N°4 - Juillet 2022 (Avocats, honoraires)

Lettre de la deuxième chambre civile

Une sélection commentée des décisions rendues par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation (appel civil, assurances, assurance-vie, astreinte, avocats / honoraires, coopération judiciaire en matière civile / mesure d'exécution forcée, élections, procédure civile / signification, saisie immobilière, sécurité sociale / contentieux de l'opposabilité / cotisations / faute inexcusable / maladie professionnelle / prestations familiales / Retraites).

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Lettre de la deuxième chambre civile

N°4 - Juillet 2022 (Avocats, honoraires)

Libre paiement des honoraires d’avocat après service fait – Exigence d’un paiement effectué « en toute connaissance de cause »

2e Civ., 10 novembre 2021, pourvoi n° 19-26.183, publié au Bulletin

Sommaire :

La règle selon laquelle, le client qui a librement payé les honoraires d’avocat après service rendu ne peut plus les contester, ne s’applique que lorsque le paiement est effectué en toute connaissance de cause.

Dès lors, c’est à bon droit que le premier président qui, après avoir prononcé la nullité de la convention d’honoraire, n’est pas tenu de rechercher si le client a autorisé le prélèvement de l’honoraire de résultat après service rendu, fixe les honoraires par référence aux critères de l’article 10 de la loi du 31 décembre 1971.

 

Commentaire :

La Cour de cassation considère que, si le juge de l’honoraire apprécie  souverainement, d'après les conventions des parties et les circonstances de la cause, le montant de l'honoraire dû à l'avocat, il ne lui appartient pas de le réduire, dès lors que son principe et son montant ont été acceptés par le client après service rendu (2e Civ., 18 septembre 2003, pourvoi n° 01-16.013, Bull. 2003, II, n°279 ; 2e Civ.,14 juin 2018, pourvoi n° 17-20727 ; 2e  Civ. 5 juillet 2018, pourvoi n° 17-21532  ;  2e Civ., 8 février 2018, pourvoi n° 16-22.217, Bull. 2018, II, n° 25).

Il est, en effet, constant que le client qui a librement payé les honoraires d’avocat après service rendu ne peut plus les contester, même en l’absence de convention d’honoraires préalable (2ème Civ, 6 mars 2014, n° 13-14.922, Bull. 2014, II, n° 62).

Toutefois, cette règle n'est applicable que si le client a accepté le montant de l'honoraire en « toute connaissance de cause », éclairé par des factures précisant les diligences effectuées et répondant aux exigences de l'article L. 441-3 du code de commerce (2e Civ., 19 octobre 2006, n° 05-10.428 ; 2e Civ, 6 juillet 2017, n° 16-19.354) et que ne sont établis ni vice de consentement ni impossibilité pour le client de comprendre à quoi correspondaient les sommes qui lui étaient réclamées (2e Civ., 13 décembre 2012, n° 11-28.822 ; 2e Civ., 21 décembre 2006, n° 04-20.176).

Par l’arrêt du 14 octobre 2021, commenté, la deuxième chambre civile se prononce sur la question, qui n’avait pas été tranchée auparavant, de l’application de cette règle lorsque l’annulation d’une convention d’honoraires a été prononcée en raison du caractère illicite du pacte de quota litis, lequel, on le sait, détermine exclusivement les honoraires d’avocat en fonction du résultat judiciaire obtenu.

Par cette décision, publiée, la Cour de cassation affirme que, dans une telle hypothèse, le paiement des honoraires après service rendu ne peut plus être considéré comme ayant été effectué librement et que le juge de l’honoraire, sans avoir à rechercher si ce paiement est intervenu en toute connaissance de cause, fixe le montant des honoraires dus par référence aux seuls critères de l’article 10 de la loi du 31 décembre 1971.

Un avocat en situation de dépendance économique vis-à-vis de son client est en droit d’invoquer un consentement vicié par la violence pour se prévaloir de la nullité d’un accord d’honoraires

2e Civ., 9 décembre 2021, pourvoi n° 20-10.096, publié au Bulletin

Sommaire :

S’il résulte des articles 1er et 3 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 que l’avocat doit en toutes circonstances être guidé dans l’exercice de sa profession par le respect des principes de dignité, de conscience, d’indépendance, de probité et d’humanité et s’il doit, en particulier, veiller à préserver son indépendance, ces dispositions ne sauraient priver l’avocat, qui se trouve, dans une situation de dépendance économique vis à vis d’un client, du droit, dont dispose tout contractant, d’invoquer un consentement vicié par la violence, et de se prévaloir ainsi de la nullité de l’accord d’honoraires conclu avec ce client. 

 

Commentaire :

Un avocat auquel l’Association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés (l’AGS) avait confié la défense de ses intérêts dans une série de litiges concernant les salariés d’une même association, et qui avait suivi l’ensemble des dossiers en première instance, s’est vu charger du suivi d’une partie de ceux-ci lors de la procédure d’appel, avant que l’AGS ne mette fin à son mandat au cours de cette instance.

L’avocat a alors demandé au bâtonnier de son ordre de fixer l’ensemble des honoraires dont il estimait l’AGS redevable à son égard, tant au titre d’un complément pour la première instance, qu’au titre de la procédure d’appel et de son intervention lors de la procédure collective ouverte à l’égard de l’association.

À la suite d’un premier pourvoi (2e Civ., 25 octobre 2018, n° 17-24.606) ayant abouti à la censure de l’ordonnance rendue par le premier président saisi du recours formé par l’avocat contre la décision du bâtonnier, le premier président, saisi sur renvoi de cassation, retenant que l’avocat s’était trouvé dans l’obligation d’accepter le forfait d’honoraires proposé par l’AGS pour le suivi de la procédure d’appel, en raison de son état de dépendance économique à l’égard de celle-ci, et jugeant que cette situation caractérisait une contrainte économique constitutive d’un vice du consentement, a fixé le montant de ses honoraires en application de l’article 10 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971.

L’AGS a formé un pourvoi contre la décision du premier président en soutenant notamment que la profession d’avocat est une profession libérale et indépendante et que les principes du serment qui guident l’avocat l’empêchent de se placer en situation de dépendance économique vis-à-vis de l’un de ses clients, en sorte que la convention d’honoraires qui avait été conclue ne pouvait être annulée, au motif que l’avocat était en difficulté financière et donc dépendant de l’AGS.

La chambre n’a pas suivi le moyen du pourvoi qui tendait à ce que soit sanctionnée l’éventuelle violation d’une telle exigence déontologique, dont la constatation et la sanction obéissent à leurs propres règles, par l’éviction des principes régissant le droit des contrats, applicable à la convention d’honoraires.

Tout en rappelant qu’un avocat devait en toutes circonstances être guidé par le respect des principes affirmés dans son serment et veiller, en particulier, à préserver son indépendance, elle a par conséquent décidé qu’il ne saurait pour autant se trouver privé du droit dont dispose tout contractant d’invoquer un consentement vicié par la violence et de se prévaloir ainsi, lorsqu’il se trouve dans une situation de dépendance économique vis à vis d’un client, de la nullité de l’accord d’honoraires conclu avec celui-ci.

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