N°1 - Mars 2021 (Procédure civile / Question prioritaire de constitutionnalité)

Lettre de la deuxième chambre civile

  • Procédure civile

Crise sanitaire de la Covid 19 : question prioritaire de constitutionnalité intéressant la possibilité de juger une affaire sans tenir d’audience

2e Civ., 24 septembre 2020, QPC n°20-40.056, FS-D

Par cette décision du 24 septembre 2020, la Cour de cassation a renvoyé devant le Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) relative à l’article 8 de l’ordonnance du 25 mars 2020, prise en application de la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 et à sa conformité à la garantie des droits qui découle de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.

Cet article 8 prévoit que, pour la période de l’état d’urgence sanitaire, et sous certaines conditions, le juge ou le président de la formation de jugement peut décider que la procédure se déroule sans audience. Les parties disposent d’un délai de quinze jours pour s’y opposer, sauf dans les procédures en référé, les procédures accélérées au fond et les procédures dans lesquelles le juge doit statuer dans un délai déterminé.

En premier lieu, la Cour de cassation a retenu que cet article 8, ayant trait à la procédure civile, relevait néanmoins du domaine législatif, en ce qu’il apporte une exception aux conditions posées par l’article L.212-5-1 du code de l’organisation judiciaire, issu de la loi no 2019-222 du 23 mars 2019, et instaure une procédure sans audience publique.  Appliquant la jurisprudence constitutionnelle (décisions n°2020-850/851 du 3 juillet 2020 et décision n°2020-843 QPC du 28 mai 2020), la Cour de cassation en a déduit que la disposition, issue d’une ordonnance non ratifiée mais ne pouvant à compter de l’expiration du délai d’habilitation être modifiée que par une loi, devait être regardée comme une disposition législative à compter du 24 juin 2020.

En second lieu, la Cour de cassation a constaté que « l’article 8 instaure une procédure sans audience, sans aucune possibilité pour les parties, dans les litiges spécifiques répondant à une condition d’urgence et qui donnent lieu, dans la plupart des cas, à des décisions exécutoires de plein droit, de s’opposer à la décision du juge, au surplus dispensée de motivation spécifique, d’organiser une telle procédure.»

Or, elle a rappelé que « la tenue d’une audience publique en matière civile est l’un des moyens propres à assurer le droit à un procès équitable, garanti à l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.» Le Conseil constitutionnel a retenu, en effet, dans une décision n°2019-778 DC du 21 mars 2019 que le principe de la publicité des audiences en matière civile est un principe constitutionnel, ce principe étant jusqu’à cette date un principe général du droit.

La Cour de cassation a donc jugé la question sérieuse et transmis la QPC au Conseil constitutionnel.

Ce dernier, par une décision n°2020-866 QPC du 19 novembre 2020, a, après avoir retenu que l’article 8 de l’ordonnance précitée relevait du domaine législatif et énoncé que l’organisation d’une audience devant ces juridictions est une garantie légale des exigences constitutionnelles des droits de la défense et du droit à un procès équitable, a jugé que cette disposition ne privait pas « de garanties légales les exigences constitutionnelles des droits de la défense» durant la période d’application des dispositions contestées compte tenu du contexte sanitaire particulier résultant de l’épidémie de covid-19».

Pour fonder cette décision, le Conseil constitutionnel a retenu, d’une part, que l’article 8 poursuit «l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé et contribue à la mise en oeuvre du principe constitutionnel de continuité du fonctionnement de la justice malgré les mesures d’urgence sanitaire », que d’autre part, il permet aux juridictions de statuer dans des délais compatibles avec la célérité qu’exigent les procédures d’urgence en cause, que, par ailleurs, le fait que l’article 8 ne soit applicable que lorsque les parties doivent être représentées par un avocat ou lorsqu’elles ont choisi d’être représentées ou assistées par un avocat, garantit aux justiciables la possibilité de défendre utilement leur cause dans le cadre d’une procédure écrite, et qu’enfin, « les dispositions contestées se bornent à offrir une faculté au juge, à qui il appartient, en fonction des circonstances propres à chaque espèce, de s’assurer qu’une audience n’est pas nécessaire pour garantir le caractère équitable de la procédure et les droits de la défense.»

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