Avis du 20 décembre 2017 - pourvois

n°17-70.034

n°17-70.035

n°17-70.036

Bulletin 2017 - Avis, n°12 *

 

Sommaire :

La sanction attachée à la déclaration d’appel formée à compter du 1er septembre 2017, portant comme objet "appel total" ou " appel général", sans viser expressément les chefs du jugement critiqués lorsque l'appel ne tend pas à l'annulation du jugement ou que l'objet n'est pas indivisible, est une nullité pour vice de forme au sens de l’article 114 du code de procédure civile.

Cette nullité peut être couverte par une nouvelle déclaration d’appel.

La régularisation ne peut pas intervenir après l’expiration du délai imparti à l’appelant pour conclure conformément aux articles 910-4, alinéa 1er, et 954, alinéa 1er, du code de procédure civile.

 

Commentaire :

Dans ces avis, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation affirme que les déclarations d’appel formées à compter du 1er septembre 2017, qui ont pour objet un "appel total" ou un " appel général", sans viser expressément les chefs du jugement critiqués, lorsque l'appel ne tend pas à l'annulation du jugement ou que l'objet n'est pas indivisible, encourent une nullité pour vice de forme.

Elle juge ensuite que cette nullité peut être couverte par une nouvelle déclaration d’appel à condition qu’elle soit déposée avant l’expiration du délai de trois mois imparti à l’appelant pour conclure (cf. développements au § I.1., supra).

 

2e Civ., 19 novembre 2020, pourvoi n° 19-13.642, publié au Bulletin

Sommaire :

Il résulte de l'article 901 du code de procédure civile que la déclaration d'appel est faite par acte contenant, à peine de nullité, les chefs de jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

La déclaration d'appel, nulle, erronée ou incomplète pouvant néanmoins être régularisée par une nouvelle déclaration d'appel dans le délai pour conclure, une seconde déclaration d'appel peut venir étendre la critique du jugement à d'autres chefs non critiqués dans la première déclaration, sans qu'un acquiescement aux chefs non critiqués dans un premier temps ne puisse être déduit de cette omission.

En outre, la cour d'appel ayant été saisie dès la première déclaration d'appel, la seconde déclaration s'incorpore à la première de sorte que si sont critiqués, dans la seconde déclaration d'appel, de nouveaux chefs de jugement, la cour d'appel reste saisie de la critique des chefs de jugement mentionnés dans la première déclaration d'appel.

 

Commentaire :

Précédemment à l’arrêt, commenté à ces lignes, il avait été jugé qu’une seconde déclaration d'appel, formée contre un même jugement à l’encontre des mêmes parties est irrecevable lorsque l’instance n’est pas éteinte, comme formée par une personne dénuée d’intérêt (2e Civ., 11 mai 2017, pourvoi n° 16-18.464, Bull. 2017, II, n° 94) mais qu’elle est, en revanche, recevable si elle régularise une erreur matérielle affectant la première déclaration ou énonce les chefs du jugement attaqué et qu’elle est formée dans le délai d’appel (2e Civ., 16 novembre 2017, pourvoi n° 16-23.796, Bull. 2017, II, n° 215).

L’arrêt du 19 novembre 2020 intéresse une situation qui s’inscrit au-delà des hypothèses précédentes. Par la solution qu’il retient, il complète très substantiellement la jurisprudence qui vient d’être rappelée.

Il affirme, en effet, qu’une seconde déclaration d’appel peut compléter une première déclaration qui, sans être erronée ou nulle, serait simplement incomplète, et, ainsi, « venir étendre la critique du jugement à d’autres chefs non critiqués dans la première déclaration ».

Il précise encore qu’en une telle situation, la cour d’appel ayant été valablement saisie dès la première déclaration d’appel, la seconde déclaration s’incorpore à la première, de sorte que si sont critiqués, dans la seconde déclaration d’appel, de nouveaux chefs du jugement, la cour d’appel reste saisie de la critique des chefs du jugement mentionnés dans la première déclaration d’appel. En bref, il est loisible à un appelant qui, dans sa première déclaration d’appel, aurait limité sa critique à certains chefs du jugement de l’étendre à d’autres chefs par une seconde déclaration d’appel formée dans le délai pour conclure.

Il importe de souligner que cet arrêt atténue les rigueurs de la jurisprudence qui sanctionne par l’absence d’effet dévolutif une déclaration d’appel non conforme aux très strictes exigences des articles 901 et 562 du code de procédure civile.

 

2e Civ., 25 mars 2021, pourvoi n° 20-10.654, publié au Bulletin

Sommaire :

Aux termes de l'article 910-3 du code de procédure civile, applicable en matière d'appel jugé suivant la procédure ordinaire avec représentation obligatoire, en cas de force majeure, le président de la chambre ou le conseiller de la mise en état peut écarter l'application des sanctions prévues aux articles 905-2 et 908 à 911 du même code. Constitue un tel cas de force majeure en procédure civile, la circonstance non imputable au fait de la partie et qui revêt pour elle un caractère insurmontable.

 

Commentaire :

L’article 910-3 du code de procédure civile prévoit qu’en cas de force majeure, le président de la chambre ou le conseiller de la mise en état peut écarter l'application des sanctions prévues aux articles 905-2 et 908 à 911, à savoir la caducité de la déclaration d’appel ou l’irrecevabilité des conclusions, faute de remise de celles-ci dans les délais fixés.

L’appréciation de la force majeure est contrôlée par la Cour de cassation. Le contrôle qu’elle opère à cet effet est dit « léger », ce qui signifie que pour l’application du texte en cause, elle laisse au juge du fond une assez large liberté d’appréciation.

Dans ce cadre, elle est conduite à examiner si le juge du fond a pu ou non considérer que les circonstances invoquées avaient « empêché les appelants de conclure dans le délai de l'article 908 du code de procédure civile » (2e Civ., 14 novembre 2019, pourvoi n° 18-17.839, publié, 2e Civ., 4 juin 2020, pourvoi n° 18-23.248, publié) ou avaient constitué un « événement insurmontable, caractérisant un cas de force majeure » (2e Civ., 27 février 2020, pourvoi n° 19-10.849, publié).

L’arrêt du 27 février 2020, ici commenté, enrichit la force majeure en matière procédurale d’une définition qui n’est pas dépourvue de cohérence avec celle retenue en droit des obligations (article 1218, alinéa 1er, du code civil). Il affirme ainsi que « constitue un cas de force majeure en procédure civile, la circonstance non imputable au fait de la partie et qui revêt pour elle un caractère insurmontable ».

Au cas d’espèce, l’appelant, précédemment demandeur en première instance, critiquait en appel le rejet de ses demandes par les premiers juges. Ayant été débouté par eux de ses demandes indemnitaires aux motifs qu’il ne justifiait pas de son préjudice, il avait, aux fins d’en établir le montant par un rapport d’expertise, eu recours au cours de l’instance d’appel à un cabinet d’expertise privé et soutenait, en substance, qu’il n’avait pu conclure en appel dans le délai de trois mois qui lui était imparti, faute d’avoir disposé à temps de la remise du rapport attendu, sans lequel il ne pouvait fixer ses prétentions.

La Cour de cassation approuve la cour d’appel d’avoir constaté que l’appelant pouvait conclure sans faire figurer ce rapport non encore remis dans le bordereau annexé à ses conclusions, qui aurait pu ainsi être joint à ses dernières conclusions, dès lors que la communication du rapport d’expertise en cause aurait été faite en temps utile pour que son contradicteur puisse y répondre, faisant ainsi ressortir que l’appelant n’avait pas été placé dans l’impossibilité de conclure en raison d’une circonstance qui ne lui serait pas imputable et d’avoir, en conséquence, prononcé la caducité de sa déclaration d’appel, faute pour l’appelant d’avoir conclu dans le délai de trois mois qui lui était imparti à cet effet.

 

2e Civ., 2 juillet 2020, pourvoi n° 19-14.745, publié au Bulletin

Sommaire :

En application des articles 908 et 930-1 du code de procédure civile, l'appelant dispose, à peine de caducité de sa déclaration d'appel, d'un délai de trois mois à compter de cette déclaration pour remettre ses conclusions au greffe par la voie électronique. Il résulte de la combinaison des articles 748-3 du code de procédure civile et 2, 4, 5 et 8 de l'arrêté du 30 mars 2011 relatif à la communication par voie électronique dans les procédures avec représentation obligatoire devant les cours d'appel, que la cour d'appel est régulièrement saisie des conclusions que la partie lui a transmises, par le réseau privé virtuel avocat (RPVA), en pièce jointe à un message électronique ayant fait l'objet d'un avis électronique de réception mentionnant ces conclusions au nombre des pièces jointes.

Encourt par conséquent la censure l'arrêt d'une cour d'appel qui prononce la caducité d'une déclaration d'appel au motif que la remise au greffe par RPVA des conclusions relatives à une instance avait été accomplie dans le cadre d'une instance distincte, concernant une autre partie et dont elles portaient par erreur le numéro d'inscription au répertoire général, alors que la cour d'appel est bien saisie de ces conclusions, en dépit de l'indication d'un numéro de répertoire erroné.

 

Commentaire :

Dans cette affaire, l’appelant avait remis au greffe de la cour d’appel, dans le délai qui lui était imparti, ses conclusions, via le réseau RPVA. Cependant le message de transmission de ces conclusions mentionnait le nom d’un autre défendeur, ainsi qu’un numéro de répertoire qui ne correspondait pas au litige, mais à une autre instance.

Quelle sanction pouvait s’attacher à une telle irrégularité ?

Pour utiliser le réseau RPVA, l’avocat doit « entrer » dans un dossier déterminé pour y accomplir un acte au titre de l’instance correspondante. Dès lors en « entrant » dans un autre dossier ensuite d’une erreur portant sur le numéro de rôle, l’avocat commet-il une simple erreur matérielle ou à l’inverse, doit-on considérer qu’aucun acte ne peut être ainsi valablement remis ?

C’est cette seconde solution qu’a adoptée la cour d‘appel aux termes de l’arrêt attaqué qui a retenu que faute pour l’appelant d’avoir déposé ses conclusions dans le bon dossier, il devait être considéré qu’il n’avait pas remis ses conclusions dans le délai imparti et a prononcé, en conséquence, la caducité de sa déclaration d’appel.

La deuxième chambre civile de la Cour de cassation censure cette décision.

Plusieurs considérations doivent retenir l’attention à cet égard.

L’article 908 du code de procédure civile prévoit (seulement) que l'appelant dispose d'un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel pour remettre ses conclusions au greffe. Au cas particulier, les conclusions de l’appelant avaient bien été remises au greffe, dans le délai de trois mois. Elles l’avaient certes été avec une indication erronée relative au numéro de répertoire général de l’instance concernée, figurant dans le message d’envoi des conclusions. Les conclusions elles-mêmes n’en étaient pas moins régulières. 

Considérer que, pour être valablement remises, les conclusions devaient indiquer un numéro de répertoire exact revenait à ajouter à la loi, en l’occurrence à l’article 908 du code de procédure civile, une condition qu’elle ne comportait pas.

On peut encore ajouter qu’en application de l’alinéa 2 de l’article 727 du code de procédure civile, c’est au greffe qu’incombe la responsabilité de verser les actes de la procédure dans le dossier correspondant. Dès lors, si les conclusions avaient été « remises » sous un numéro de répertoire erroné, il appartenait au greffe de les enregistrer ces conclusions dans le bon dossier.

Pour l’ensemble de ces raisons, l’erreur affectant la « remise » des conclusions ne peut être assimilée à une absence de transmission.

La solution retenue par l’arrêt du 2 juillet 2020 a été réaffirmée à propos de conclusions comportant un numéro de répertoire erroné, mais régulièrement transmises au greffe de la cour d’appel dans le délai de trois mois requis (2e Civ., 30 septembre 2021, pourvoi n° 20-15.057), de même que dans le cas d’une requête en déféré affectée du même type de mention erronée (2e Civ., 3 mars 2022, pourvoi n° 20-17.868).

Elle doit également être mise en perspective avec plusieurs autres décisions intervenues en matière d’erreur dans la communication des pièces via le RPVA, dans la continuité desquelles il s’inscrit. Ainsi des arrêts qui ont retenu que l’avis de refus par le greffe du message contenant les conclusions de l’appelant en raison de l'absence de référence au numéro de rôle, établissait l'envoi des conclusions, dans le délai prescrit, et leur réception (2e Civ., 24 septembre 2015, pourvoi n° 14-20.212, Bull. 2015, II, n° 208) ou encore qu’une cour d'appel est régulièrement saisie des conclusions qu'une partie lui a transmises par le  RPVA en pièce jointe à un message électronique ayant fait l'objet d'un avis électronique de réception mentionnant ces conclusions au nombre des pièces jointes, même si le message électronique est intitulé « demande de renvoi de plaidoirie » (2e Civ., 7 janvier 2016, pourvoi n° 14-28.887, Bull. 2016, II, n° 2).

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