N°4 - Juillet 2022 (Sécurité sociale - Retraites)

Lettre de la deuxième chambre civile

Une sélection commentée des décisions rendues par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation (appel civil, assurances, assurance-vie, astreinte, avocats / honoraires, coopération judiciaire en matière civile / mesure d'exécution forcée, élections, procédure civile / signification, saisie immobilière, sécurité sociale / contentieux de l'opposabilité / cotisations / faute inexcusable / maladie professionnelle / prestations familiales / Retraites).

  • Procédure civile
  • appel civil
  • assurance (règles générales)
  • assurance de personnes
  • astreinte
  • avocat
  • avocat et conseil juridique
  • honoraires d'avocat
  • droit civil
  • procédures civiles d'exécution
  • procédures civiles d'exécution
  • élections
  • procédure civile
  • procédure civile
  • saisies
  • saisie immobilière
  • sécurité sociale
  • autres sécurité sociale
  • sécurité sociale, contentieux
  • sécurité sociale, contentieux
  • sécurité sociale, cotisations et contributions du régime général
  • accident du travail, maladie professionnelle
  • etat de santé - accident du travail et maladie professionnelle
  • sécurité sociale, prestations familiales
  • sécurité sociale, prestations familiales
  • retraites

Lettre de la deuxième chambre civile

N°4 - Juillet 2022 (Sécurité sociale - Retraites)

Détermination du droit à pension d’un médecin conventionné ayant fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire – Contrôle de proportionnalité (art. 1er du Protocole additionnel n°1 à la CEDH)

2e Civ., 25 novembre 2021, pourvoi n° 20-17.234, publié au Bulletin et au Rapport

Sommaire :

L'article 1er du Protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales implique, lorsqu'une personne est assujettie à titre obligatoire à un régime de retraite à caractère essentiellement contributif, un rapport raisonnable de proportionnalité exprimant un juste équilibre entre les exigences de financement du régime de retraite considéré et les droits individuels à pension des cotisants.

Les articles L. 644-1 du code de la sécurité sociale et 2 du décret du 22 avril 1949, modifié, relatif au régime d'assurance vieillesse complémentaire des médecins, d'une part, les articles L. 645-2 du code de la sécurité sociale et 2 du décret du 27 octobre 1972, modifié, tendant à rendre obligatoire le régime des prestations supplémentaires de vieillesse des médecins conventionnés, d'autre part, prévoient qu'en dehors des cas qu'ils visent, seul le paiement intégral de la cotisation annuelle due au titre de chacun de ces régimes ouvre droit à l'attribution de points de retraite.

Pour la détermination des droits d'un assuré faisant l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire clôturée pour insuffisance d'actif, au titre de ces régimes à caractère essentiellement contributif, l'exclusion des années durant lesquelles des cotisations n'ont pas été intégralement payées, sans aucune prise en compte des paiements partiels, si elle contribue à l'équilibre financier de ces régimes, porte une atteinte excessive au droit fondamental garanti en considération du but qu'elle poursuit et ne ménage pas un juste équilibre entre les intérêts en présence.

 

Commentaire :

Le litige à l’origine du pourvoi soumis à la deuxième chambre civile de la Cour de cassation se rapporte à la détermination des droits à pension, au titre du régime d'assurance vieillesse complémentaire des médecins et du régime des prestations supplémentaires de vieillesse des médecins conventionnés, d’un médecin exerçant à titre libéral ayant fait l’objet d’une liquidation judiciaire clôturée pour insuffisance d’actif.

La deuxième chambre civile avait déjà répondu à la question posée par le pourvoi (2ème Civ., 26 novembre 2020, pourvoi n° 19-21.207, publié au Bulletin), en jugeant qu’il résulte de la combinaison des articles L. 644-1 du code de la sécurité sociale et 2 du décret du 22 avril 1949, modifié, relatif au régime d'assurance vieillesse complémentaire des médecins, d’une part,  des articles L. 645-2 du code de la sécurité sociale et 2 du décret du 27 octobre 1972, modifié, tendant à rendre obligatoire le régime des prestations supplémentaires de vieillesse des médecins conventionnés, d’autre part,  interprétés à la lumière de l'article 1er du Protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qu'en dehors des cas qu'ils visent, le report, chaque année, au compte de l'assuré, des points de retraite au titre du régime d'assurance vieillesse complémentaire des médecins et du régime des prestations supplémentaires de vieillesse des médecins conventionnés procède exclusivement du versement, pour l'intégralité de son montant, de la cotisation annuelle prévue pour chacun de ces régimes, et ne peut donc faire l'objet d'une proratisation en fonction de la fraction de la cotisation annuelle effectivement versée par l'assuré.

Toutefois, par un arrêt postérieur  (2ème Civ., 12 mai 2021, pourvoi n°19-20.938, en cours de publication), rendu à propos de la « clause de stage » du régime d’assurance vieillesse de base des avocats, la deuxième chambre civile a jugé que l'article 1er du Protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales implique, lorsqu'une personne est assujettie à titre obligatoire à un régime de retraite à caractère essentiellement contributif, un rapport raisonnable de proportionnalité exprimant un juste équilibre entre les exigences de financement du régime de retraite considéré et les droits individuels à pension des cotisants.

Faisant application de cette « grille » d’analyse aux dispositions législatives et réglementaires applicables au litige régissant les deux régimes d’assurance vieillesse en cause, la deuxième chambre civile juge désormais que pour la détermination des droits d’un assuré faisant l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire clôturée pour insuffisance d’actif, au titre de ces régimes à caractère essentiellement contributif, l’exclusion des années durant lesquelles des cotisations n’ont pas été intégralement payées, sans aucune prise en compte des paiements partiels, si elle contribue à l’équilibre financier de ces régimes, porte une atteinte excessive au droit fondamental garanti en considération du but qu’elle poursuit, et ne ménage pas un juste équilibre entre les intérêts en présence.

Elle conclut ainsi à l’inconventionnalité des dispositions en cause au regard des dispositions de l’article 1er du Protocole additionnel n°1 à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Caractère rétroactif d’une modification réglementaire du régime de retraite à points de l’IRCANTEC

2e Civ., 6 janvier 2022, pourvoi n° 19-24.501, publié au Bulletin et au Rapport

Sommaire :

Il résulte des articles 11 ter de l'arrêté du 30 décembre 1970 relatif aux modalités de fonctionnement du régime de retraite complémentaire des assurances sociales institué par le décret n° 70-1277 du 23 décembre 1970, dans sa rédaction issue de l'arrêté du 13 juillet 1977, et 8 de l'arrêté du 23 septembre 2008 modifiant l'arrêté du 30 décembre 1970, qui régissent le régime d'assurance vieillesse complémentaire des agents non titulaires de l'Etat et des collectivités publiques géré par l'Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'Etat et des collectivités publiques (IRCANTEC), que les points de retraite sont acquis au fur et à mesure des périodes de chômage qui en constituent le fait générateur.

Dès lors, l'article 8 de l'arrêté du 23 septembre 2008, en ce qu'il remet en cause l'acquisition, à titre gratuit, par les assurés ayant sollicité la liquidation de leur pension de retraite complémentaire postérieurement au 1er janvier 2009, de points de retraite au titre des périodes de chômage effectuées entre le 1er août 1977 et le 1er janvier 2009, présente un caractère rétroactif et comme tel méconnaît le principe de non-rétroactivité des actes réglementaires.

Viole ces dispositions et ce principe la cour d'appel qui déboute l'assuré de sa demande de prise en compte, pour la liquidation de sa pension de retraite complémentaire, des points de retraite acquis au titre des périodes de chômage antérieures au 1er janvier 2009.

 

Commentaire :

Le pourvoi soumis à la deuxième chambre civile portait sur les conditions d’application dans le temps de la modification, par voie réglementaire, de l’une des règles du régime d’assurance vieillesse complémentaire des agents non titulaires de l’Etat et des collectivités publiques géré par l’IRCANTEC, relative à l’attribution gratuite de points de retraite au titre des périodes de chômage.

Le régime de l’IRCANTEC est un régime de retraite complémentaire, obligatoire, par répartition, à points.

D’une part, la Cour de cassation juge que « les règles qui déterminent les conditions d'ouverture et le calcul de la prestation de retraite sont celles en vigueur au jour de l'entrée en jouissance de celle-ci » (2ème Civ., 26 mai 2016, pourvoi n° 15-16.094, Bull. 2016, II, n° 146).

D’autre part, s’agissant des conditions d’application dans le temps des modifications des règles d’acquisition des points dans les régimes de retraite à points, la Cour de cassation juge que les institutions de retraite complémentaire ne peuvent pas remettre en cause, même pour assurer l'équilibre financier des régimes qu'elles gèrent, quel que soit leur mode d'acquisition, le nombre des points acquis par les participants dont la retraite a été liquidée avant l'entrée en vigueur de la réforme (Soc., 23 novembre 1999, pourvoi n° 97-18.980, 97-19.055, 97-20.248, 97-21.053, 97-21.393, Bull. civil 1999, V, n° 453).                                         

Elle admet, en revanche, que soit remise en cause la valeur du point de retraite, même après la liquidation de la pension de retraite (2ème Civ., 17 avril 2008, pourvoi n° 07-12.144).

Par le présent arrêt, la deuxième chambre civile énonce qu’il résulte des textes régissant, pour le régime de retraite complémentaire géré par l’IRCANTEC, l’attribution des points de retraite au titre des périodes de chômage, que ces points de retraite sont acquis au fur et à mesure des périodes de chômage qui en constituent le fait générateur.

Elle en déduit que les dispositions réglementaires litigieuses remettent en cause l’acquisition, à titre gratuit, par les assurés ayant sollicité la liquidation de leur pension de retraite complémentaire postérieurement au 1er janvier 2009, de points de retraite au titre des périodes de chômage effectuées entre le 1er août 1977 et le 1er janvier 2009, de sorte qu’elles présentent un caractère rétroactif.

Comme telles, elles méconnaissent ainsi le principe de non rétroactivité des actes administratifs.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.