Hors-série n°1 - Panorama sur la mise en œuvre des pôles sociaux (Présentation générale)

Lettre de la deuxième chambre civile

  • Responsabilité civile

Inscrite dans la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle, prolongée par deux ordonnances du 16 mai 2018[1] et par la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018–2022 et de réforme pour la justice, puis concrétisée, par touches successives, par plusieurs décrets d’application (D. n° 2017-13 du 5 janvier 2017 désignant une cour d'appel spécialisée pour connaître du contentieux de la tarification de l'assurance des accidents du travail ; D. n° 2018-772 du 4 septembre 2018 désignant les tribunaux de grande instance et cours d’appel compétents en matière de contentieux général et technique de la sécurité sociale et d’admission à l’aide sociale ; D. n° 2018-928 du 29 octobre 2018 relatif au contentieux de la sécurité sociale et de l’aide sociale ; D. 2019-1506 du 30 décembre 2019 relatif à la simplification du contentieux de la sécurité sociale), la réforme du contentieux de la sécurité sociale et de l'aide sociale instaure, en première instance, le traitement unifié de ces litiges au sein de pôles sociaux. Cette réforme répond à une volonté de simplification et d’accessibilité du juge en matière de droits sociaux. Elle s’est traduite, au 1er janvier 2019, par le transfert du contentieux des tribunaux des affaires de sécurité sociale (TASS), des tribunaux du contentieux de l’incapacité (TCI) et, pour partie, des commissions départementales d’aide sociale (CDAS), aux pôles sociaux de 116 tribunaux de grande instance (TGI) spécialement désignés. A la création des pôles sociaux, s’ajoute la réforme introduite par la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 instituant le tribunal judiciaire et ayant conduit, par l’effet de l’ordonnance n° 2019-964 du 18 septembre 2019, à la fusion des TGI et des tribunaux d’instance : les TGI spécialement désignés sont devenus, au 1er janvier 2020, les tribunaux judiciaires spécialement désignés (art. L. 211-16 du COJ).

 

En conséquence de ces transferts de compétences, il n’existe plus de distinction entre le contentieux technique et le contentieux général de la sécurité sociale. Seul fait l’objet d’un traitement procédural distinct le contentieux visé au 7° de l’article L. 142-1 du code de la sécurité sociale (CSS) afférent aux décisions des caisses d'assurance retraite et de la santé au travail et des caisses de mutualité sociale agricole concernant, en matière d'accidents du travail agricoles et non agricoles, la fixation du taux de cotisation, l'octroi de ristournes, l'imposition de cotisations supplémentaires et, pour les accidents régis par le livre IV du même code (accidents du travail), la détermination de la contribution prévue à l'article L. 437-1 (contribution des employeurs pour la couverture des charges du fonds commun des accidents du travail, contribution qui a toutefois disparu de ce dernier texte  par l’effet de la loi n° 2016-1827 du 23 décembre 2016, ledit fonds ayant été supprimé). Selon l’article L. 211-16 du code de l’organisation judiciaire (COJ), modifié par la loi susvisée, à compter du 1er janvier 2020, des tribunaux judiciaires spécialement désignés connaissent : 1° Des litiges relevant du contentieux de la sécurité sociale défini à l'article L. 142-1 du code de la sécurité sociale, à l'exception de ceux mentionnés au 7° du même article L. 142-1 ;  2° Des litiges relevant de l'admission à l'aide sociale mentionnés à l'article L. 134-3 du code de l'action sociale et des familles et des litiges relatifs aux décisions mentionnées aux articles L. 861-5 et L. 863-3 du code de la sécurité sociale ;  3° Des litiges relevant de l'application de l'article L. 4162-13 du code du travail (devenu L. 4163-17[2]).

 

Les cours d’appel sont également concernées par la mise en œuvre des pôles sociaux. L’ancien contentieux technique de la sécurité sociale relève en appel, non plus d'une juridiction unique (la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail ou CNITAAT), mais de chacune des 28 cours d'appel spécialement désignées à l’article L. 311-15 du COJ, à l’exception du contentieux de la tarification de l’assurance des accidents du travail[3], qui revient désormais à la cour d’appel d’Amiens (article L. 311-16 COJ, décret n° 2017-13 du 5 janvier 2017). Néanmoins, la CNITAAT demeure compétente jusqu’au 31 décembre 2022 pour connaître des procédures introduites avant le 1er janvier 2019 (article 114 L. n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 ; D. n° 2020-155 du 24 février 2020). A la date butoir du 31 décembre 2022, toutes les procédures seront transférées en l'état, selon leur ressort territorial, aux cours d'appel spécialement désignées. De même, depuis le 1er janvier 2019, le contentieux de l'aide sociale ne relève plus, en appel, de la commission centrale d’aide sociale (CCAS), mais de chacune des cours spécialement désignées. 

 

Les blocs de compétence contentieux général-contentieux technique ont ainsi été fusionnés pour ne former qu’un socle unique, celui du contentieux de la sécurité sociale, défini à l’article L. 142-1 du CSS. Dans sa rédaction issue de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, applicable depuis le 1er janvier 2020, l’article L. 142-8 du code de la sécurité sociale dispose sobrement que le juge judiciaire (par opposition au juge administratif) connaît des contestations relatives au contentieux de la sécurité sociale défini à l’article L. 142-1 et au contentieux de l’admission à l’aide sociale défini à l’article L. 142-3. La réforme introduit cependant une distinction essentielle entre les litiges d’ordre médical et ceux d’ordre non médical : si cette distinction n’est pas nouvelle, elle prend une importance inédite pour s’imposer, sur le plan procédural, comme la summa divisio. La réforme étend par ailleurs, sans l’uniformiser, le recours préalable obligatoire, dont il conviendra certainement de mesurer l’efficacité et la portée sur le nombre des saisines contentieuses. Ces nouvelles dispositions, qui n’ont cessé d’être retouchées depuis leur entrée en vigueur, ne seront pas sans susciter des difficultés d’interprétation et de mise en œuvre, ce qui aura, sans nul doute, une incidence sur la charge de travail des juridictions, ainsi que sur le nombre et la complexité des pourvois ou avis soumis à la Cour de cassation.       

 


[1] Ord. n° 2018-358, relative au traitement juridictionnel du contentieux de la sécurité sociale et de l'aide sociale ; Ord. n° 2018-359, fixant les modalités de transfert des personnels.

[2] Litiges afférents au compte professionnel de prévention.

[3] La tarification des accidents du travail et maladies professionnelles consiste dans la mise en œuvre, par les caisses d'assurance retraite et de la santé au travail et les caisses de mutualité sociale agricole, sous le contrôle de la juridiction nationale compétente en la matière, de l'ensemble des règles permettant le calcul du taux des cotisations mises à la charge de l'employeur au titre du risque AT/MP.

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