N°4 - Juillet 2022 (Assurances)

Lettre de la deuxième chambre civile

Une sélection commentée des décisions rendues par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation (appel civil, assurances, assurance-vie, astreinte, avocats / honoraires, coopération judiciaire en matière civile / mesure d'exécution forcée, élections, procédure civile / signification, saisie immobilière, sécurité sociale / contentieux de l'opposabilité / cotisations / faute inexcusable / maladie professionnelle / prestations familiales / Retraites).

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Lettre de la deuxième chambre civile

N°4 - Juillet 2022 (Assurances)

Faute intentionnelle et faute dolosive de l’assuré – Exclusions de garantie – Quelle intention caractériser ?

2e Civ., 20 janvier 2022, n° 20-10.529, publié au Bulletin2e Civ., 20 janvier 2022, n° 20-13.245, publié au Bulletin

 

Sommaire 1 :

Une clause d'exclusion ne peut être tenue pour formelle et limitée, au sens de l'article L. 113-1, alinéa 1, du code des assurances, dès lors qu'elle doit être interprétée.

Viole ce texte la cour d'appel qui, pour faire application d'une clause excluant de la garantie « les dommages intentionnellement causés ou provoqués par toute personne assurée ou avec sa complicité », retient que les dommages résultant d'un incendie intentionnellement déclenché par l'assuré sont, dans les termes clairs et précis d'une clause formelle et limitée, exclus de la garantie de l'assureur, qu'ils aient été voulus et donc causés par leur auteur, ou qu'ils soient une conséquence involontaire de l'incendie déclenché par ce dernier qui les a ainsi provoqués, alors qu'elle procède à l'interprétation d'une clause ambiguë (1er arrêt).

 

Sommaire 2 :

1. Selon l'article L. 113-1, alinéa 2, du code des assurances, l'assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d'une faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré. La faute dolosive s'entend d'un acte délibéré de l'assuré commis avec la conscience du caractère inéluctable de ses conséquences dommageables.

Prive sa décision de base légale la cour d'appel qui, pour débouter la SNCF de ses demandes d'indemnisation formées contre l'assureur du tiers responsable, retient que ses dommages ont été provoqués par la décision de l'assuré de mettre fin à ses jours en se jetant sur les voies de chemin de fer et que ce choix délibéré a eu pour effet de rendre inéluctable la réalisation du dommage et de faire disparaître l'aléa attaché à la couverture du risque assuré, sans caractériser la conscience que l'assuré avait du caractère inéluctable des conséquences dommageables de son geste.

2. Une clause d'exclusion ne peut être tenue pour formelle et limitée, au sens de l'article L. 113-1, alinéa 1, du code des assurances, dès lors qu'elle doit être interprétée.

Viole ce texte la cour d'appel qui, pour juger formelle et limitée une clause excluant de la garantie « les dommages intentionnellement causés ou provoqués directement, ou avec complicité » par l'assuré, retient que l'absence de définition contractuelle de la cause ou de la provocation n'exclut pas la bonne compréhension d'une volonté de l'assureur d'exclure les dommages résultant d'un fait volontaire de l'assuré, qu'ils aient été voulus par ce dernier qui les a ainsi causés intentionnellement ou qu'ils en soient la conséquence involontaire pour l'intéressé qui les a ainsi provoqués directement, alors qu'elle procède ainsi à l'interprétation d'une clause ambiguë.

 

Commentaire :

L'article L. 113-1 alinéa 1 du code des assurances dispose que « les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l'assuré sont à la charge de l'assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police » et son alinéa 2 ajoute que « toutefois, l'assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d'une faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré ».

La faute intentionnelle ou dolosive de l’assuré constitue donc un cas d’exclusion légale de garantie. Pour autant, il est fréquent que des comportements similaires ou proches fassent  l’objet d’une clause d’exclusion contractuelle.

Les arrêts commentés précisent et clarifient la jurisprudence relative à ces deux types d’exclusion souvent invoqués par l’assureur de façon alternative.

S'agissant de la faute intentionnelle visée à l’article L. 113-1 du code des assurances, une jurisprudence très majoritaire la qualifie comme telle lorsque l'assuré a eu la volonté de causer le dommage tel qu'il est survenu (2e Civ., 1er juillet 2010, pourvoi n° 09-10.590, Bull. 2010, II, n°129 ; 2e Civ., 30 juin 2011, pourvoi n° 10-23.004, Bull. 2011, II, n°145).

S'agissant de la faute dolosive, elle a, récemment, gagné son autonomie dans la jurisprudence de la deuxième chambre civile.

En particulier, par un arrêt publié du 25 octobre 2018 (pourvoi n°16-23.103), a été approuvé l’arrêt d’une cour d'appel ayant qualifié de faute dolosive le choix délibéré d'un assuré d'attendre l'effondrement de la couverture de son immeuble, faute d'entretien, lequel avait eu pour effet de rendre inéluctable la réalisation du dommage et de faire disparaître l'aléa attaché à la couverture du risque. Il pouvait se déduire de cette décision que la faute dolosive supposait un comportement délibéré de l’assuré dont il ne pouvait ignorer qu’il conduirait inéluctablement à la réalisation du sinistre. C’est en ce sens que se sont également inscrits deux arrêts récents et publiés du 20 mai 2020 (pourvois n° 19-14.306 et n° 19-11.538), de même qu’un arrêt du 10 novembre 2021 (pourvoi n° 19-12.659).

Par l’arrêt commenté (pourvoi n°20-13.245), la deuxième chambre civile, statuant en formation de section, affine la définition de la faute dolosive, dont la qualification requiert, pour être retenue, la preuve d’une conscience chez l’assuré du caractère inéluctable des conséquences dommageables de son acte délibéré.

Par ailleurs, ce dernier arrêt, de même que celui rendu sur le pourvoi n° 20-10.529, clarifient une jurisprudence qui pouvait apparaître équivoque concernant des clauses d’exclusion rédigées dans des termes proches de ceux figurant au second aliéna de l’article L. 113-1 du code des assurances se référant en particulier à la notion de dommages « intentionnellement » « causés ou provoqués » par l’assuré.

On sait que pour être valables, les clauses d’exclusion doivent être formelles et limitées et que tel n’est pas le cas lorsqu’elles sont sujettes à interprétation (ex : 2e Civ., 8 octobre 2009, pourvoi n° 08-19.646, Bull. 2009, II, n° 237 ; 3e Civ., 27 octobre 2016, pourvoi n° 15-23.841, Bull. 2016, III, n° 140).                                 

La deuxième chambre civile avait pu, par un arrêt du 18 octobre 2012 (pourvoi n° 11-23.900) approuver l’analyse d’une cour d’appel selon laquelle une clause excluant « les dommages de toute nature causés ou provoqués intentionnellement par l'assuré ou avec sa complicité » était formelle et limitée, en ce sens qu’étaient exclus les dommages intentionnellement déclenchés, « qu’ils aient été voulus par leur auteur qui les a[vait] ainsi causés, ou qu'ils soient la conséquence involontaire pour leur auteur qui les a[vait] ainsi provoqués ». C’est d’ailleurs cette analyse qu’avaient retenue les juges du fond dans les deux affaires ayant donné lieu aux arrêts commentés.

La deuxième chambre civile est, cependant, revenue sur cette solution, par un arrêt du 12 juin 2014 (pourvois n° 13-17.509, 13-15.836, 13-25.565, 13-21.386, 13-16.397), en jugeant qu’une telle clause nécessitait d’être interprétée et, partant, n’était pas formelle et limitée.

Cependant,  après deux récents arrêts (2e Civ., 8 mars 2018, pourvoi n° 17-15.143 et 2e Civ., 16 septembre 2021, pourvoi n°19-25.678, publié au Bulletin), qui n’avaient pas retenu que les clauses excluant les dommages intentionnellement causés ou provoqués nécessitaient d'être interprétées, il était permis de s’interroger sur le point de savoir si,  désormais, pour la deuxième chambre civile, le sens à donner à une clause d'exclusion visant « les dommages causés ou provoqués », n'était pas, par assimilation pure et simple, celui retenu pour l’exclusion légale de la faute intentionnelle, conduisant, en quelque sorte, à une neutralisation des clauses considérées. Et, s’il en était ainsi, pouvait-on encore considérer que de telles clauses devaient être annulées en tant qu’elles étaient sujettes à interprétation ?

Cette interprétation négligeait le fait que dans les deux affaires considérées, la deuxième chambre civile n'avait pas été saisie de moyens de cassation l’invitant à se prononcer sur l'absence de caractère formel et limité des clauses litigieuses, étant rappelé qu’un tel moyen  ne peut être relevé d’office par la Cour de cassation. Seule était en débat devant le juge de cassation la définition de la faute intentionnelle. Sous cette forte limite, la deuxième chambre civile, fidèle à sa jurisprudence, n’avait pu que rappeler que la faute intentionnelle ne pouvait être caractérisée que par la volonté de l'assuré de causer le dommage, tel qu'il était survenu.

Par les arrêts du 20 janvier 2022, commentés à ces lignes, la deuxième chambre civile, saisie d’un moyen invoquant le caractère non formel et limité de la clause, réaffirme - en formation de section, nous l’avons dit –la permanence de la solution donnée par l'arrêt rendu le 12 juin 2014.

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