère pas, quand bien même la nullité de la déclaration d'appel  fondée sur ce même grief aurait été rejetée par le conseiller de la mise en état, d’autre part, que seule la cour d'appel, dans sa formation collégiale, peut statuer sur l’absence d'effet dévolutif, à l'exclusion du conseiller de la mise en état, qui, en revanche, a compétence pour se prononcer sur la demande de nullité de la déclaration d’appel pour vice de forme.

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