N°3 - Janvier 2022 (Clauses abusives)

Lettre de la deuxième chambre civile

Une sélection commentée des décisions rendues par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation : honoraires d'avocats, clauses abusives, experts judiciaires, saisie immobilière, indivision, sécurité sociale, pension de réversion...

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Lettre de la deuxième chambre civile

N°3 - Janvier 2022 (Clauses abusives)

La clause d’exclusion de garantie pour conduite sous l’empire d’un état alcoolique, qui délimite le risque assuré et l’engagement de l’assureur, n’est pas une clause abusive si elle est rédigée de façon claire et compréhensible

2e Civ., 8 juillet 2021, pourvoi n° 19-25.552, FS-B

Sommaire 1

Les clauses d’un contrat d’assurance excluant de la garantie du conducteur et de la garantie des dommages subis par le véhicule assuré les sinistres survenus lorsque le conducteur se trouvait sous l'empire d'un état alcoolique, en ce qu’elles délimitent le risque assuré et l'engagement de l'assureur, définissent l'objet principal du contrat. Rédigées de façon claire et compréhensible, elles échappent, comme telles, à l'appréciation du caractère abusif des clauses contractuelles, au sens de l'article L. 132-1, alinéa 7, devenu L. 212-1, alinéa 3, du code de la consommation.

 

Sommaire 2

La procédure de vérification de l’état alcoolique en cas d’accident de la circulation, prévue par les dispositions du code de la route et du code de la santé publique, qui est mise en œuvre d’office par l’autorité publique et qui est obligatoire en cas d’accident suivi de mort est assortie d’un ensemble de garanties tenant aux auteurs, aux méthodes de prélèvement ainsi qu’aux techniques de recherche et de dosage de l’alcool et en ce qu’elle prévoit la possibilité de solliciter une analyse de contrôle réalisée par un autre expert et, le cas échéant, le recueil de l'avis d'un troisième expert.

Dès lors, c’est sans méconnaître le principe de la contradiction qu’une  cour d’appel, pour apprécier si la preuve était rapportée par l’assureur de l’état alcoolique du conducteur au moment de l’accident ayant occasionné son décès et si la clause excluant la garantie dans de telles circonstances devait recevoir application, s’est fondée sur les seuls résultats obtenus à la suite de cette procédure de vérification, dès lors que ceux-ci avaient été régulièrement versés aux débats et soumis à la libre discussion des parties.

 

Commentaire

Dans cette affaire, l’épouse d’un conducteur décédé à la suite d’un accident de la circulation a contesté par plusieurs moyens l’application de clauses de son contrat d’assurance automobile qui excluait de certaines garanties les sinistres survenus lorsque le conducteur se trouvait sous l’empire d’un état alcoolique. Elle invoquait notamment le caractère abusif de ces clauses en ce qu’elles n’exigeaient pas que l’état alcoolique ait eu une influence sur la réalisation du sinistre.

Si les juges doivent normalement procéder d’office au contrôle du caractère abusif des clauses contractuelles (CJCE, 4 juin 2009, aff. C-243/08, Pannon), échappent à ce contrôle les clauses qui définissent l’objet principal du contrat, pour autant qu’elles soient rédigées de façon claire et compréhensible (art. L. 132-1, devenu L. 212-1 du code de la consommation, issu de la transposition de la directive n° 93/13/CEE du Conseil 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus entre les consommateurs).

En premier lieu, le juge doit donc rechercher si la clause définit l’objet principal du contrat. En l’espèce, la Cour de cassation, appliquant la méthode d'interprétation restrictive préconisée par la Cour de justice de l'Union européenne (voir en particulier : CJUE, 23 avril 2015, aff. C-96/14, Van Hove), juge que tel était le cas de la clause considérée, en ce qu’elle délimitait le risque assuré et l'engagement de l'assureur. C’est la première fois que la Cour de cassation statue en ce sens concernant une clause pouvant être qualifiée, indiscutablement, de clause d'exclusion de garantie. En revanche, il n’est pas jugé par cet arrêt que toute clause d'exclusion de garantie définit l’objet principal du contrat. En effet, la réflexion à cet égard doit être menée «au regard de la nature, de l'économie générale et de l'ensemble des stipulations du contrat ainsi que de son contexte juridique et factuel » (CJUE, arrêt précité).

En second lieu, le juge doit examiner si la clause est rédigée de façon claire et compréhensible. La Cour de cassation décide que tel était aussi le cas en l’espèce et que, dès lors, la cour d’appel n’avait pas à se livrer à la recherche invoquée par la demanderesse au pourvoi.

La seconde question posée par le pourvoi était relative à la force probante pouvant être attachée aux analyses réalisées au cours d'une enquête pénale aux fins de vérification de l'état alcoolique du conducteur. 

Le pourvoi s'appuyait sur le principe de la contradiction et sur la jurisprudence constante selon laquelle, si le juge ne peut refuser d'examiner une pièce régulièrement versée aux débats et soumise à la discussion contradictoire, il ne peut se fonder exclusivement sur une expertise non contradictoire et doit rechercher si elle est corroborée par d'autres éléments de preuve (Ch. Mixte, 28 septembre 2012, pourvoi n° 11-18.710, Bull., n° 2). 

Par l'arrêt commenté, la Cour de cassation réserve un sort particulier à la procédure de vérification de l'état alcoolique mise en œuvre au cours de l'enquête pénale en cas d'accident mortel de la circulation, en application des dispositions du code de la route et de celles du code de la santé publique.

L’examen scientifique réalisé sur réquisition d'un officier ou d'un agent de police judiciaire aux fins de détermination du taux d’alcool dans le sang est comparable, dans sa nature, à une expertise ordonnée par un juge d'instruction. Cependant, dès lors que cette procédure obligatoire de vérification est mise en œuvre d'office par l'autorité publique et est assortie d'un ensemble de garanties telles que la présence de l'enquêteur lors du prélèvement sanguin, l'application d'une méthode d'analyse unique imposée par arrêté et la possibilité de faire réaliser une analyse de contrôle, la Cour de cassation estime que le résultat de cette analyse, qui sera souvent le seul élément dont dispose l'assureur en cas de décès du conducteur, peut suffire à établir la preuve de l'état alcoolique de ce dernier, dès lors qu'il a été régulièrement versé aux débats et soumis à la libre discussion des parties.

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