N° 10 - Janvier 2024 (Appel civil)

Lettre de la deuxième chambre civile

Une sélection commentée des décisions rendues par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation (Appel civil / Procédure civile / Procédures civiles d'exécution / Accident de la circulation / Responsabilité et réparation / Astreinte / Surendettement des particuliers et des familles / Sécurité sociale / QPC A venir / Colloques).

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Lettre de la deuxième chambre civile

N° 10 - Janvier 2024 (Appel civil)

QUESTION NOUVELLE : Déclaration d’appel

La cour d’appel qui rend son arrêt postérieurement au 27 février 2022, doit appliquer, au besoin d’office, l'article 901 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2022-245 du 25 février 2022, qui prévoit que la déclaration d’appel peut comporter une annexe.

2e Civ., 26 octobre 2023, n°22-16.185, publié au Bulletin

Cet arrêt se prononce pour la première fois sur l’application à une instance en cours du décret n° 2022-245 du 26 février 2022, entré en vigueur le 27 février 2022, qui a modifié l'article 901 du code de procédure civile, prévoyant désormais que la déclaration d'appel est faite par acte, comportant le cas échéant une annexe.

L'article 6 de ce décret prévoit que ces modifications sont applicables aux instances en cours et dans son avis du  8 juillet 2022 ( Avis de la Cour de cassation, 8 juillet 2022, no 22-70.005), rappelé dans l’arrêt, la deuxième chambre a retenu que ce décret et l’arrêté du même jour modifiant l'arrêté du 20 mai 2020, sont immédiatement applicables aux instances en cours pour les déclarations d'appel qui ont été formées antérieurement à l'entrée en vigueur de ces deux textes réglementaires pour autant qu'elles n'ont pas été annulées par une ordonnance du magistrat compétent, qui n'a pas fait l'objet d'un déféré dans le délai requis, ou par l' arrêt d'une cour d'appel statuant sur déféré.

En l’espèce, l’appelante avait fait appel par déclaration du 3 mars 2020 et sa déclaration d’appel était complétée par un document annexé mentionnant les chefs du jugement critiqué. La cour d’appel, faisant application de la jurisprudence antérieure au décret du 25 février 2022, a considéré qu’elle n'était saisie d'aucune demande par la déclaration d'appel qui ne mentionnait aucun chef du jugement critiqué et alors qu’il n’était fait état d'aucune difficulté technique justifiant l'utilisation d'une pièce jointe.

Mais dans la mesure où l’instance était toujours en cours à la date d’entrée en vigueur du décret, soit le 27 février 2022, puisque l’arrêt n’a été rendu que le 31 mars 2022 et que l’instance devant la cour d’appel n’a pris fin qu’avec cet arrêt, le décret du 25 février 2022 précité devait trouver à s’appliquer au litige. Il appartenait à la cour d’appel de faire application de ce texte, au besoin d’office, et ce quand bien même la question n’avait été soulevée par l’avocat de l’appelante qu’au moment de la production d’une note en délibéré.

L’arrêt précise par ailleurs, même si en l’espèce l’avocat de l’appelante avait fait parvenir une note en délibéré pour demander à la cour d’appel de faire application du décret entré en vigueur en cours de délibéré, qu’il appartient à la cour d’appel de faire application de ce texte au besoin d’office.

QUESTION NOUVELLE : Conclusions d’appelant incident

Conclusions d’appelant incident dont le dispositif ne demande ni l’infirmation ni l’annulation du jugement. Application dans le temps de la solution dégagée par notre Cour par un arrêt publié du 17 septembre 2020.

2ème civ, 21 décembre 2023, pourvoi n° 21-22.239, publié au Bulletin

2ème civ, 21 décembre 2023, pourvoi n° 21-23.817, publié au Bulletin  

Il résulte des articles 542, 909 et 954 du code de procédure civile que, lorsque l’intimé forme un appel incident et ne demande, dans le dispositif de ses conclusions, ni l'infirmation, ni l'annulation du jugement, la cour d'appel ne peut que déclarer irrecevables ces conclusions, l'appel incident n'étant pas valablement formé.

L'application immédiate de cette règle de procédure, qui résulte de l'interprétation nouvelle d'une disposition au regard de la réforme de la procédure d'appel avec représentation obligatoire issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 et qui n'a jamais été affirmée par la Cour de cassation antérieurement dans un arrêt publié, dans les instances introduites par une déclaration d' appel antérieure à la date du 17 septembre 2020, aboutirait à priver les appelants du droit à un procès équitable (2e Civ., 1 juillet 2021, pourvoi n° 20-10.694, publié).

Le présent arrêt fait application de cette jurisprudence en soulignant que la date des conclusions par lesquelles l’appel incident est formé est indifférente pour déterminer si la nouvelle règle de procédure est applicable.

QUESTION NOUVELLE : Pas d’audience devant le conseiller de la mise en état statuant sur la caducité ou l’irrecevabilité des conclusions, sauf si les parties le lui demandent ou s’il décide d’office de l’organiser.

Civ. 2ème 26 octobre 2023 pourvoi n°21-22.315 publié au Bulletin

Par cet arrêt, la deuxième chambre civile répond à une question inédite, qui est celle de savoir si le conseiller de la mise en état doit tenir une audience lorsqu’il statue sur la caducité de la déclaration d’appel ou sur l’irrecevabilité des conclusions.

Aucun texte du code de procédure civile n’impose la tenue d’une audience. L’article 911-1, alinéa 2, du code de procédure civile exige uniquement que le conseiller de la mise en état recueille les observations des parties par écrit avant de statuer. Ce n’est finalement que lors du recours sur déféré contre cette ordonnance, si le conseiller de la mise en état ne décide pas d'office d'en organiser une, qu’une audience se tient devant la cour d’appel.

En revanche, la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme tend à affirmer un droit à l’organisation d’une audience (Ramos Nunes De Carvalho E SÁ c.Portugal, requêtes nos 55391/13, 57728/13 et 74041/13) sur le fondement de l’article 6,§1, de la Convention de sauvegarde et des libertés fondamentales. Il peut y être dérogé dans certains cas, notamment lorsque l’affaire soulève des questions purement juridiques et de portée restreinte (Allan Jacobsson c. Suède (no 2), 19 février 1998, § 49, Recueil 1998-I, et Mehmet Emin Simsek c. Turquie, no 5488/05, §§ 29-31, 28 février 2012 ; Varela Assalino c. Portugal (déc.), no 64336/01, 25 avril 2002, et Speil c. Autriche (déc.), no 42057/98, 5 septembre 2002).  

Dans le cas d’espèce, la décision prise par le conseiller de la mise en état soulève bien une question purement juridique, mais présente un enjeu important car elle met un terme au litige s’agissant de la caducité de la déclaration d’appel et ne permet plus à la partie de faire valoir ses observations en cas d’irrecevabilité des conclusions.

En imposant une audience uniquement lorsque la partie le sollicite ou lorsque le conseiller de la mise en état l’a décidé d’office, la deuxième chambre civile a ainsi concilié les textes, afin de ne pas créer une charge trop lourde pour les conseillers de la mise en état tout en préservant l’une des garanties à un procès équitable pour les parties. 

Destinataire des conclusions en réponse à un incident formé devant le président de chambre en cas de procédure d’appel avec représentation obligatoire à bref délai.

Civ. 2ème, 18 janvier 2024 pourvoi n°21-25.236 publié

Le pourvoi donne à la deuxième chambre civile l'occasion de se prononcer sur le point de savoir si en matière de procédure d'appel avec représentation obligatoire à bref délai, le président de chambre qui statue sur un incident de procédure aux fins d'irrecevabilité de l'appel en application de l'article 905-2 du code de procédure civile, est tenu ou non de répondre aux conclusions que l'appelant, défendeur à l'incident, a transmis, dans le délai imparti pour répondre, mais dans des conclusions adressées, non au président de chambre mais à la cour d'appel.

Contrairement aux dispositions expresses de l'article 914 du code de procédure civile en matière de procédure d'appel avec mise en état, aucun texte n'impose, quand la procédure d'appel est orientée à bref délai, de produire des conclusions sur incident spécialement destinées au président de la chambre.

La procédure à bref délai est une procédure accélérée, facultative ou de droit, destinée à répondre à l'urgence de certaines situations.

En cohérence avec cette finalité, il n'y a pas de désignation d'un conseiller de la mise en état (article 907 du code de procédure civile) et c'est le président de chambre qui détient certains pouvoirs limités et fixés au dernier alinéa de l'article 905-2 du code de procédure civile.

Il a été récemment jugé que l'article 905-1 du code de procédure civile qui confère au président de la chambre le pouvoir de relever d'office la caducité de la déclaration d'appel dans les conditions qu'il prévoit, ne fait pas obstacle à la faculté dont dispose la cour d'appel de relever d'office cette caducité. (2e Civ., 26 octobre 2023, pourvoi n° 21-23. 910)

Pour autant, lorsque l'affaire est orientée à bref délai et que le président de chambre est saisi d'un incident relevant de sa compétence en application de l'article 905-2 du code de procédure civile, il appartient au défendeur à l'incident de répondre par des conclusions adressées au président de chambre qui en a été saisi.

La cour d'appel ayant constaté que l'affaire avait été orientée à bref délai et que le président de chambre avait été saisi d'un incident par l'une des parties, elle en a déduit à bon droit, sans méconnaître les dispositions de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qu'il ne pouvait être reproché au président de chambre de ne pas avoir visé ces conclusions et de ne pas les avoir prises en considération.

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