Autorité de chose jugée de l’arrêt de la Cour de cassation annulant une décision de rejet de demande d’inscription ou de réinscription sur une liste d’experts judiciaires
2e Civ., 17 juin 2021, pourvoi n° 20-60.054, F-B
Sommaire
L'autorité de chose jugée qui s'attache à l'arrêt, par lequel la Cour de cassation, statuant sur le recours formé contre une décision de rejet d'une demande d'inscription ou de réinscription sur une liste d'experts judiciaires, annule cette décision pour erreur manifeste d'appréciation, fait obstacle à ce que, en l'absence de modification de la situation de droit ou de fait, l'autorité chargée de l'établissement de cette liste reprenne la même décision pour un motif identique à celui qui a ainsi été censuré.
Commentaire
Par cet arrêt, la Cour de cassation rappelle la singularité du recours institué devant elle contre les décisions prises en matière d’inscription ou de réinscription des experts judiciaires par l’autorité chargée de l’établissement des listes.
Selon une jurisprudence constante, un tel recours « n'est pas un pourvoi en cassation » (2e Civ., 21 septembre 2006, pourvoi n° 05-21.978, Bull. 2006, II, n° 239) et les dispositions de l’article L. 431-4 du code de l'organisation judiciaire, relatives au renvoi de l’affaire devant une autre juridiction que celle dont émanait la décision censurée, ne sont pas applicables (2e Civ., 14 juin 2007, pourvoi n° 07-10.118, Bull. 2007, II, n° 162).
De fait, la Cour de cassation n’exerce qu’un contrôle restreint à l’erreur manifeste sur l'appréciation, portée par l’autorité chargée de l’établissement des listes, tant sur les qualités professionnelles du candidat que sur l'opportunité d'inscrire un technicien sur une liste, eu égard aux besoins des juridictions du ressort.
Dès lors, s’est posée la question de l’autorité attachée à l’arrêt annulant, pour une telle erreur manifeste d’appréciation, la décision de refus d'inscription ou de réinscription sur une liste et, corrélativement, des pouvoirs que conserve l’autorité chargée, à la suite d’une telle annulation, de réexaminer la demande du candidat.
L’arrêt du 14 juin 2007, pourvoi n° 07-10.118, précité, avait jugé qu’il ne pouvait être reproché à une assemblée générale des magistrats du siège d'une cour d'appel, saisie après l’annulation d'une précédente décision, d'avoir fondé un nouveau refus sur les mêmes motifs que la décision annulée dès lors que, la censure ayant été prononcée sur un grief de pure forme, la Cour de cassation n'avait pas examiné la motivation au fond de la décision annulée.
L’arrêt commenté, qui annule la décision d’une telle assemblée générale pour avoir repris une décision de refus de réinscription pour des motifs en substance identiques à ceux qui avaient été jugés entachés, sur le fond, d’une erreur manifeste d’appréciation par un précédent arrêt d’annulation, juge expressément qu’un tel arrêt de censure est assorti de l’autorité de chose jugée et que, dès lors, l’assemblée générale des magistrats ne peut prendre une décision similaire, fondée sur des motifs identiques, en l'absence de modification de la situation de droit ou de fait (à rapprocher, en matière de contentieux de l’excès de pouvoir devant le juge administratif : CE, 6 janvier 1995, n° 152654, publié au Recueil).